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Full text of "Les procès de bestialité aux XVIe et XVIIe siècles : documents judiciaires inédits publiés avec un avant-propos"

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UNIVERSITY  OF  TORONTO 

by 

Alexander  C.   Pathy 


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Dr  LUDOVIGO  HERNANDEE 


Procès 
ue  Bestialité 


aux  XVr  et  XVir  siècles 


DOCUMENTS    JUDICIAIRES    INÉDITS 
PUBLIÉS    AVEC    UN    AVANT>PROPOS 


Ouvrage  orné  de  quatre  illustrations  hors  texte 


PARIS 

RUE    DE    FURSTENBERG,    4 
MCMXX 


LES  PROCÈS  DE  BESTIALITÉ 


Dr  LUDOVIGO  HERNANDEZ 


Les  Procès 
de  Bestialité 


aux  XVr  et  XVIP  siècles 


DOCUMENTS   JUDICIAIRES    INÉDITS 
PUBLIÉS    AVEC    UN    AVANT-PROPOS 


Ouvrage  orné  de  quatre  illustrations  hors  texte 


PARIS 
BIBLIOTHÈQUE  DES  CURIEUX 

4,     RUE    DE    FURSTENBERG,     4 
MCMXX 


AVANT-PROPOS 


«  Comment  imaginer  sans  horreur,  écrit  Mira- 
beau dans  son  Erotika  Bihlion^  au  chapitre  Béhé- 
mah  (De  la  Bestialité),  qu'un  goût  aussi  dépravé 
puisse  exister  dans  la  nature  humaine,  lorsqu'on 
pense  combien  elle  peut  s'élever  au-dessus  de  tous 
les  êtres  animés  ?  Comment  se  figurer  que  l'homme 
ait  pu  se  prostituer  ainsi?  Quoi,  tous  les  charmes, 
toutes  les  délices  de  l'amour,  tous  ses  transports...  il 
a  pu  les  déposer  aux  pieds  d'un  vil  animal  !  Et  c'est 
au  physique  de  cette  passion,  à  cette  fièvre  impé- 
tueuse qui  peut  pousser  à  de  tels  écarts,  que  des 
philosophes  n'ont  pas  rougi  de  subordonner  le 
moral  de  l'amour  !  Le  physique  seul  en  est  bon^ 
ont-ils  dit.  Eh  bien,  lisez  Tibulle,  et  puis  courez 
contempler  ce  physique  dans  les  Pyrénées,  où 
chaque  berger  a  sa  chèvre  favorite  ;  et  quand  vous 
aurez  assez  observé  les  hideux  plaisirs  du  monta- 
gnard brutal,  répétez  encore  :  en  amour,  le  phy- 
sique seul  est  bon...  » 

Cette  comparaison,  quelque  peu  saugrenue, 
devient  pour  l'auteur  des  Lettres  à  Sophie,  motif  à 
dissertation  confuse  et  pédantesque  sur  la  partie 
constitutive  de  notre  être.  Après  avoir  attiré  notre 


LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


intérêt  sur  les  nuances  de  ses  dégradations,  invo- 
qué Pythagore,  Aristote,  Heraclite,  Empédocle, 
Épicure,  Anaxagore,  Boëce  et  Tertullien,  il  conclut 
que  «  la  seule  manière  d'assiéger  la  nature  qui 
puisse  lui  arracher  une  partie  de  son  secret  »,  serait 
d'étudier  les  produits  de  la  bestialité  en  les  sou- 
mettant à  l'éducation.  Ainsi  pourrait-on  tracer, 
d'après  lui,  la  ligne  de  démarcation  entre  l'homme 
et  la  bête,  et,  de  plus,  trouverait-on  le  moyen  de 
perfectionner  physiquement  l'espèce  humaine  par 
des  croisements  :  «  Quoi  de  plus  beau  dans  les 
êtres  animés  que  la  forme  du  centaure?...  »  Regret- 
tait que  Buffon  ne  nous  ait  pas  conservé  ses  expé- 
riences sur  les  mélanges  des  hommes  et  des  bêtes, 
Mirabeau,  séduit  par  une  pratique  qu'il  vient  de 
maudire  au  nom  de  l'idéalisme,  émet  le  vœu  que 
les  curés  basques  devraient  faire  soigner  les  chèvres 
engrossées  par  les  pâtres  des  Pyrénées,  et  recueil- 
lir leurs  produits.  «  L'intendant  d'Ausch  pourroit 
aisément  parvenir  à  ce  but,  sans  faire  réciter  de 
confessions  ;  il  pourroit  se  procurer  de  ces  produits 
monstrueux  par  ces  curés  ;  le  curé  demanderoit  à 
son  pénitent  sa  maîtresse ,  qu'il  remettroit  au  sub- 
délégué de  l'endroit,  sans  révéler  le  nom  de  V amant. 
Je  ne  vois  pas  quel  inconvénient  il  y  auroit  à  tour- 
ner au  profit  des  progrès  des  connaissances  humai- 
nes, un  mal  que  l'on  ne  sauroit  guère  empêcher.  » 
S'il  était  possible  que  l'accouplement  des  bes- 
tiaires donnât  quelque  chose,  notre  siècle   aurait 


AVAÎ^T-PROPOS 


peut-être  pu  combler  le  désir  de  Mirabeau,  en  édu- 
quant  les  enfants  du  singe  Consul  et  des  petites- 
nièces  de  l'Oncle  Sam,  qui  sollicitèrent  ses  fa- 
veurs et  le  firent  périr  d'épuisement  avant  qu'il 
sût  parler.  Mais  il  est  tant  d'hommes  dont  l'in- 
telligence et  la  beauté  ne  dépassent  point  celles 
de  Consîilf  que  ni  la  race  humaine  ni  la  race 
simiesque  n'en  eussent  été  amendées,  que  rien 
même  n'eût  été  changé  dans  l'ordre  du  monde.  Y 
aurait-il  lieu,  vraiment,  de  s'étonner  que  le  rejeton 
d'un  singe  et  d'une  Yankee  devînt,  à  l'instar  du  pre- 
mier venu,  président  d'une  société  savante,  acadé- 
micien, général,  milliardaire,  politicien  ?  ou  bien 
encore,  cireur  de  bottes,  souteneur,  cubiste,  ou 
reporteur  de  journal?...  C'est  faire  à  l'humanité 
beaucoup  trop  d'honneur  que  de  la  mettre  tellement 
au-dessus  des  singes,  et  c'est  montrer  une  candeur 
simiesque  que  de  croire  à  la  fécondité  de  pareils 
accouplements!  Mirabeau,  toutefois,  bien  qu'il  rap- 
pelle «  l'homme  cornu  »  que  l'on  présenta  à  la 
cour,  ne  paraît  accorder  de  crédit  ni  aux  témoi- 
gnages de  l'antiquité  ni  à  ceux  de  ses  contempo- 
rains. Sans  doute  faut-il  entendre  quelque  malice 
quand  il  cite  la  «  fille  sauvage  »,  religieuse  à  Châ- 
lons,  et  qu'il  confie  les  enfants  capripèdes  aux  con- 
fesseurs de  ces  bergers  pyrénéens,  dont  l'une  des 
«  plus  exquises  jouissances  est  de  se  servir  des  nar- 
rines  d'un  jeune  veau,  qui  leur  lèche  en  même 
temps  les  testicules  ». 


LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


Le  Chevalier  de  Pierrugues,  son  annotateur,  ne 
se  hasarde  pas  à  contester  l'existence  des  hommes 
capripèdes  :  il  s'en  tient,  dit-il,  respectueusement 
aux  Saintes  Écritures,  et  à  ce  qui  en  est  rapporté 
par  Saint  Jérôme  ;  soit  sa  fameuse  rencontre  avec 
un  satyre,  qui  le  conjura  d'intercéder  pour  ses 
pareils  auprès  du  Dieu  commun,  mort  pour  le  salut 
du  monde.  Comme  pour  la  plupart  des  hommes 
cultivés,  la  croyance  du  chevalier  s'appuie  tout 
autant  sur  la  Fable  païenne  que  sur  les  Pères  de 
l'Eglise,  qui  tentèrent  de  rapporter  au  christianisme, 
par  la  requête  du  Faune  de  Saint  Antoine,  l'attache- 
ment que  l'on  gardait  encore  pour  les  divinités 
indigètes  et  vernaculaires. 

Les  Satyres,  les  Faunes,  les  ^gipans  n'étaient 
point,  comme  on  l'a  cru,  ou  feint  de  croire,  les 
produits  de  la  fornication  caprine  de  tous  les 
peuples  pasteurs,  mais  une  déformation  légen- 
daire des  compagnons  de  Bacchus,  ou  Osiris, 
paysans  vêtus  de  peaux  de  bêtes,  qui  grossissaient 
de  pillards,  de  bouffons  et  de  parasites  les  armées 
en  marche  du  Conquérant.  L'on  a  également  sou- 
tenu d'autres  thèses  :  par  exemple,  que  ces  Satyres 
n'étaient  qu'une  espèce  de  singes  que  ce  Prince 
menait  à  sa  suite  ;  qu'autour  des  Temples  que  lui 
dressèrent  les  Égyptiens,  l'on  n'oublia  pas  les  sta- 
tues de  ces  animaux,  et,  dit  l'admirable  Hédelin, 
que  l'Egypte  «  matrice  infortunée  de  l'Idolâtrie,  les 
ayant  reçus  dans  son  giron  >,  ils   passèrent   à  la 


AVANT-PROPOS 


suite  de  Cadmus  chez  les  Grecs,  dont  ils  accrurent 
les  fausses  Divinités  par  des  mystères  que  les  Grecs 
eux-mêmes  ne  connaissaient  pas.  Ces  mystères  res- 
sortissaient  au  culte  de  Pan,  que  Ton  adorait  à 
Mendès  sous  la  forme  d'un  bouc,  auquel,  d'après 
Hérodote,  les  femmes  se  prostituaient  en  public. 
La  signification  de  ce  rite  n'est  autre  que  l'image  de 
la  fécondité,  représentée  par  le  bouc,  et  qui  s'ag- 
gloméra au  mythe  de  Bacchus,  principe  mâle  de  la 
génération  universelle.  Le  bouc  était  sacré  à  Bac- 
chus pour  les  mêmes  raisons  qu'au  dieu  Pan,  et, 
plus  particulièrement,  parce  que,  rongeant  la  vigne 
il  était  l'animal  tout  désigné  comme  totem.  Il  faut 
encore  ajouter  l'âne,  dont  l'organe  génital  rappelait 
par  sa  proportion  le  phallus  porté  aux  bacchanales, 
et  dont  la  lubricité  est  connue. 

Notre  intention  n'est  pas  d'étudier  ici  le  bestiaire 
mythologique,  qui,  le  plus  souvent,  représente  par 
des  symboles  les  conjonctions  planétaires  ou  les 
phénomènes  saisonniers,  mais,  en  montrant  l'âne 
et  le  bouc  comme  sacrés  à  Dionysos,  d'expliquer 
pourquoi,  au  moyen  âge  et  jusqu'à  la  fm  du  xvif 
siècle,  ces  animaux  figurent  dans  les  sabbats  et 
reçoivent  les  caresses  des  sorcières.  En  effets  les 
sabbats  n'étaient  qu'une  survivance  des  antiques 
bacchanales  ;  les  mêmes  orgies  s'y  répétaient,  et  le 
christianisme  primitif  ayant  rangé  les  faux-dieux 
au  nombre  des  démons,  le  bouc  et  l'âne  incarnè- 
rent le  principe  du  mal  aux  yeux  du  vulgaire  et  des 


LES   PROCES   DE  BESTIALITE 


juges  ecclésiastiques.  La  fornication  asine  ou 
caprine  était  donc  un  rite  véritable,  et  non  pas, 
comme  l'ont  avancé  de  graves  historiens  et  de  non 
moins  graves  légistes,  soit  un  phantasme  de  l'hys- 
térie, soit  une  copulation  diabolique.  Le  chien, 
également  consacré  à  Osiris,  parut  au  sabbat 
comme  l'âne  et  le  bouc,  et  la  fréquence  de  la  for- 
nication canine  trouve  son  explication  dans  la  curio- 
sité suscitée  chez  les  femmes  par  les  confidences 
des  initiées,  et  dans  la  facilité  qu'elles  trouvaient  à 
jouir  d'un  animal  si  docile,  si  lubrique  et  d'un  com- 
merce domestique  si  répandu. 

Il  est  certain  que  les  rites  égyptiens  corrom- 
pirent la  religion  hébraïque  (i),  puisqu'au  livre  II  des 
Paralipofnènes  et  dans  plusieurs  chapitres  àuLévi- 
tique  on  trouve  que  Jéroboam  institua  des  prêtres 
pour  le  service  des  veaux  et  des  boucs,  et  que  les 
Juifs  des  deux  sexes  s'accouplèrent  avec  des  velus ^ 
nom  qui  fut  donné  aux  boucs  et,  partant,  aux 
satyres.  Ces  accouplements  dégénérant  en  orgies 
secrètes,  où  se  mêla  plus  tard  la  sorcellerie,  nommée 
sahbatum  chez  les  Romains,  il  fut  ordonné  que  les 
coupables  de  ces  turpitudes  seraient  punis  de  mort 
en  même  temps  que  l'animal.  La  loi  hébraïque, 
insérée  au  chapitre  XVII  du  Lévitique,  fut  l'origine 
des  pénalités  romaines  et  germaniques  qui  châtiè- 
rent les   actes  de   bestialité   et    qui  restèrent    en 

(i)  A  moins  que  ce  ne  soit  le  contraire,  car  on  a  identifié  Bacchus  à  Moïse. 


AVANT-PROPOS 


vigueur  jusqu'à  la  fin  du  xvif  siècle.  Ce  sont  donc 
les  procès  intentés  aux  bestiaires  de  1540  à  1692 
que  nous  offrons  à  la  curiosité  du  lecteur,  d'après 
une  copie  de  Simon  Gueulette,  Procureur  du  Roi, 
copie  conservée  aux  Manuscrits  de  la  Bibliothèque 
Nationale  sous  la  cote  fr.  logô^. 

«  On  a  déjà  dit,  écrit  Voltaire,  dans  son  Diction- 
naire Philosophique,  {Bouc)  que  plus  de  cent  mille 
prétendus  sorciers  ont  été  exécutés  à  mort  en 
Europe.  La  seule  philosophie  a  guéri  enfm  les 
hommes  de  cette  abominable  chimère,  et  a  ensei- 
gné aux  juges  qu'il  ne  faut  pas  brûleries  imbéciles.» 
C'est  bien  le  seul  passage  à  peu  près  sensé  de  cet 
article,  où  Voltaire,  tout  à  ses  plaisanteries  favo- 
rites contre  la  Bible  et  les  Juifs,  affecte  d'ignorer 
les  raisons  qui  firent  adorer  les  animaux  et  por- 
taient encore,  au  temps  de  sa  jeunesse,  les  derniers 
fidèles  d'un  culte  millénaire  à  copuler  avec  les 
bêtes.  Quoi  qu'il  en  soit,  son  jugement  n'a  pas  été 
sans  influencer  le  Grand  Frédéric,  à  qui  l'on  avait 
donné  à  signer  la  condamnation  d'un  de  ses  sujets, 
convaincu  de  relations  avec  une  ânesse.  Le  Roi- 
Philosophe  ne  confirma  pas  la  sentence,  mais  il 
écrivit  au  bas  «  qu'il  donnait  dans  ses  états  liberté 
de  conscience  et  de  v.t.  »  (i) 


(i)  Un  cavalier  était  convaincu  d'avoir  couvert  une  jument  :  «  Ce  gail- 
lard-là est  un  cochon,  dit  Frédéric  ;  qu'on  le  mette  dans  l'infanterie.  » 
Il  y  devint  peut-être  sodomite,  mais  le  roi,  l'étant  aussi,  ne  pouvait  que 
s'en  réjouir. 


LES   PROCES    DE  BESTIALITE 


On  ne  croira  pas,  avec  Voltaire,  que  les  reli- 
gions aient  servi  de  couverture  à  des  actes  infâmes 
auxquels  elles  auraient  incité,  ni  que  la  bestialité 
fût  un  des  effets  de  l'ignorance,  par  elles  jalouse- 
ment entretenue.  La  bestialité  ne  s'est  pas  seule- 
ment rencontrée  chez  les  juifs  et  dans  le  nome  de 
Mendès  ;  là  n'est  pas  son  berceau  :  elle  est,  comme 
on  le  sait,  propre  à  tous  les  peupjes,  et  toutes  les 
religions,  y  compris  la  nôtre,  avec  la  figure  du 
Paraclet,  ont  établi  des  rapports  de  fécondation 
entre  les  dieux  métamorphosés  et  les  femmes.  C'est 
ainsi  que  Jupiter,  tour  à  tour  cygne,  aigle,  cour- 
sier, etc.,  engrosse  les  mortelles  qu'il  convoite;  et, 
—  sans  parler  des  autres  Olympiens  d'Ovide,  ni  du 
Minotaure  et  de  Pasiphaé,  —  qu'un  roi  des  Goths, 
au  dire  de  Saxon  le  Grammairien,  tirait  son  origine 
d'une  vierge  noble  qui  avait  eu  commerce  avec  un 
ours.  Soit  qu'il  faille  y  voir,  comme  nous  l'avons 
dit,  les  symboles  de  conjonctions  planétaires  sous 
un  signe  zodiacal,  soit  que  la  Fable  eût  semblé  plus 
merveilleuse,  soit  enfin  que  les  premiers  hommes 
eussent  voulu  se  ménager  un  totem,  la  bestialité 
sacrée  n'eut  qu'une  faible  influence  sur  les  cas  qui 
nous  occupent,  et  l'on  ne  saurait  accuser  les  cultes 
d'avoir  inventé  un  acte  qui  n'a  généralement  pour 


AVANT-PROPOS 


moteur  que  le  besoin  naturel,  la  facilité  de  le  satis- 
faire par  la  violence,  ou  quelque  perversion  pas- 
sionnelle. 

On  a  d'ailleurs  la  preuve  que  les  bêtes,  sans  y 
être  contraintes,  ont  parfois  pour  nous  des  senti- 
ments amoureux  qui  se  traduisent  par  le  viol  ou 
par  un  attachement  plus  marqué.  «  Les  animaux, 
dit  Montaigne,  sont  beaucoup  plus  réglés  que  nous 
ne  sommes,  et  se  contiennent  avecques  plus  de 
modération  soubs  les  limites  que  nature  nous  a 
prescripts  ;  mais  non  pas  si  exactement  qu'ils  n'ayent 
encores  quelque  convenance  à  nostre  débauche,  et 
tout  ainsi,  comme  il  s'est  trouvé  des  désirs  furieux 
qui  ont  poulsé  les  hommes  à  l'amour  des  bestes, 
elles  se  trouvent  aussi  parfois  esprinses  de  nostre 
amour,  et  receoivent  des  affections  monstrueuses, 
d'une  espèce  d'aultre  :  tesmoins  l'elephant  corrival 
d'Aristophane  le  grammairien,  en  l'amour  d'une 
jeune  bouquetière  en  la  ville  d'Alexandrie,  qui  ne 
lay  cedoit  en  rien  aux  offices  d'un  poursuyvant 
bien  passionné  ;  car  se  promenant  par  le  marché  où 
l'on  vendoit  des  fruicts,  il  en  prenoit  avec  sa 
trompe,  et  les  luy  portoit  ;  il  ne  la  perdoit  de 
vue  que  le  moins  qu'il  luy  estoit  possible  ;  et  luy 
mestoit  quelquesfois  la  trompe  dans  le  sein  par 
dessoubs  son  collet,  et  luy  tastoit  les  festins.  Ils 
recitent  aussi  d'un  dragon  amoureux  d'une  fille  ;  et 
d'une  oye  esprinse  de  l'aniour  d'un  enfant,  en  la 
ville  d'Asope  ;  et  d'un  bélier  serviteur  de  la  menés- 


10  LES   PROCES   DE  BESTIALITE 


trière  Clausia  ;  et  il  se  veoit  tous  les  jours  des 
magots  furieusement  espris  de  l'amour  des 
femmes...  » 

Sans  nous  occuper,  avec  Dubois-Desaulle,  des 
animaux  domestiques  couchant  avec  leurs  maîtres, 
comme  le  lion  de  Caracalla,  ou  les  deux  ourses 
favorites  de  Valentinien,  nous  rappellerons  seule- 
ment les  serpents  qu'affectionnaient  les  matrones 
romaines,  qui  tétaient  à  la  mamelle  ainsi  que  des 
nourrissons,  et  que  Bœttiger,  dans  Sabine,  conjec- 
ture avoir  été  des  engins  lubriques,  témoin  celui 
qui,  selon  Suétone,  se  glissa  près  d'Atia  ensom- 
meillée, et  la  força,  par  le  plaisir  qu'il  lui  donna,  de 
se  purifier  comme  si  elle  fût  sortie  des  bras  de  son 
mari.  Croirons-nous,  avec  Plutarque,  qu'une  vieille 
femme  d'Antée  fut  surprise  gisant  au  côté  d'un  cro- 
codile nonchalamment  allongé  sur  son  grabat?... 


Les  procès  qui  nous  ont  été  conservés  vont  nous 
permettre  de  faire  revivre  les  Justiniens  modernes, 
ou  les  émules  de  cette  jeune  fille  toscane  qui  se  fît 
couvrir  par  un  chien,  au  temps  de  Pie  V,  selon 
Venette  et  Forberg.  Mais  ce  n'est  pas  l'acte  de  ces 
pauvres  honteux,  sans  lustre  et  sans  raffinement, 
qui  doit,  à  vrai  dire,  éveiller  et  soutenir  la  curio- 


AVANT-PROPOS  1 1 


site.  Ce  sont  des  détails  de  mœurs,  le  plus  sou- 
vent comiques,  rapportés  avec  naïveté,  et  dont 
quelques-uns  s'éclairent  des  brandons  fumeux  de 
la  Jalousie  ou  de  la  Vengeance.  Car  il  est  cer- 
tain, pour  les  psychologues  les  moins  avertis,  qu'un 
grand  nombre  de  ces  accusés  sont  innocents.  En 
ces  temps  où  la  simple  inculpation  de  sodomie,  de 
blasphème  ou  de  bestialité  suffisait  à  perdre  un 
homme,  les  femmes  délaissées,  violentées,  ou 
même  dédaignées,  les  envieux  sans  scrupules,  ne 
se  faisaient  pas  faute  de  désigner  une  victime  à  la 
maréchaussée,  de  montrer  un  crime  aux  exempts 
à  travers  une  bouteille  de  rogomme  ou  de  vin 
clairet.  D'autres  sont  des  simples  d'esprit,  ou  des 
méprisés  de  l'amour,  que  le  rut  aiguillonne. 

Puisque  nous  avons  parlé  de  sodomie,  il  est  bon 
de  remarquer  que  la  coutume  judiciaire  était  de 
confondre  sodomie  et  bestialité,  comme  si  les 
antiques  coupables  des  trois  villes  de  la  Bible 
eussent  été  indistinctement  adonnés  aux  deux  vices 
qui  passent  pour  les  plus  monstrueux.  Quelques 
textes  ajoutent  la  hougrerie,  chargeant  à  leur  tour 
les  Bulgares  d'une  pratique  qui  ne  leur  est  généra- 
lement pas  imputée,  mais  que  leur  sauvagerie,  et 
surtout  leur  hérésie  sexuelle,  sans  compter  leur 
orthodoxie  religieuse,  désignaient  à  la  générosité 
des  accusateurs... 

Il  ne  faut  donc  pas  entendre  que  nos  accusés  sont 
des  sodomites  à  la  manière  du  «  malheureux  Chaus- 


12  LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


son,  dit  des  Estangs  »,  cet  ami  du  poète  Claude 
Le  Petit,  qui  fut  brûlé  en  place  de  Grève, 

En  montrant,  le  vilain,  son  cul  à  tout  le  monde. 

Un  romancier  du  plus  grand  talent,  doublé  d'un 
essayiste  ingénieux,  M.  Pierre  _Mac  Orlan,  après 
avoir  évoqué  (i)  ce  Chausson, 

Ce  coquin  si  fameux  à  la  tête  frisée, 

trouve  dans  le  détail  pittoresque  de  cet  alexandrin 
un  «  élément  merveilleux  y>  pour  créer  l'atmo- 
sphère du  roman  d'aventures,  qui,  selon  lui,  doit 
être  cherchée  de  préférence  dans  le  spectacle  des 
vies  anormales.  Eh  bien,  les  comparses  du  malheu- 
reux Chausson,  «  les  personnages  étranges  et 
misérables  »,  dont  parle  l'écrivain  avec  le  plus  vif 
désir  de  les  voir  se  dresser  devant  lui,  les  voici, 
chacun  dans  son  costume  décrit  par  le  Prévôt  ou  le 
Bailly,  entouré  de  ses  témoins  aux  noms  de  tribu- 
nal correctionnel  —  il  en  est  d'exprès  pour  atten- 
drir l'austérité  de  l'inflexible  Thémis  —  et  des 
exempts  qui  l'ont  conduit. 

Voici,  disons-nous,  Guillaume  Garnier,  un  qui- 
dam vêtu  de  drap  gris  de  fer  ; —  Pierre  Grondeau, 
gagne-deniers  de  Loiidiin,  et  son  témoin  Adrian 


(i)  Cf.  Pierre  Mac  Orlan,  La  Clique  du  Café  Brebis,  Paris,  La  Renais- 
sance du  Livre,  1919. 


AVANT-PROPOS  13 


Septbois  ;  —  Devialle  et  son  témoin  Antonie  Pode- 
lette,  la  grosse  femme  de  Jacques  Mesnard ;  — 
Jacques  Prenault,  tin  quidam  vêtu  de  drap  rouge, 
avec  des  culottes  de  peau  et  des  bas  de  chausses  y 
jointes  ;  —  Macé  Avril,  //;/.  quidam  vêtit  de  drap 
gris,  et  son  témoin  Roger  Trippeville,  maréchal 
ferrant,  autre  quidam  vêtu  de  drap  cannelle,  avec 
des  culottes  de  panne  rouge  ;  —  Pierre  Poulain 
qu'accompagnent  Barthélémy  Ognon  et  Geoffroy 
le  Sec,  deux  antithèses;  —  Bernard  Bouttesolle,  un 
quidam  vêtu  de  gris  fer,  avec  un  bonnet  rouge; 
—  Claudine  Culam,  une  quidamne  accusée  de 
copulation  avec  un  chien  blanc  tacheté  de  roux, 
et  qu'accompagnent  Jeanne  La  Picarde,  maîtresse 
sage-femme  et  matrone  jurée,  plus  Geneviève  Mal- 
voye .  et  Guillemette  Bontemps.  Voici  Eutrope 
Bedeau,  un  quidam  vêtu  de  drap  cannelle,  ayant 
un  bonnet  rouge  et  des  bas  blancs;  —  Perrichon, 
lin  quidam  vêtu  de  toile  grise,  conduit  par  Tous- 
saint Picot,  dit  Martel,  exempt,  lequel  est  assisté 
de  Thierry  Soudoyer,  de  Jean  Thomas,  dit  Bras- 
de-Fer  et  d'Etienne  Bodin,  dit  Èrindavoine,  cava- 
liers de  la  Brigade.  Voici  Jean  Cochon  (i),  garçon 
jardinier;  —  Anthoine  de  La  Rue,  un  quidam  vêtu 
d'un  habit  brun,  avec  des  boutons  d'orfèvrerie  et 
des  culottes  de  panne  rouge;  —  Pierre  Fontaine, 


(i)  Il  est   singulier  de  noter  que  ce  Cochon  ne  choisit  pas  une  truie 
pour  épouse,  et  que  le  susdit  Poulain  préféra  une  vache  à  une  jument. 


14  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


qui  a  envoûté  la  vache  d'Albert  Trottemenu  et  qui 
prit  pour  femme  une  inûle  et  bête  asine,  que  le 
diable  lui  a  donnée  ;  —  Charles  Chambery,  dont 
un  des  témoins  accusateurs  se  nomme  Gillette  de 
Trouvillain.  Et  voici  enfin  Sébastien  Barillet, 
accompagné  d'un  témoin  au  nom  molièresque  : 
Pierre  Trissotin.  Pour  tout  dire,  ils  ont  forniqué 
avec  des  ânesses,  des  chiennes  noires  ou  tachetées, 
des  truies,  des  vaches  ou  des  cavales,  les  uns  mon- 
tés sur  des  fagots,  qui  leur  serviront  de  bûcher, 
les  autres  sur  des  herses,  avec  un  entêtement  rus- 
tique et  borné  de  parvenir  à  leurs  fms  honteuses, 
au  prix  des  plus  grands  efforts  et  des  équilibres  les 
plus  subtils... 

Pauvres  et  grimaçantes  victimes,  misérables 
témoins  !  le  vieux  Breughel  d'Enfer  eût  aimé  vous 
peindre,  sous  vos  habits  cannelle,  vos  culottes  de 
panne  rouge  et  vos  bas  blancs,  auprès  de  la  petite 
église  pointue  devant  laquelle  se  dresse  l'amoncel- 
lement des  fascines,  ou  sur  le  mail  de  la  petite  ville, 
dont  les  maigres  platanes  sont  chargés  de  curieux 
ricaneurs  et  tâte-fessiers!...  Et  n'est-ce  pas  le  cas 
de  répéter  le  refrain  d.u  Chevalier  de  Rivière,  sur 
l'infortuné  Vigeon,  ce  maître  d'école  convaincu  de 
commerce  avec  un  oison,  et  dûment  supplicié  : 

Vraiment!  voilà  bien  de  la  joule 
Pour  îin  simple  fauteur  de  Poule  ! 

Nous  ne  brûlons  plus  ces  malheureux  qu'abusent, 


AVANT-PROPOS  1 5 


le  plus  souvent,  les  vapeurs  de  Bacchus  devant  la 
Vénus  satyriaque  ;  nous  ne  brûlons  plus  Claude 
Le  Petit,  ni  le  chevalier  de  la  Barre,  pour  quelques 
chansons  impies;  mais  il  est  toujours  des  Jésuites 
prêts  à  dénoncer  comme  infernales  la  gauloiserie 
de  nos  pères  et  la  liberté  d'écrire  :  Vraiment,  voilà 
bien  de  la  foule... 


D'  LuDOVico  Hernandez. 


OUVRAGES  A  CONSULTER 


Del  Rio,  Disquisitions  magiques,  1599  ;  —  Montaigne, 
Essais,  livre  II,  chap.  XII  ;  —  François  Hédelin,  Satyres, 
Brutes,  Monstres  et  Démons,  réimpress-  Liseux,  j888;  — 
Voltaire,  Dict.  Philosophique,  {Bouc)  ;  —  Mirabeau,  Erotika 
Biblioyi  [Behemah),  1783,  réimp.  dans  l'Œuvre  du  comte  de 
Mirabeau,  Paris,  l'Édition,  4,  rue  de  Furstenberg;  —  For- 
berg.  De  Figuris  Veneris  {De  coitu  cum  Brutis)  ;  —  Delatre 
et  Linas,  Sodomie  bestiale.  Soc.  de  méd.  légale,  1873-74,  III, 
p.  165;  —  Brouardel,  Pédérastie  d'un  chien  à  l' homme ,  Sem. 
méd.,  1887,  VII,  p.  318;  —  A.  Montalti,  La  Pederastia  tra  il 
cane  e  l'uomo,  Sperimentale,  1887,  L.  X,  p.  285  ;  —  Mante- 
gazza,  YJ  Amour  dans  l'hu^nanité,  1886  ;  —  Boissier  et  Lachaud, 
Per^oersion  sexuelle  à  forme  obsédante,  Arch.  de  neuroL,  1893, 
t.,  XXVI,  p.  383;  —  Boëleau,  U71  Cas  de  bestialité,  France 
médic,  XXXVIII,  p.  593;  L.  Thoinot,  Attentats  aux  mœurs 
et  perversions  du  sens  génital,  1818,  p,  268;  —  Ch.  Féré, 
Note  sur  un  cas  de  bestialité  chez  la  femme,  Archives  de  neu- 
rol.  1903,  n^  90;  —  Dubois-Desaulle,  Étude  sur  la  Bestialité, 
Paris,  1905. 


Les  Procès  de  Bestialité 


PROCES  CRIMINEL 
DE  GUILLAUME  GARNIER 

ACCUSÉ  DU   CRIME  DE  SODOMIE  AVEC  UNE  CHIENNE  NOIRE 
13  août  15^0. 

L'an  mil  cinq  cent  quarante,  le  quatorzième  jour 
de  mars,  fut  amené  pardevant  le  seigneur  Bailly  de 
cette  ville  de  Meaux  un  quidam  vêtu  de  drap  gris 
de  fer,  auquel  ledit  seigneur  Bailly  ayant  demandé 
comment  il  se  nommoit  et  de  quel  endroit  il  étoit, 
l'âge  qu'il  avoit,  a  répondu  qu'il  s'appelloit  Guil- 
laume Garnier,  étoit  de  cette  ville,  et  pouvoit  avoir 
environ  trente-cinq  ans. 

Et  ledit  seigneur  Bailly  luy  ayant  demandé  s'il 
connoissoit  une  grande  chienne  noire,  qui  luy 
fut  alors  représentée,  a  repondu  ledit  Guillaume 
Garnier  que  ladite  chienne  luy  appartenoit. 

Interrogé  si  ce  qu'on  disoit  de  luy  étoit  vray,  à 
sçavoir  qu'il  avoit  habité  charnellement  avec  ladite 
chienne  noire  :  a  répondu  que  ladite  chienne  luy 
ayant  été  donnée  très  jeune,  et  l'ayant  élevée,  il 


LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


Taimoit  beaucoup,  mais  qu'il  étoit  faux  qu'il  eut 
jamais  habité  charnellement  avec  ladite  chienne, 
ny  qu'il  y  eut  jamais  pensé.  Après  lesquels  inter- 
rogatoires, ledit  Guillaume  Garnier  a  été  recon- 
duit dans  les  prisons. 


Et  le  samedy  dix-neuvieme  jour  du  mois  de  mars 
furent  amenez  en  présence  de  mondit  seigneur  le 
Bailly  de  cette  ville  de  Meaux,  Jean  Durand,  Guil- 
laume Bradefer,  Simon  du  Taule  et  Antoinette 
Bardou,  témoins  et  accusateurs  de  Guillaume  Gar- 
liier,  lesquels,  après  avoir  .prêté  serment  de  dire 
pure  et  entière  vérité  touchant  ledit  Garnier,  et 
encore  qu'ils  n'avoient  jamais  eu  aucune  dispute  ou 
démêlé  avec  luy,  témoignèrent  ce  qui  suit  : 

Sçavoir  ledit  Jean  Durand,  que  le  jour  des 
Mardy  gras  derniers,  ledit  Guillaume  Garnier  luy 
avoit  dit  qu'il  ne  vouloit  point  se  marier,  ni  avoir 
de  maîtresse,  attendu  qu'il  en  avoit  une  qui  ne  luy 
coutoit  point  d'entretien  et  luy  étoit  fîdele,  ajoutant 
que  ledit  Garnier  lui  avoit  en  même  tems  avoué  qu'il 
habitoit  charnellement  avec  sa  grande  chienne 
noire. 

Témoignèrent  aussi  lesdits  Guillaume  Bradefer 
et  Simon  du  Taule,  que  depuis  très  long  tems  ledit 
Garnier  leur  avoit  fait  semblable  aveu,  surquoy  ils 
luy  avoient  représenté  la  grandeur  de  son  crime. 


GUILLAUME   GARNIER  IQ 


mais  que  ledit  Garnier,  secouant  la  tête,  avoit  dit 
que  chacun  avoit  son  goût  et  que  c'étoit  le  sien. 

Témoigna  laditte  Antoinette  Bardou  que  vers  le 
mois  d'octobre  dernier,  ledit  Guillaume  Garnier 
luy  avoit  dit  que  laditte  chienne  noire  etoit  un  tré- 
sor inestimable,  et  que  si  elle  sçavoit  sa  valeur,  et 
ce  qu'elle  sçavoit  faire,  elle  voudroit  en  posséder 
une  semblable;  qu'ensuite  ayant  pressé  instament 
ledit  Garnier  de  luy  dire  à  quoy  cette  chienne  luy 
servoit,  et  quel  profit  il  pouvoit  en  retirer,  ledit 
Garnier  luy  avoit  dit  que  cette  chiene  le  conduisoit 
tous  les  samedis  au  sabbat,  et  que  là  le  Diable  luy 
donnoit  autant  d'or  et  d'argent  qu'il  vouloit. 


Et  le  vendredi  quinzième  jour  d'avril,  après  lec- 
ture faite  des  témoignages,  et  ledit  Garnier  s'étant 
jette  aux  pieds  de  mondit  sieur  Bailly,  et  luy  ayant 
demandé  grâce,  avoua  que  toutes  lesdittes  déposi- 
tions etoient  vrayes.  Sur  quoy  mondit  sieur  Bailly 
luy  ayant  dit  qu'il  ne  pouvoit  luy  faire  grâce,  mais 
qu'il  auroit  qu'à  se  pourvoir  au  Parlement,  lors- 
qu'il auroit  rendu  sa  sentence. 


Nous    avons   déclaré    ledit    Guillaume    Garnier 
atteint  et  convaincu  du  crime  de  sodomie  commis 


20  LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


avec  une  grande  chienne  noire,  pour  réparation 
duquel  cas,  Tavons  condamné  et  condamnons  à  être 
attaché  à  un  poteau  qui  sera  planté  pour  cet  effet 
dans  la  place  du  marché  de  cette  ville,  et  là  brûlé 
vif;  ordonnons  que  tous  ses  biens  seront  acquis  et 
confisquez  au  seigneur  Roy  ;  sur  lesquels  sera  prise 
la  somme  de  cent  livres  d'amende  envers  ledit  sei- 
gneur Roy  ;  et  en  outre  ordonnons  que  la  chienne 
noire  avec  laquelle  ledit  Guillaume  Garnier  a  com- 
mis et  perpétré  ledit  crime,  sera  tuée  et  occise  par 
l'exécuteur  des  hautes  œuvres  et  son  corps  enfouy 
en  terre.  Donné  àv  Meaux  le  mercredy  20^  jour 
d'avril  1540,  avant  mi dy. 


La  Cour  de  Parlement  modifie  ainsi  la  sentence  : 
Ce  néanmoins  ordonné  qu'après  que  ledit  Gar- 
nier aura  senti  un  peu  le  feu,  il  sera  étranglé,  et  son 
corps  brûlé  ensuite  ;  pareillement  que  laditte  grande 
chienne  noire  sera  brûlée  audit  lieu  où  l'exécution 
dudit  Garnier  aura  été  faite,  et  consommée  en 
cendres,  ensemble  les  pièces  du  procès.  Fait  au 
Parlement  aujourd'huy  13^  jour  d'août  1540. 


PROCÈS  CRIMINEL  DE  PIERRE  GRONDEAU 

ACCUSÉ  d'abuser  d'une  anesse 

24  novembre  1542 

A  tous  ceux  qui  ces  présentes  verront  ou  orront, 
Pierre  de  Brueres,  juge  Royal  de  Loudun,  sçavoir 
faisons  que  sur  les  plaintes  et  réquisition  faites  par 
Jean  Dumas,  Pierre  Brunel,  Adam  Le  Coq,  David 
Terreau,  Jeanne  Vallée,  et  Adrian  Septbois, 
témoins  et  se  portans  pour  accusateurs  à  rencontre 
de  Pierre  Grondeau,  gagne  deniers  de  cette  ville, 
et  par  eux  surpris  habitant  charnellement  et  détes- 
tablement  avec  une  anesse  appartenante  audit  Jean 
Dumas,  suivant  les  témoignages  et  dépositions  des 
témoins  susdits,  par  nous  receues  le  vingt  et  un  du 
présent  mois,  les  conclusions  du  procureur  du 
Roy  audit  siège,  avons  déclaré  et  déclarons  ledit 
Pierre  Grondeau  atteint  et  convaincu  du  crime  dont 
il  est  accusé  ;  et  en  conséquence  ordonnons  que 
pour  réparation  desdits  crimes  et  cas,  il  sera  étran- 
glé, et  son  corps  brûlé  avec  celuy  de  Tanesse,  et  le 
présent  procès  ;  donné  au  siège  de  Loudun  ce  jeudy 
vingt  neuf  octobre  mil  cinq  cent  quarante  deux. 


Cet  arrêt  a    été  confirmé   par  le  Parlement  le 
24  novembre  1542. 


PROCES  CRIMINEL  DE  JEAN   DEVIALLE 

ACCUSÉ  DE  SODOMIE  AVEC  PLUSIEURS  BRUTES 
9  janvier  1545. 


L'an  mil  cinq  cent  quarante  quatre,  le  mercredy 
vingt  deux  novembre,  fut  amené  et  conduit  en  pré- 
sence du  juge  de  Chaslard,  Jean  Devialle,  Berger 
dudit  lieu,  de  présent  constitué  prisonnier  es  prison 
de  ce  lieu,  et  accusé  d'avoir  habité  charnellement 
avec  plusieurs  brutes.  En  présence  duquel  fut 
amené  Joseph  Valdatte,  Chirurgien  dudit  lieu  de 
Chaslard,  lequel,  après  avoir  prêté  serment  de  dire 
pure  et  entière  vérité,  a  déclaré  que  le  vingt  trois 
aoust  précèdent,  en  sortant  dudit  Chaslard,  il  avoit 
surpris  ledit  Devialle  en  copulation  charnelle  avec 
une  chèvre  noire,  et  qu'ayant  menacé  ledit 
Devialle  d'aller  le  dénoncer  à  la  justice,  ledit 
Devialle  l'avoit  supplié  de  ne  le  point  faire,  et 
qu'il  ne  retomberoit  jamais  dans  un  pareil  crime. 

Fut  amené  ensuite  Hugues  Minelle,  gagne 
deniers,  et  cousin  germain  dudit  Devialle,  lequel, 
après  le  serment  accoutumé  de  dire  vérité,  a 
déclaré  que  connoissant  la  détestable  inclination  du- 
dit Devialle,  il  l'en  avoit  souvent  repris,  mais  sans 
aucun   fruit,    et  même    qu'un   jour,    qui   estoit  la 


JEAN   DEVIALLE  23 


veille  de  la  saint  Denis  dernière,  ledit  Devialle, 
irrité  des  remontrances  qu'il  luy  faisoit,  prit  un 
gros  bâton  pour  luy  en  donner,  mais  que  par  bon- 
heur il  manqua  son  coup. 

Fut  ensuite  amené  Jean  Carpin,  laboureur,  dudit 
lieu  de  Chaslard,  lequel,  après  le  serment  accou- 
tumé de  dire  vérité,  a  déclaré  que  le  onze  aoust 
dernier  il  avoit  surpris  ledit  Devialle  en  copulation 
charnelle  avec  une  génisse,  dans  une  etable  appar- 
tenante au  fermier  dudit  Chaslard,  et  qu'il  n'en 
avoit  jamais  voulu  parler,  sur  la  promesse  que  luy 
fit  alors  ledit  Devialle  de  ne  plus  commettre  un 
pareil  crime. 

Fut  ensuite  amenée  Jeanne,  la  grosse  femme  de 
Jacques  Mesnard,  tisserand,  laquelle,  après  le  ser- 
ment de  dire  vérité,  déclare  qu'elle  avoit  plusieurs 
fois  trouvé  ledit  Devialle  enfermé  dans  son  etable, 
et  que  le  croyant  un  voleur,  elle  luy  avoit  deffendu, 
sous  peine  de  le  faire  prendre  prisonnier,  de  mettre 
jamais  le  pied  dans  sa  maison. 

Fut  amené  ensuite  Antoine  Podelette,  ouvrier  en 
toille,  lequel,  après  le  serment  accoutumé  de  dire 
pure  et  simple  vérité,  a  déclaré  que  sçachant  la 
détestable  passion  dudit  Devialle,  il  l'en  avoit  sou- 
vent réprimandé,  et  que  ledit  Devialle  luy  avoit 
avoué  qu'il  n'en  étoit  pas  le  maître. 

Apres  lesquelles  dépositions  se  sont  retirez. 


24  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


Et  le  lundy  vingt-sept  novembre,  sur  les  huit 
heures  du  matin,  fut  amené  en  présence  du  juge 
Royal  de  Chaslard,  Jean  Devialle,  lequel,  après  le 
serment  de  dire  vérité,  et  lecture  faite  en  sa  pré- 
sence des  dépositions  et  témoignages,  a  reconnu  la 
vérité  desdittes  dépositions  et  a  requis  pardon, 
après  quoy  s'est  retiré. 


Nous  avons  déclaré  et  déclarons  ledit  Jean  De- 
vialle duement  atteint  et  convaincu  d'avoir  habité 
charnellement  avec  plusieurs  brutes  ;  en  consé- 
quence, et  pour  réparation  desdits  crimes,  nous 
ordonnons  que  pour  la  détestable  et  ignominieuse 
habitation  contre  nature  par  luy  commise  avec  des 
brutes,  il  sera  pendu  et  étranglé,  son  corps  brûlé, 
et  ses  cendres  jetées  au  vent,  tous  et  chacun  ses 
biens  confisqués  au  profit  de  qui  il  appartiendra. 
Donné  en  notre  siège  de  Chaslard,  le  treize 
décembre  mil  cinq  cent  quarente  quatre. 


Sentence  confirmée  par  le  Parlement  le  9  jan- 
vier 1545. 


PROCES  CRIMINEL  DE  JACQUES  GION 

ACCUSÉ  DU  CRIME  DE  SODOMIE  AVEC  UNE  VACHE 
30  avril  1550. 


Uan  mil  cinq  cent  cinquante,  le  jeudy  vingt-trois 
février,  fut  amené  en  présence  du  juge  de  Chama- 
roUes,  Jacques  Gion,  Laboureur  audit  lieu,  accusé 
par  les  témoins  cy  après  dénommez  d'avoir  commis 
crime  de  sodomie  avec  une  vache,  ensuitte  dequoy 
fut  interrogé  le  premier  témoin  cy  après. 

Charles  Bouffain,  vigneron  dudit  lieu,  après 
avoir  prêté  serment  de  dire  pure  et  entière  vérité, 
a  déclaré  avoir,  ce  jourd'huy  sept  heures  du  matin, 
surpris  ledit  Jacques  Gion  commettant  sodomie 
avec  une  vache  dans  la  basse  Cour  du  Château. 

Second  témoin  :  Adrian  Lejuge,  valet  de  la 
ferme,  après  le  serment  accoutumé  de  dire  pure  et 
entière  vérité,  a  déclaré  que  sur  la  même  heure  de 
sept  heures  du  matin,  il  l'avoit  aussy  surpris 
appuyé  contre  un  fagot. 

Troisième  témoin  :  Thomas  Trouffe  a  déclaré  la 
même  chose  qu' Adrian  Lejuge,  après  avoir  fait  le 
serment  accoutumé. 

Lesdits  témoins  ouïs  et  entendus  se  sont  retirez. 


26  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


Et  le  mercredy  huitième  jour  de  mars,  fut  amené 
en  présence  du  sieur  juge  de  Chamarolles,  ledit 
Jacques  Gion,  Laboureur,  accusé  et  prisonnier  es 
prisons  dudit  lieu,  auquel  fut  faite  lecture  des 
témoignages  et  dépositions,  ensuite  dequoy  ledit 
Jacques  Gion,  accusé,  a  reconnu  ses  crimes,  et  a 
requis  pardon,  après  quoy  s'est  retirez. 


Nous  avons  déclaré  et  déclarons  ledit  Jacques 
Gion  bien  et  duement  convaincu  du  crime  de  sodo- 
mie avec  une  vache,  et  en  conséquence,  et  pour 
réparation  desdits  crimes,  ordonnons  que  ledit 
Jacques  Gion  sera  brûlé  dans  la  place  de  ce  lieu, 
avec  la  vache  avec  laquelle  il  a  commis  ledit  crime, 
ensemble  le  fagot  sur  lequel  ledit  Jacques  Gion 
étoit  appuyé  pour  commettre  ledit  crime  de  bou- 
grerie,  et  le  tout  réduit  en  cendres.  Donné  à  Cha- 
marolles le  dix-septieme  jour  de  Mars  mil  cinq 
cent  cinquante. 


Dans    sa   sentence    de    confirmation,    datée   du 
30  avril  1550,  le  Parlement  de  Paris  ajoute  : 

Ordonne  ladite  Cour  que  ledit  Jacques  Gion  sera 


JACQUES   GION  27 


ramené  audit  lieu  de  Chamarolles,  pour  y  être  exé- 
cuté sur  le  grand  chemin  qui  va  à  Poitiers,  et  sera 
attaché  à  un  poteau  qui  sera  planté  dans  ce  lieu 
pour  cet  effet,  et  ensuitte  brûlé,  ensemble  la  vache 
avec  laquelle  il  a  commis  ledit  crime,  et  le  fagot 
sur  lequel  il  etoit  pour  commettre  ladite  bougrerie, 
et  néanmoins,  par  grâce  et  sans  tirer  à  consé- 
quence, sera  ledit  Gion  étranglé  avant  de  sentir  le 
feu.  Fait  en  Parlement  ce  trentième  jour  d'Avril 
mil  cinq  cent  cinquante. 


PROCES  CRIMINEL  DE  JACQUES  PRENAULT 

ACCUSÉ  DU  CRIME  DE  SODOMIE  AVEC  UNE  CHÈVRE 
7  aoust  1551. 


L'an  mil  cinq  cent  cinquante  et  un,  le  Lundy 
vingt  quatrième  avril,  deux  heures  après  midy,  fut 
amené  par-devant  nous,  juge  Royal  de  Tlsle  de  Ré, 
un  quidam  vêtu  de  drap  rouge,  avec  des  culottes 
de  peau,  et  des  bas  de  chausses  y  jointes,  conduit 
par  Le  Roux,  chef  de  la  Brigade  de  la  Maréchaus- 
sée de  cette  ville  ;  lequel  Le  Roux  nous  déclara 
avoir  surpris  ledit  quidam  cydessus  designé,  et 
accusé  par  les  nommez  Pierre  Du  Loir,  Claude 
Dubois,  Eustache  Robinet,  Louis  Grandjean  et  Jean 
Levire,  d'abuser  charnellement  et  detestablement 
d'une  Chèvre  noire  que  ledit  Le  Roux  nous  amena 
en  même  tems. 

Interrogatoire  fait  par  nous  audit  quidam  cydes- 
sus designé,  sçavoir  comment  il  se  nommoit,  a 
repondu  qu'il  s'appelloit  Jacques  Prenault. 

Interrogé  par  nous  duquel  lieu  il  etoit,  a  repondu 
être  du  bourg  de  Saint-Martin. 

Interrogé  par  nous  quelle  etoit  sa  profession  et 
quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  etoit  vigneron  et 
qu'il  avoit  quarente  deux  ans. 


JACQUES  PRENAULT  29 


Interrogé  par  nous  s'il  connoissoit  la  Chèvre 
noire  amenée  par  la  brigade  dudit  Le  Roux,  a 
repondu  qu  elle  appartenoit  à  Denis  Robinet,  Mar- 
chand de  Bled  de  l'Isle  de  Ré. 

Interrogé  si  ce  qu'on  luy  objectoit  étoit  vray, 
sçavoir  qu'il  eut  commis  acte  de  sodomie  avec 
ladite  Chèvre,  a  repondu  que  cette  accusation 
etoit  entièrement  fausse,  et  qu'il  deffîoit  aucun  de 
le  luy  prouver;  après  lesquels  procès  verbaux  et 
interrogatoire  ledit  Jacques  Prenault  déclarant  per- 
sister dans  la  susdite  déposition,  nous  l'avons  fait 
conduire  en  prison. 


Et  le  Mercredy  vingt  six  avril  sont  comparus 
devant  nous  les  témoins,  auxquels  après  avoir  fait 
prêter  serment  de  dire  et  déclarer  pleine  et  entière 
vérité,  nous  ont  déclaré  et  certiffîé  ce  qui  suit  : 

Sçavoir  lesdits  Du  Loir,  Dubois  et  Robinet  qu'ils 
avoient  plusieurs  fois  surpris  ledit  Prenault  en 
copulation  charnelle  avec  laditte  chèvre  noire, 
appartenante  à  Denis  Robinet,  marchand  de  bled, 
frère  dudit  Eustache  Robinet. 

Ledit  Grandjean  a  déclaré  que  ledit  Prenault  luy 
avoit  dit  plusieurs  fois  qu'il  aimoit  mieux  laditte 
Chèvre  noire  qu'une  femme. 

Et  ledit  Levire  a  déclaré  la  même  chose  que  les 
susnommez  Duloir,  Dubois  et  Robinet. 


30  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


Après  lesquels  sermens  et  déclarations  se  sont 
retirez. 


Et  le  samedy  vingt  neuvième  avril  fut  amené  en 
notre  présence  Jacques  Prenault,  auquel  lecture  a 
été  faite  des  dépositions,  témoignages  et  déclara- 
tions faites  pardevant  nous,  lequel  Jacques  Prenault 
a  soutenu  que  lesdits  témoins  a  voient  déclarez  faux 
et  qu'entre  autres  lesdits  Du  Loir,  Dubois  et  Le 
Vire  avoient  été  subornez  par  ledit  Eustache  Robi- 
net, frère  de  Denis  Robinet,  à  qui  laditte  chèvre 
appartient,  et  avec  lequel,  il  y  a  plus  d'un  an,  ledit 
accusé  avoit  eu  plusieurs  querelles,  entr'autres  le 
jour  de  la  S*  Rémi  précédente,  que  luy  et  ledit 
Denis  Robinet  s'etoient  pris  de  parole  et  s'etoient 
frappés,  dans  laquelle  dispute  luy,  susdit  accusé, 
auroit  eu  la  tête  cassée,  de  laquelle  chose  Allexis 
Prade,  Chirurgien  du  bourg  de  Saint-Martin,  pou- 
voit  rendre  témoignage  ;  ajoutant  ledit  Jacques  Pre- 
nault qu'à  l'égard  de  Louis  Grandjean  il  etoit  bien 
vray  qu'il  luy  avoit  dit  qu'il  aimoit  mieux  laditte 
Chèvre  que  sa  propre  femme,  mais  qu'il  n'avoit 
point  prétendu  par  là  luy  faire  entendre  qu'il  eut 
aimé  mieux  habiter  charnellement  avec  laditte 
chèvre  qu'avec  saditte  femme  ;  après  lesquelles 
choses  ledit  accusé  a  été  reconduit  en  prison. 


JACQUES  PRENAULT  31 


Et  le  lundy  quinzième  may  audit  an,  furent  ame- 
nez en  présence  de  nous,  juge  Royal  de  l'Isle  de  Ré, 
Jacques  Prenault,  vigneron,  du  bourg  de  saint 
Martin,  Pierre  Duloir  marchand  audit  bourg  de  saint 
Martin,  Claude  Dubois,  gagnedeniers,  Eustache 
Robinet,  aubergiste,  Louis  Grandjean,  vigneron,  et 
Jean  Le  Vire,  tisserand,  auxquels  lecture  a  été  faite 
tant  du  procès  verbal  et  informations  faites  par  nous 
le  vingt-quatre  avril  dernier,  que  des  dépositions  et 
témoignages  rendus  en  notre  présence  à  la  charge 
dudit  Prenault,  le  vingt-six  dudit  mois,  et  des  def- 
fenses  alléguées  par  ledit  Prenault  le  vingt  neuf  du- 
dit, ensuite  de  quoy  lesdits  témoins  persistans  dans 
leurs  témoignages  et  dépositions,  et  ledit  Prenault 
en  ses  deffenses,  après  avoir  entendu  le  procureur 
fiscal  de  ce  siège,  nous  avons  ordonné  que  préala- 
blement au  jugement  ledit  Jacques  Prenault,  accusé 
et  véhémentement  soupçonné  des  crimes  à  luy  im- 
posés, seroit  appliqué  à  la  question,  pour  sçavoir  la 
vérité  des  cas  mentionnés  au  procès. 

Et  voulant  procéder  à  laditte  question  avons  fait 
retirer  les  témoins  cy dessus,  ensuite  de  quoy  ledit 
Jacques  Prenault  nous  auroit  supplié  de  ne  le  point 
faire  appliquer  à  la  question,  et  qu'il  avouoit  avoir 
eu  habitation  charnelle  avec  laditte  Chèvre,  mais 
qu'il  nous  prioit  de  luy  faire  grâce,  surquoy,  ayant 


32  LES  PROCÈS   DE  BESTIALITE 


différé  et  sursis  la  question,  nous  l'aurions  renvoyé 
en  prison  pour  communiquer  et  délibérer  sur  ledit 
aveu. 


Avons  déclaré  et  déclarons  ledit  Jacques  Prenault 
bien  et  duement  atteint  et  convaincu  d'avoir  com- 
mis crime  de  sodomie  avec  une  chèvre  noire  ;  pour 
réparation  desquels  cas,  ordonnons  que  ledit  Pre- 
nault sera  pendu  et  étranglé  à  une  potence  qui  pour 
cet  effet  sera  dressée  dans  la  place  et  marché  du 
Bourg  de  Saint  Martin,  et  son  corps  jette  dans  un 
bûcher  qui  sera  allumé  auprès,  ensemble  laditte 
chèvre  noire.  Donné  en  notre  siège  de  l'isle  de  Ré, 
par  nous  juge  susdit,  le  dernier  jour  de  may. 


Cette  sentence  fut  confirmée  purement  et  simple- 
ment par  le  Parlement,  le  7  aoust  1551. 


PROCES  CRIMINEL  DE  MICHEL  MORIN 

ACCUSÉ   d'avoir   eu   HABITATION   CHARNELLE 
AVEC   UNE   BREBIS 

23  janvier  1554. 


L'an  mil  cinq  cent  cinquante  trois,  le  Mardy  qua- 
torzième jour  de  décembre,  fut  conduit  en  présence 
de  nous,  juge  et  prevost  de  Baugé,  un  quidam  vêtu 
d'un  surtout  rouge,  arrêté  le  jour  d'hier,  et  accusé 
par  le  Procureur  du  Roy  de  ce  siège  de  crime  de 
sodomie  commis  avec  une  Brebis  ;  auquel  quidam 
nous  avons  demandé  son  nom,  le  nom  de  son  pair, 
sa  profession,  et  son  âge.  A  repondu  ledit  quidam 
qu'il  se  nommoit  Michel  Morin,  etoit  natif  de  la 
ville  d'Avalon,  qu'il  etoit  Maréchal  de  profession 
et  qu'il  avoit  soixante-cinq  ans.  Interrogé  s'il  etoit 
vray  qu'il  eut  habité  charnellement  avec  laditte 
Brebis,  a  repondu  que  non,  et  qu'il  etoit  impossible 
que  quiconque  le  luy  puisse  soutenir  ;  après  quoy  a 
été  ledit  Michel  Morin  conduit  dans  la  prison .^ 


Et  le  Samedy  dix  huitième  jour  de  décembre, 
deux  heures  de  relevée,  sont  comparus  pardevant 

3 


34  LES   PROCÈS    DE   BESTIALITÉ 


nous  les  quidams  cy  après  nommez,  assignez  pour 
être  ouïs,  suivant  notre  ordonnance  donnée  hier 
sur  le  réquisitoire  du  procureur  de  cette  ville  ;  les- 
quels, après  le  serment  par  eux  fait  de  nous  dire 
pure  et  entière  vérité,  ont  déclaré  ce  qui  suit  : 

Le  premier,  nommé  Antoine  Perrin,  apotiquaire 
de  cette  ville,  a  déclaré  que  la  femme  dudit  Morin 
luy  avoit  dit  que  son  mary  avoit  achetté  laditte 
Brebis  pour  en  jouir  charnellement. 

La  seconde,  nommée  Catherine  Aulard,  femme 
dudit  Michel  Morin,  a  dit  que  son  mary  avoit 
achetté  laditte  Brebis  le  lendemain  de  la  saint 
Martin  dernière,  et  que  depuis  ce  tems  elle  l'avoit 
surpris  trois  fois  commettant  acte  de  sodomie  avec 
laditte  Brebis,  à  sçavoir  le  treize  dudit  mois  de  no- 
vembre, le  vingt  cinq,  jour  de  sainte  Catherine,  et 
le  premier  jour  du  présent  mois  de  décembre. 

Le  troisième,  appelle  Jeannon,  garçon  Maréchal, 
a  déclaré  qu'il  avoit  sçu  à  quelle  intention  ledit 
Morin  avoit  achetté  cette  brebis,  et  qu'un  matin, 
le  jour  de  devant  son  emprisonnement,  ledit  Morin 
luy  avoit  dit  qu'il  aimoit  mieux  sa  brebis  que  sa 
femme. 


Et  le  Mercredy  vingt  deuxième  jour  du  présent 
mois  fut  amené  et  conduit  en  notre  présence  Michel 
Morin,  auquel,  après  lecture  des  témoignages,  et 


MICHEL   MORIN  35 


luy  ayant  demandé  s'il  avoit  quelque  chose  à  dire 
et  à  repondre,  a  repondu  que  c'étoit  par  trahison  de 
sa  femme,  qui  vouloit  ainsy  brasser  sa  mort,  pour 
ensuitte  épouser  ledit  Antoine  Perrin,  et  qu'à 
l'égard  de  Jeannot  c'etoit  un  de  ses  garçons  et 
qu'ainsi  son  témoignage  n'étoit  pas  recevable,  non 
plus  que  ceux  de  laditte  Catherine  Aulard,  et  de 
Perrin  l'apotiquaire,  au  moyen  des  raisons  sus  allé- 
guées. 


Et  le  Jeudy  vingt  troisième  jour  dudit  mois  et  an, 
fut  amené  en  notre  présence  ledit  Michel  Morin, 
accusé  de  crime  de  sodomie,  auquel  fut  prononcée 
l'ordonnance  par  nous  rendue  cejourd'huy,  par 
laquelle  nous  l'avons  condamné  à  être  appliqué  à  la 
question,  pour  sçavoir  la  vérité  des  cas  à  luy  impo- 
sés, resultans  au  présent  procès  ;  lequel  Michel 
Morin  prêt  d'être  appliqué  à  la  question,  nous 
auroit  supplié  de  différer,  nous  promettant  de  dire 
vérité,  ensuite  dequoy  il  nous  auroit  confessé  qu'il 
avoit  achetté  laditte  brebis  dans  l'intention  susditte, 
mais  qu'il  n'avoit  commis  ledit  crime  de  sodomie 
avec  laditte  Brebis  qu'une  seule  fois  ;  sur  laquelle 
confession  nous,  prévôt  susdit,  l'avons  renvoyé  en 
prison. 


^6  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


Avons  déclaré  et  déclarons  ledit  Michel  Morin 
duement  atteint  et  convaincu  de  crime  de  sodomie 
avec  une  Brebis,  pour  réparation  desquels  cas,  or- 
donnons qu'il  sera  attaché  à  une  potence  qui  sera 
pour  cet  effet  dressée  dans  la  place  et  marché  de 
Baugé,  et  là  y  sera  pendu  et  étranglé,  son  corps 
mort  ensuitte  jette  au  feu,  ensemble  la  brebis  avec 
laquelle  il  a  commis  ledit  délit  ;  tous  et  chacun  ses 
biens  confisqués  au  profit  de  laditte  Catherine  Au- 
lard,  sa  femme,  sur  lesquels  sera  néanmoins  préala- 
blement pris  la  somme  de  deux  cent  Livres 
d'amandes  envers  le  Roy.  Donné  en  notre  siège, 
par  nous  susdit  juge  de  Baugé,  le  quatrième  jour 
de  Janvier  mil  cinq  cent  cinquante  quatre. 


Sentence   confirmée  par  la  Cour  le  23  Janvier 
1554- 


PROCES  CRIMINEL  DE  JEAN  DE  LA  SOILLE 

ACCUSÉ   DE   SODOxMIE   ABOMINABLE 
ET   CONTRE   NATURE   AVEC   UNE   ASNESSE 

•     5  janvier  1556. 

L'an  mil  cinq  cent  cinquante  cinq,'  le  lundy  quin- 
zième jour  de  novembre,  neuf  heures  du  matin,  en 
présence  de  nous,  juge  civil  et  criminel,  et  Bailly 
de  la  ville  et  Bai  liage  de  Sens,  fut  amené  un  qui- 
dam vêtu  de  toille"  grise,  auquel  nous  aurions 
demandé  son  nom,  celuy  du  lieu  de  sa  naissance, 
sa  profession  et  son  âge.  A  repondu  qu'il  s'appelloit 
Jean  de  La  Soille,  etoit  natif  de  Villeneuve  L'Ar- 
chevêque, et  de  présent  asnier  au  service  de  Mon- 
sieur Du  Terron,  Bourgeois  de  Paris  et  Seigneur 
de  la  ferme  des  Bois,  sise  auprès  de  Villeneuve 
L'Archevêque  et  qu'au  reste  il  avoit  vingt  six  ans. 

Interrogé  s'il  etoit  vray  qu'il  eut  habité  charnelle- 
ment avec  une  asnesse,  a  repondu  que  non,  sur 
quoy  nous  l'aurions  fait  conduire  en  prison. 


Et  le  samedy  vingtième  jour  de  novembre  sont 
comparus  par  devant  nous  Aymon  Groupan,  Ton- 


38  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


nelier  de  cette  ville,  Josse  Valcroin,  Marchand 
Epicier,  Thomas  Dupont,  Marchand  Mercier,  et 
Roger  Dumoulin,  Aubergiste,  tous  habitans  et 
bourgeois  de  cette  ville,  lesquels,  après  le  serment 
accoutumé  de  dire  pleine  et  entière  vérité,  ont 
déclaré  que  pour  satisfaire  à  notre  ordonnance  ils 
etoient  comparus. 

Apres  quoy  nous  avons  interrogé  lesdits  témoins 
les  uns  après  les  autres,  lesquels  auroient  déclaré 
ce  qui  suit.  Sçavoir  ledit  Aymon  Groupan,  Tonne- 
lier, que  depuis  très  long  tems  il  sçavoit  que  le 
sieur  Du  Terron  avoit  pris  Jean  de  La  Soille  à  son 
service  pour  avoir  soin  de  ses  asnesses,  et  que  ledit 
de  La  Soille  avoit  plus  de  soin  de  l'asnesse  men- 
tionnée au  procès,  la  faisant  coucher  dans  une 
Etable  séparée  des  autres. 

Le  nommé  Josse  Valcroin,  Marchand  Epicier  de 
cette  ville,  a  déclaré  qu'il  avoit  eu  à  son  service  un 
garçon  appelé  La  Biche,  lequel  La  Biche  luy  avoit 
dit  plusieurs  fois  que  ledit  de  La  Soille  etoit  un 
infâme  sodomite,  et  qu'il  abusoit  d'une  façon  abo- 
minable et  contre  nature  d'une  asnesse,  dont  il  avoit 
plus  soin  que  des  autres. 

Thomas  Dupont,  Marchand  Mercier  de  cette 
ville,  a  déclaré  qu'il  y  a  environ  trois  semaines, 
que  allant  à  la  ferme  des  Bois,  appartenant  audit 
sieur  Terron,  Bourgeois  de  Paris,  il  auroitvu  entrer 
de  La  Soille  dans  l'Etable  aux  asnesses  ;  lequel  La 
Soille,  après  y  avoir  resté  quelque  tems,  en  seroit 


JEAN   DE   LA   SOILLE  39 


sorti  dans  un  état  indécent,'  et  ayant  été  frappé  à  la 
jambe  par  une  asnesse. 

Roger  Dumoulin,  aubergiste  de  cette  ville,  a 
déclaré  qu'il  y  a  plus  d'un  mois  qu'il  sçait  à  n'en 
point  pouvoir  douter  que  ledit  de  La  Soille  a  com- 
mis journellement  crime  de  sodomie  abominable  et 
contre  nature  avec  une  asnesse,  et  qu'il  l'avoit  pris 
plusieurs  fois  sur  le  fait,  entre  autres  le  samedy 
treize  de  ce  mois,  jour  de  l'emprisonnement  dudit 
de  La  Soille. 

Apres  lesquels  interrogatoires  se  sont  retirez. 


Et  le  lundy  vingt  deuxième  jour  de  novembre  fut 
amené  pardevant  nous  Jean  de  La  Soille,  asnier  du 
sieur  Terron,  Bourgeois  de  Paris,  accusé  de  sodo- 
mie abominable  et  contre  nature  avec  une  asnesse, 
et  Aymon  Groupan,  maître  tonnelier,  Josse  Val- 
croin,  marchand  épicier,  Thomas  Dupont,  marchand 
mercier,  et  Roger  Dumoulin,  aubergiste,  tous  bour- 
geois et  habitans  de  cette  ville,  en  présence  des- 
quels lecture  a  été  faite  tant  du  procès  verbal  fait 
pardevant  nous  le  quinzième  du  présent  mois  que 
des  témoignages,  dépositions  et  déclarations  faites 
en  notre  présence  par  les  susnommez;  lesquels 
témoins  ont  déclarez  persister  dans  leurs  déposi- 
tions, témoignages  et  déclarations  ;  ensuite  dequoy, 
et  en  présence  desdits  témoins,  ledit  Jean  de  La 


40  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


Soille  a  requis  pardon,  et  a  confessé  avoir  eu  habi- 
tation charnelle,  abominable  et  contre  nature  avec 
une  asnesse;  après  quoy,  lesdits  témoins  s'etant 
retirez,  nous  avons  fait  reconduire  ledit  Jean  de  La 
Soille  en  prison. 


Avons  déclaré  et  déclarons  ledit  Jean  de  La  Soille 
duement  atteint  et  convaincu  d'avoir  plusieurs  fois 
habité  charnellement  et  d'une  manière  abominable 
et  contre  nature  avec  une  asnesse,  pour  raison  de- 
quoy,  et  réparation  duquel  cas,  l'avons  condamné 
et  condamnons  a  être  mené  dans  un  tombereau,  au 
bout  duquel  sera  attaché  l'asnesse,  et  attaché  à  un 
poteau,  qui  pour  cet  effet  sera  planté  dans  la  grande 
place  de  cette  ville  ;  et  que  lors  que  ledit  de  La 
Soille  sera  monté  en  haut  de  Teschelle  qui  sera 
appuiée  contre  la  potence,  ladite  asnesse  sera  brû- 
lée en  sa  présence  ;  quoy  fait,  ledit  de  La  Soille 
sera  pendu  et  étranglé,  et  son  corps  ensuite  jette 
dans  le  feu  où  laditte  asnesse  aura  été  consommée  ; 
tous  et  chacun  ses  biens  confisqués  au  profit  de  qui 
il  appartiendra,  sur  lesquels  sera  prélevée  néan- 
moins la  somme  de  cent  livres  d'amande  envers  le 
Roy,  et  le  prix  auquel  sera  estimé  l'asnesse,  lequel 
sera  remis  au  sieur  Du  Terron  ;  donné  en  notre 
siège,  cejourd'huy  quatrième  jour  de  décembre  mil 
cinq  cent  cinquante  trois. 


JEAN    DE   LA   SOILLE  41 


La  Cour  de  Parlement  a  confirmé  cet  arrêt,  avec 
cette  variante  :  «  Quoy  fait  ledit  de  La  Soille  sera 
pendu  et  étranglé,  son  corps  mort  jette  ensuite  dans 
le  mesme  feu  où  laditte  asnesse  aura  été  consom- 
mée, pour  y  être  réduit  en  cendres,  lesquelles, 
ainsi  que  celles  de  l'asnesse,  seront  jettées  dans  la 
Rivière  d'Yonne...  Fait  à  Paris,  en  Parlement,  ce 
cinquiesme  jour  de  janvier  mil  cinq  cent  cinquante 
six.  » 


PROCÈS  CRIMINEL  DE  MACE  AVRIL 

ACCUSÉ  d'avoir  connu  contre  nature  des  bêtes  brutes 

7  octobre  1560. 

L'an  mil  cinq  cent  soixante,  le  vendredy  qua- 
trième jour  de  juillet,  fut  amené  pardevant  nous, 
Juge  de  Magny,  un  quidam  vêtu  de  drap  gris,  accusé 
à  la  requête  du  procureur  fiscal  de  ce  lieu,  d'avoir 
connu  abominablement  et  contre  nature  des  betes 
brutes;  Lequel,  interrogé  par  nous  comment  il  se 
nommoit  a  repondu  être  appelle  Macé  Avril. 

Interrogé  de  quel  païs  il  etoit,  a  répondu  qu'il 
etoit  de  Gisors. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
trente  ans,  ou  environ. 

Interrogé  quelle  etoit  sa  profession,  a  repondu 
qu'il  etoit  venu  jeune  de  Gisors,  et  avoit  été  valet 
de  laboureur  à  Magny,  et  enfin  à  présent  garçon 
maréchal. 

Interrogé  s'il  etoit  vray  qu'il  eut  jamais  connu 
charnellement  et  detestablement  des  betes  brutes,  a 
repondu  que  jamais  cela  ne  luy  etoit  arrivé,  et  qu'il 
deffioit  qu'on  luy  puisse  soutenir. 

Apres  lesquels  interrogatoires,  ledit  accusé  s'est 
retiré,  et  a  été  reconduit  en  prison. 


MAGE   AVRIL  43 


Aujourd'huy  mercredy  neuvième  jour  de  juillet, 
sont  comparus  en  présence  de  nous,  juge  de  Magny, 
les  témoins  cy  après  dénommez,  auxquels,  après 
avoir  fait  prêter  serment  de  dire  pure  et  entière 
vérité,  nous  avons  demandé  ce  qui  suit  : 

Le  premier,  qui  a  déclaré  s'appeller  Pierre 
Othaire,  jardinier,  a  déclaré  qu'il  avoit  sçu  d'Adam 
Duchesne,  laboureur,  demeurant  à  Magny,  que  du 
tems  que  ledit  Macé  Avril  etoit  à  son  service,  il 
craignoit  que  ce  garçon  n'eut  la  malheureuse  incli- 
nation de  connoître  des  brutes,  mû  à  cela  par  quel- 
que indice  qu'il  en  avoit  eu  ;  et  que  sur  ce  soupçon 
il  ne  vouloit  jamais  luy  donner  en  garde  aucune 
Cavalle,  jument,  vache,  anesse,  brebis,  ou  autre 
femelle. 

Le  second,  qui  a  déclaré  être  appelle  Jean  de  La 
Plante,  a  déclaré  qu'il  avoit  ouy  dire  audit  Adam 
Duchesne,  laboureur,  qu'il  soupçonnoit  fort  ledit 
Macé  d'avoir  cette  malheureuse  passion,  et  qu'il  y 
prenoit  toutes  les  précautions  possibles  pour  l'en 
empêcher,  à  cause  que  ledit  Macé  lui  paroissoit 
d'un  bon  esprit  et  fort  adroit. 

Le  troisième,  qui  a  déclaré  être  appelle  Robert 
Vignot,  et  être  fermier  de  la  ferme  de  Monseigneur 
de  Magny,  a  dit  que  dans  le  tems  que  ledit  Macé 
Avril    etoit  à   son   service,    et    qu'il    gardoit    ses 


44  LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


ledit  Avril  s'enfermoit  toujours  dans 
retable  aux  dittes  asnesses,  sous  prétexte  de  dor- 
mir plus  chaudement,  à  cause  que  c'etoit  en  hyver, 
mais  qu'enfin  ayant  ouy  parler  de  la  détestable 
inclination  de  ce  garçon,  il  luy  avoit  absolument 
deffendu  de  dormir  dans  cette  etable,  et  enfin  l'avoit 
mis  dehors  et  donné  son  congé. 

Lesquels  témoins  ouïs  se  sont  retirez. 


Et  le  samedy  deuxième  jour  de  juillet  audit  an, 
sont  comparus  en  présence  de  nous,  juge  de  Magny, 
les  témoins  cy  après  dénommez,  auxquels,  après 
avoir  fait  prêter  serment  de  dire  pure  et  entière 
vérité,  ils  nous  ont  déclaré  ce  qui  suit  : 

Le  premier,  nommé  Adam  Duchesne,  laboureur, 
demeurant  en  ce  lieu  de  Magny,  nous  a  déclaré 
qu'ayant  eu  ledit  Macé  Avril  à  son  service  pendant 
près  de  trois  ans,  il  l'avoit  toujours  reconnu  fort 
adroit  à  tout  ce  qu'il  l'avoit  occupé,  mais  qu'il 
s'etoit  apperçu  qu'il  avoit  une  passion  détestable  de 
connoître  des  bêtes  brutes,  qu'il  caraissoit  beau- 
coup, sur  tout  les  femelles,  en  sorte  que  luy,  Adam 
Duchesne,  n'osoit  luy  donner  en  garde  aucune 
cavalle,  jument,  vache,  brebis,  chèvre,  asnesse,  ou 
truye,  craignant  que  ce  misérable  ne  voulut  com- 
mettre quelque  crime  avec  quelqu'une  desdites 
femelles,  et  que  ce  soupçon  luy  etoit  venu  d'un  jour 


MACÉ   AVRIL  45 


que  voyant  ledit  Macé  Avril  caresser  et  flatter  une 
anesse,  luy,  Duchesne,  avoit  dit  audit  Avril  qu'il 
avoit  plus  de  complaisance  pour  laditte  anesse  que 
pour  une  fille,  surquoy  ledit  Avril  lui  avoit  repondu 
ces  mots  :  «  Je  suis  si  laid  qu'aucune  fille  ne  vou- 
droit  souffrir  mes  caresses,  mais  cette  femelle  n'est 
pas  si  délicate.  »  Depuis  lequel  tems,  luy,  Duchesne, 
avoit  toujours  soupçonné  ledit  Avril,  et  enfin  auroit 
donné  audit  Avril  son  congé,  luy  promettant  de  ne 
point  parler  à  personne  du  soupçon  qu'il  avoit  de 
sa  malheureuse  inclination. 

Le  second,  appelle  Hillaire  Bastard,  a  déclaré 
qu'étant  camarade  dudit  Macé  Avril,  et  comme  luy 
garçon  maréchal  au  service  de  Roger  Trippeville, 
ayant  entendu  parler  de  l'inclination  dudit  Avril, 
connu  dans  le  lieu  pour  tel,  il  luy  avoit  plusieurs 
fois  reproché  qu'il  ne  vouloit  pas  se  marier,  par  ce 
que  sa  femme  l'empecheroit  de  caresser  des  anesses 
et  des  chèvres,  surquoy  ledit  Avril  se  seroit  mis 
en  colère,  et  ils  se  seroient  battus  ensemble  le  pre- 
mier de  ce  mois,  dans  laquelle  dispute,  luy,  Bas- 
tard,  auroit  reçu  un  coup  de  poing  dans  le  visage 
et  plusieurs  egratignures. 

Lesquels  témoins  ouïs,  se  sont  retirez. 


Et  le  lundy  quatorzième  jour  de  juillet  audit  an, 
est  comparu  pardevant  nous,  juge  de  Magny,  un 


46  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


quidam  vêtu  de  drap  canelle  avec  des  culottes  de 
panne  rouge,  lequel  nous  a  déclaré  s'appeller  Roger 
Trippeville,  être  maréchal,  et  habitant  de  ce  bourg 
de  Magny,  et  enfin  qu'il  venoit  pour  satisfaire  à 
notre  ordonnance  à  luy  signifiée  samedy  dernier 
douze  du  présent  mois,  et  pour  sçavoir  ce  que  nous 
voulions  de  luy. 

Interrogé  s'il  connoissoit  un  garçon  appelle  Macé 
Avril,  a  repondu  que  ouy. 

Interrogé  depuis  quel  tems  il  etoit  à  son  service, 
a  repondu  que  ledit  Macé  Avril  etoit  entré  à  son 
service  depuis  la  veille  de  Noël  dernière. 

Interrogé  s'il  avoit  reconnu  quelque  mauvaise  in- 
clination dans  ledit  garçon,  et  entr'autres  celle  de 
la  sodomie  avec  les  bêtes  brutes,  a  repondu  qu'il 
n'avoit  jamais  reconnu  que  ledit  Macé  Avril  eut  de 
pareilles  inclinations,  et  que  comme  il  etoit  fort 
adroit,  il  en  etoit  fort  content. 

Apres  lequel  interrogatoire  et  déclaration,  ledit 
Roger  Trippeville  s'est  retiré. 


Et  le  mercredy  vingt  troisième  jour  de  Juillet 
audit  an,  fut  amené  en  présence  de  nous,  susdit 
Juge  de  Magny,  Macé  Avril,  garçon  maréchal, 
auquel  lecture  a  été  faite  des  proces-verbaux  faits 
en  notre  présence  et  des  témoignages  et  déclarations 
faites  pardevant  nous,  quoy  fait  nous  avons  ordonné 


MACE   AVRIL  47 


audit  Macé  Avril,  accusé  d'avoir  commis  sodomie 
avec  des  bêtes  brutes,  de  repondre,  s'il  pouvoit, 
aux  charges  et  dépositions  insérées  dans  lesdits 
procès  verbaux  cy  dessus. 

Lequel  Macé  Avril  nous  aurait  repondu  qu'à 
l'égard  des  dépositions  et  témoignages  des  nom- 
mez Pierre  Othaire,  jardinier,  et  Jean  de  La  Plante, 
comme  elles  n'etoient  fondées  que  sur  des  ouïs 
dire,  elle  ne  pouvoient  conclure  contre  luy,  et  qu'à 
l'égard  de  Robert  Vignot,  fermier  de  Monseigneur 
de  Magny,  ses  soupçons  n'avoient  encore  pour  fon- 
dement qu'un  bruit  vague  et  injurieux,  et  semé  par 
jalousie  ;  qu'il  est  vray  qu'étant  naturellement  fril- 
leux,  il  aimoit  à  dormir  dans  l'etable,  à  cause  de  la 
chaleur  du  lieu,  mais  qu'il  n'y  avoit  jamais  commis, 
ny  pensé  commettre  les  crimes  qu'on  luy  imputoit 
faussement. 

Qu'à  l'égard  des  témoignages  et  dépositions 
d'Adam  Duchesne,  laboureur,  au  service  duquel, 
luy,  Macé  Avril,  auroit  été  pendant  trois  ans,  qu'il 
etoit  bien  vray  qu'un  jour,  en  flattant  une  asnesse, 
et  ledit  Duchesne  luy  ayant  reproché  qu'il  caressoit 
cette  asnesse  mieux  qu'il  ne  feroit  une  fille,  il  avoit 
repondu  que  cet  animal  n'etoit  pas  si  délicat  qu'une 
belle  fille,  qui,  vu  la  laideur  de  luy,  Macé  Avril, 
seroit  peut  être  plus  difficile,  mais  enfin  qu'il  n'avoit 
pu  s'imaginer  que  cette  réponse  ait  pu  occasionner 
le  soupçon  que  ledit  Duchesne  avoit  conçu  ;  qu'au 
reste,  ledit  Duchesne  etoit  imbecille  et  de  peu  d'es- 


48  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


prit,  et  que  la  preuve  en  etoit  visible  puis  qu'ayant 
promis,  comme  il  Tavoit  avoué  luy  même,  de  ne 
point  parler  à  personne  de  ce  soupçon,  il  en  avoit 
néanmoins  entretenu  plusieurs  particuliers,  et  entr'- 
autres  les  nommez  Pierre  Othaire,  jardinier,  et 
Jean  de  La  Plante,  comme  il  est  constant  par  les 
dépositions  et  témoignages  de  ces  derniers,  qui 
confessent  ne  sçavoir  cela  que  de  luy,  et  que  ce 
fait  prouve  encore  que  tout  ce  mauvais  bruit  n'est 
fondé  que  sur  les  soupçons  injurieux  dudit  André 
Duchesne,  qui  luy  avoit  brassé  ce  mal  à  cause  qu'il 
le  soupçonnoit  avec  plus  de  raison  de  carresser  sa 
femme,  ce  qui  cependant  n'est  point  vray. 

Ajouta  encore  ledit  Macé  Avril  que  les  témoi- 
gnages et  dépositions  du  nommé  Hilaire  Bastard 
pouvoient  encore  moins  luy  nuire  que  les  précé- 
dentes, puis  qu'il  est  bien  vray  que  ledit  Bastard  luy 
avoit  dit  qu'il  ne  vouloit  point  se  marier  dans  la 
crainte  que  sa  femme  ne  l'empêchât  de  caresser  des 
asnesses,  mais  qu'il  luy  avoit  repondu  que  ce  n'etoit 
point  cette  crainte  qui  l'empechoit  de  se  marier, 
mais  seulement  de  prendre  une  femme  coquette, 
comme  etoit  celle  dudit  Hilaire  Bastard,  et  qui  luy 
fit-  porter  des  cornes  ;  que  là  dessus  ledit  Bastard 
ayant  répliqué  :  «  Je  suis  donc  cocu?  »  luy,  Macé 
Avril,  auroit  ajouté  :  «  Oui,  tu  l'es  d'autant  plus 
que  tu  ne  l'ignores  pas  »  et  que  sur  ces  paroles  ils  en 
etoient  venus  aux  prises,  mais  que  leur  Maître, 
Roger  de  Trippeville,  les  avoit  séparés. 


o 

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MACE   AVRIL  49 


Et  ledit  Macé  Avril  ajouta  qu'enfin  on  ne  pouvoit 
avoir  une  preuve  plus  claire  de  son  innocence  que 
le  témoignage  et  déposition  de  Roger  Trippeville 
son  Maître,  chez  qui  il  demeuroit  depuis  sept  mois, 
et  qui  n'avoit  jamais  reconnu  en  luy  aucune  mau- 
vaise inclination,  ni  rien  qui  tendit  aux  crimes  à 
luy  imputés.  C'est  pourquoy  ledit  Macé  Avril  nous 
auroit  requis,  en  le  déchargeant  desdittes  accusa- 
tions, le  déclarer  innocent,  et  condamner  les  nom- 
mez Pierre  Othaire,  jardinier,  Jean  de  La  Plante, 
Robert  Vignot,  fermier  de  la  ferme  de  Monseigneur 
de  Magny,  Adam  Duchesne,  laboureur,  et  Hilaire 
Bastard,  garçon  maréchal,  comme  calomniateurs, 
suivant  la  rigueur  des  lois,  et  solidairement  en  telle 
amande  qu'il  nous  plaira,  ensuite  dequoy  ledit 
Macé  Avril  s'est  retiré,  et  a  été  reconduit  en 
prison. 


Et  le  vendredy  huitième  jour  d'aoust,  sont  com- 
parus en  présence  de  nous.  Juge  de  Magny,  Macé 
Avril,  garçon  maréchal,  accusé  d'avoir  commis 
crime  de  sodomie  avec  bêtes  brutes,  Pierre  Othaire, 
Jean  de  La  Plante,  Robert  Vignot,  Adam  Duchesne, 
Hilaire  Bastard  et  Roger  Trippeville,  en  présence 
desquels  lecture  a  été  faite  des  procès  verbaux,  de- 
positions,  témoignages  et  déclarations  ;  lesquels 
témoins  ayans  déclaré  persister   en   leurs   temoi- 


50  LES   PROCÈS  DE   BESTIALITÉ 

gnages  et  dépositions,  et  ledit  Macé  Avril  dans  ses 
deffenses  et  requête  verbale.  Les  nommez  Adam 
Duchesne  et  Hilaire  Bastard  nous  supplièrent  d'or- 
donner en  jugeant  que  ledit  Macé  Avril  seroit  tenu 
préalablement  à  se  dédire  et  retracter  des  injures 
contre  eux  dites  par  ledit  Macé  Avril,  comme  aussi 
le  condamner  et  débouter  ses  demandes  portées  par 
saditte  requête,  ensuite  dequoy  lesdits  témoins  se 
sont  retirez  et  ledit  Macé  Avril  a  été  reconduit  en 
prison. 


Avons  déclaré  et  déclarons  ledit  Macé  Avril,  gar- 
çon maréchal  de  Roger  Trippeville,  suffîsament 
atteint  et  convaincu  d'avoir  connu  contre  nature  des 
bêtes  brutes,  pour  raison  et  réparation  desquels 
crimes  nous  le  condamnons  à  être  attaché  à  un  po- 
teau qui  pour  cet  effet  sera  planté  dans  la  place  de 
Magny,  et  là  brûlé  vif;  tous  et  chacun  ses  biens 
confisqués  à  qui  il  appartiendra,  sur  lesquels  néan- 
moins sera  prélevée  la  somme  de  cinquante  Livres 
d'amande  envers  le  Seigneur.  Donné  à  Magny,  en 
notre  siège,  par  nous  juge  susdit,  le  premier  jour  de 
septembre  mil  cinq  cent  soixante. 


Cejourd'huy  lundy  quinzième  jour  de  septembre, 
a  été  amené  en  cette  Conciergerie   ou  Palais  de 


MACE   AVRIL  51 


Paris  Macé  Avril,  garçon  maréchal  du  nommé 
Roger  Trippeville,  Maréchal  à  Magny,  accusé  de 
sodomie  avec  bêtes  brutes,  lequel  nous  a  dit  qu'il 
est  appelant,  comme  de  présent  il  se  porte  pour  tel, 
d'une  sentence  rendue  contre  luy  par  le  juge  de 
Magny,  offrant  de  prouver  son  innocence  par  toutes 
sortes  de  voyes  ;  en  foy  de  quoy  j'ay,  greffier  de  la 
Cour  du  Parlement,  receu  le  présent  appel,  les  jour 
et  an  que  dessus. 


Et  le  mercredy  dix  septième  jour  de  septembre 
fut  amené  en  présence  de  nous.  Conseiller  commis- 
saire en  cette  partie,  un  quidam  vêtu  de  drap  gris 
auquel  nous  avons  demandé  qui  il  etoit,  a  repondu 
être  appelle  Macé  Avril. 

Interrogé  s'il  etoit  vray  qu'il  eut  commis  les 
crimes  à  luy  imposez,  a  repondu  que  non,  et  qu'il 
ofïroit  de  prouver  son  innocence  par  telle  voye  qu'il 
plairoit  à  la  Cour,  et  qu'il  persistoit  dans  ses  def- 
fenses  alléguées. 

Apres  quoy  ledit  Macé  Avril  s'est  retiré  et  a  été 
conduit  à  la  Conciergerie. 


Cejourd'huy  samedy  vingtième  jour  du  mois  de 
septembre,    fut    amené    en   notre  présence   Macé 


52  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


Avril,  accusé  d'avoir  connu  abominablement  et 
contre  nature  des  bêtes  brutes,  lequel  persistant 
toujours  en  ses  deffenses  alléguées  pardevant  le 
juge  de  Magny,  a  été  appliqué  à  la  question  extra- 
ordinaire. Lequel  Macé  Avril,  après  avoir  souffert 
ladite  question  extraordinaire,  a  déclaré  qu'il  etoit 
innocent  des  crimes  à  luy  imputez,  et  qu'il  persis- 
toit  dans  ses  deffenses  par  luy  alléguées  et  dans  sa 
requête  verbale,  ajoutant  encore  ledit  Macé  Avril 
qu'il  demandoit  à  la  Cour  de  luy  adjuger  tels  dom- 
mages et  interests  pour  les  tortures  qu'il  avoit 
souffert,  sur  les  dépositions  desdits  témoins,  qu'il 
maintenoit  et  maintient  faussaires  et  calomnia- 
teurs; quoy  fait  ledit  Macé  Avril  a  été  reconduit 
en  prison. 


La  Cour,  faisant  droit  sur  le  tout,  a  mis  et  met  à 
néant  l'appel  interjette  par  ledit  Avril  à  la  sentence 
rendue  par  le  juge  de  Magny  le  premier  jour  de 
septembre  dernier.  Met  aussi  à  néant  laditte  sen- 
tence dudit  jour  ;  déclare  néanmoins  ledit  Macé 
Avril  véhémentement  soupçonné  du  crime  de  sodo- 
mie commise  avec  des  betes  brutes,  et  en  consé- 
quence ordonne  que  ledit  Macé  Avril  sera  fouetté 
dans  les  trois  places  principales  de  Magny  pendant, 
trois  jours  de  marché  consécutifs,  et  ensuite  banni 
pour  neuf  ans  hors  du   Royaume.    Enjoint   audit 


MAGE   AVRIL  53 


Macé  Avril  de  garder  son  ban  sous  peine  d'être 
pendu,  sans  qu'il  soit  besoin  d'information,  sen- 
tence ou  arrest.  Et  pour  le  surplus  des  requêtes  et 
demandes  dudit  Macé  Avril  contre  les  nommez 
Pierre  Othaire,  Jean  de  La  Plante,  Robert  Vignot, 
Adam  Duchesne  et  Hilaire  Bastard,  aussi  bien  que 
des  requêtes  desdits  Adam  Duchesne  et  Hilaire 
Bastard,  met  laditte  Cour  les  parties  hors  de  cause 
et  de  procès.  Fait  au  Parlement,  par  la  Chambre 
des  vacations,  ce  septième  jour  d'octobre  l'an  de 
grâce  mil  cinq  cent  soixante. 


PROCES  CRIMINEL  DE  JEAN  GERBOURT 

ACCUSÉ  d'avoir  habité  avec  une  asnesse 

I  9  octobre  1560 


L'an  mil  cinq  cent  soixante,  le  vendredy  vingt 
deuxième  jour  d'Aoust,  fut  amené  en  présence  de 
nous  juge  et  Bailly  de  Lagny,  un  quidam  vêtu  de 
grosse  toile  grise,  conduit  par  les  nommez  Joseph 
Castagne,  Paul  Duguerra,  Abraham  Bansy,  Jérôme 
Vitard  et  Toussaint  Piquot,  exempt  et  cavaliers  de 
la  brigade  de  cette  ville,  lesquels  nous  ont  déclaré 
que,  sur  les  plaintes  des  habitans  de  cette  ville,  ils 
nous  amenoient  ledit  quidam,  accusé  d'avoir  habité 
avec  une  asnesse,  surquoy  nous  aurions  dressé 
procès  verbal  de  ce  fait  et  ensuite  interrogé  ledit 
quidam. 

Interrogé  quel  nom  il  avoit,  a  repondu  être 
appelle  Jean  Gerbourt. 

Interrogé  de  quel  païs  il  etoit,  a  repondu  qu'il 
etoit  de  Dammartin. 

Interrogé  de  quelle  profession  il  etoit,  a  repondu 
qu'il  etoit  chartier,  au  service  d'Adrien  Martel, 
fermier  de  la  ferme  de  la  Geolle. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
quarente  huit  ans. 


JEAN   GERBOURT  55 


Apres  lesquelles  demandes  nous  avons  fait  con- 
duire Jean  Gerbourt  es  prisons  de  cette  ville,  et 
lesdits  exempt  et  cavaliers  se  sont  retirez. 


Et  le  mercredy  vingt  septième  jour  d'aoust  audit 
an,  pour  satisfaire  à  l'ordonnance  rendue  le  jour 
d'hier,  par  nous,  Bailly  de  Lagny,  sont  comparus 
en  notre  présence  trois  quidams. 

Le  premier,  vêtu  de  rouge,  interrogé  par  nous 
quel  nom  il  avoit,  a  repondu  qu'il  s'appelloit 
Etienne  Dutrot,  Boulanger  de  cette  ville. 

Interrogé  s'il  sçavoit  que  ledit  Jean  Gerbourt 
avoit  commis  crime  de  sodomie  avec  une  asnesse, 
a  repondu  que  ouy  et  que  le  bruit  en  etoit  public. 

Interrogé  s'il  sçavoit  quelque  particularité  tou- 
chant ce  fait,  a  repondu  que  non. 

Le  second,  vêtu  de  drap  bleu  et  veste  rouge, 
interrogé  par  nous  quel  nom  il  avoit,  a  répondu 
être  appelle  Robert  Du  Buisson. 

Interrogé  par  nous  quelle  etoit  sa  profession  et 
s'il  connoissoit  ledit  Jean  Gerbourt,  a  repondu  qu'il 
etoit  brasseur  et  qu'il  connoissoit  ledit  Jean  Ger- 
bourt. 

Interrogé  s'il  sçavoit  que  ledit  Jean  Gerbourt 
avoit  la  détestable  inclination  de  commettre  sodo- 
mie avec  les  betes  brutes,  a  repondu  que  ouy,  et 


56  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


qu'il  sçavoit  bien  que  ledit  Gerbourt  avoit  une 
Asnesse  dont  il  usoit  comme  d'une  femme. 

Interrogé  par  nous  s'il  sçavoit  quelques  particu- 
larités touchant  le  fait,  a  repondu  que  ledit  Ger- 
bourt luy  avoit  avoué  qu'il  avoit  cette  détestable 
passion,  et  que  luy  ayant  remontré  l'enormité  de  ce 
crime,  ledit  Gerbourt  avoit  repondu  qu'il  n'en 
etoit  pas  le  maitre. 

Le  troisième,  aussi  vêtu  de  bleu  avec  des  culottes 
de  peau,  interrogé  par  nous  quel  nom  il  avoit,  a 
repondu  être  appelle  Simon  Bonhomme. 

Interrogé  par  nous  quelle  etoit  sa  profession  et 
s'il  connoissoit  le  nommé  Jean  Gerbourt,  a  repondu 
qu'il  etoit  tanneur,  qu'il  connoissoit  ledit  Jean  Ger- 
bourt, qui  avoit  été  à  son  service  pendant  quatre 
ans  et  demy,  qu'il  avoit  toujours  soupçonné  ledit 
Gerbourt  de  crime  de  sodomie  avec  les  brutes, 
mais  qu'il  ne  l'en  avoit  jamais  pu  convaincre. 

Lesquels  témoins,  après  avoir  certiffié  leurs  dépo- 
sitions et  déclarations  véritables,  et  fait  le  serment 
qu'ils  n'avoient  rien  dit  que  de  vray,  se  sont  reti- 
rez. 


Et  le  mercredy  troisième  jour  du  mois  de  sep- 
tembre audit  an,  est  comparu  pardevant  nous  Joseph 
Martel,  fils  d'Adrien  Martel,  fermier  de  la  ferme  de 
la  Geolle,    lequel    comparant   pour    son    père    a 


JEAN   GERBOURT  57 


déclaré  que  sondit  père  étant  de  présent  incommodé 
ne  pouvoit  satisfaire  à  l'ordonnance  à  luy  signifiée  le 
samedy  trente  aoust  dernier,  pourquoy  luy  Joseph 
Martel  venoit  devant  nous  savoir  ce  que  nous  sou- 
haitions de  luy,  sur  lesquelles  choses  nous,  Bailly 
susdit,  aurions  fait  dresser  le  présent  procès  ver- 
bal et  ensuite  interrogé  ledit  Joseph  Martel  s'il  con- 
noissoit  ledit  Jean  Gerbourt,  lequel  Joseph  Martel 
a  répondu  que  ouy  et  qu'il  y  avoit  très  peu  de  tems 
qu'il  était  entré  au  service  d'Adrien  Martel  son 
père,  3^  étant  entré  le  dix  neuvième  jour  de  juillet 
dernier. 

Interrogé  s'il  avoit  ouy  dire  que  ledit  Jean  Ger- 
bourt étoit  adonné  au  crime  de  sodomie  avec  des 
betes  brutes,  et  entr'autre  avec  une  asnesse,  a 
repondu  qu'il  en  avoit  entendu  parler  depuis  que 
ledit  Gerbourt  avoit  été  arrêté,  et  que  ledit  Ger- 
bourt avoit  toujours  grand  soin  de  laditte  asnesse 
emmenée  avec  luy  par  la  brigade  du  nommé 
Joseph  Castagne,  mais  que  jamais  il  ne  s'était 
apperçu  qu'il  eut  commis  avec  elle  aucun  acte  cri- 
minel. 

Apres  lequel  interrogatoire  nous  avons  donné 
audit  Joseph  Martel  congé  de  se  retirer,  lequel 
Joseph  Martel  nous  auroit  déclaré  que  préalable- 
ment il  requeroit  qu'en  cas  qu'on  jugeât  ledit  Jean 
Gerbourt  à  mort,  et  conséquemment  ladite  asnesse 
à  être  brûlée,  ladite  asnesse  fut  estimée  par  experts 
et  le  prix  remis  entre  les  mains  dudit  Adrien  Mar- 


58  LES   PROCÈS  DE  BESTIALITÉ 


tel,  son  père,  à  qui  elle  appartenoit  ;  quoy  fait  s'est 
retiré. 


A  tous  ceux  qui  les  présentes  verront  et  orront  ; 
Pierre  de  Hautefeuille,  juge  Bailly  de  Lagny,  salut. 
Vu  le  procès  verbal  et  informations  faites  par 
devant  nous  ;  vu  aussi  les  confessions  et  aveux  faits 
à  la  question  par  Jean  Gerbourt,  avons  déclaré  et 
déclarons  ledit  Jean  Gerbourt  atteint  et  convaincu 
d'avoir  habité  charnellement  avec  une  asnesse; 
pour  réparation  desquels  crimes  et  cas  étranges, 
ordonnons  que  ledit  Jean  Gerbourt  sera  attaché  à 
un  poteau  qui  sera  planté  pour  cet  effet  dans  la 
grande  place  et  marché  de  Lagny,  et  là,  après  avoir 
été  pendu  et  étranglé,  son  corps  sera  jette  dans  un 
feu  qui  sera  allumé  auprès  dudit  poteau  pour  y  être 
consommé  ;  l'asnesse  avec  laquelle  il  a  commis 
ledit  délit  assommée  et  son  corps  jette  dans  le 
même  feu,  pour  le  tout  être  réduit  en  cendres,  les- 
quelles seront  jettées  dans  la  rivière  de  Marne. 
Déclarons  tous  et  chacun  les  biens  dudit  Jean  Ger- 
bourt acquis  et  confisqués  au  Roy,  sur  lesquels 
seront  néanmoins  prélevés  la  somme  de  cent 
livres  d'amande  envers  le  Roy,  et  celle  de  vingt  six 
livres  à  laquelle  a  été  estimée  laditte  asnesse, 
laquelle  somme  de  vingt  six  livres  sera  remise 
entre   les  mains    d'Adrien   Martel,   fermier  de   la 


JEAN   GERBOURT  59 


ferme  de  la  Geolle.  Donné  en  notre  siège,  par 
nous,  Bailly  susdit,  cejourd'huy  samedy  vingtième 
jour  de  septembre  mil  cinq  cent  soixante. 


Le  Parlement  de  Paris  a  confirmé  ladite  sentence 
le  19  octobre  1560,  après  avoir  toutefois  réduit  à 
50  livres  l'amende  envers  le  Roy. 


PROCES    CRIMINEL   DE    PIERRE    POULAIN 

ACCUSÉ  d'avoir  connu  charnellement  une  vache 

31  juillet  1561. 

L'an  mil  cinq  cent  soixante  et  un,  le  jeudy  pre- 
mier jour  de  juin,  fut  amené  pardevant  nous  juge 
d'Angoudeffus  en  Picardie,  Pierre  Poulain,  berger, 
accusé  d'avoir  connu  charnellement  une  vache 
rouge,  lequel  avons  interrogé  en  la  manière  qui 
s'ensuit. 

Interrogé  ledit  Pierre  Poulain  s'il  connoissoit  la 
vache  rouge  quiluy  a  été  présentée,  a  repondu  que 
ouy. 

Interrogé  s'il  a  connu  charnellement  laditte 
vache,  a  repondu  que  non,  et  qu'il  n'entend  pas 
ce  qu'on  luy  veut  dire,  surquoy  a  été  de  notre 
ordre  reconduit  en  prison. 


Cejourd'huy  mercredy  septième  jour  du  mois  de 
juin,  sont  comparus  en  notre  présence  Jean  Rebule, 
Barthélémy  Ognon,  Geoffroy  Le  Sec  et  Jacques 
Therancourt,  lesquels,  après  avoir  fait  serment 
qu'ils  n'alloient  rien   dire  que  de  vray  et  dans  la 


PIERRE   POULAIN  6l 


simple  vérité,  ont  déclaré  et  certifié  ce  qui  suit. 
Ledit  Jean  Rebule,  tisseran,  demeurant  en  ce  lieu, 
a  dit  qu'il  sçavait  que  ledit  Pierre  Poulain  usoit 
de  la  vache  rouge  comme  de  sa  femme,  et  qu'il 
Tavoit  un  jour  surpris  auprès  de  laditte  vache  dans 
une  attitude  deshonnete,  et  que  luy  ayant  reproché 
le  crime  qu'il  venoit  ou  alloit  commettre,  ledit  Pou- 
lain l'avoit  prié  de  ne  point  parler  à  qui  que  ce  fut 
de  ce  qu'il  venoit  d'appercevoir,  ce  que  luy  Rebule, 
luy  avoit  promis,  à  condition  qu'il  n'y  retomberoit 
plus  ;  ajoutant  ledit  Rebule  qu'il  sçavoit  que  mal- 
gré cette  promesse  ledit  Poulain  n'avoit  point  dis- 
continué son  malheureux  commerce. 

Barthélémy  Ognon,  chirurgien  de  la  paroisse  de 
Champcourt,  a  déclaré  qu'un  jour  ledit  Pierre  Pou- 
lain l'etoit  venu  trouver  pour  le  prier  de  le  guérir 
pour  quelqu'accident  qui  luy  etoit  arrivé,  et 
quayant  pensé  ledit  Pierre  Poulain,  il  avoit  reconnu 
que  ce  mal  ne  pouvoit  être  survenu  que  de  la  vache, 
dont  luy,  Ognon,  sçavait  bien  que  ledit  Poulain 
usoit  comme  d'une  femme. 

Geoffroy  le  Sec,  teinturier,  a  déclaré  que  ledit 
Pierre  Poulain  luy  avoit  avoué  plusieurs  fois  qu'il 
habitoit  charnellement  avec  laditte  vache  rouge,  et 
avoit  ajouté  qu'il  ne  la  troqueroit  pas  pour  la  plus 
belle  fille  du  village,  et  même  de  la  Picardie. 

Jacques  Therancourt  a  déclaré  que  la  vache 
rouge  dont  il  etoit  question  luy  appartenoit,  et 
qu'ainsi  elle  luy  soit  restituée  ;  qu'à  l'égard  dudit 


62  LES   PROCÈS  DE  BESTIALITÉ 


Pierre  Poulain,  il  l'avoit  pris  à  son  service  depuis 
près  de  deux  ans,  mais  qu'il  ignore  absolument  si 
ledit  Poulain  est  sujet  à  cette  détestable  passion. 

Apres  lesquels  interrogatoires  que  lesdits  témoins 
ont  certifié  de  nouveau  être  véritables,  se  sont  reti- 
rez. 


Avons  déclaré  ledit  Pierre  Poulain  bien  et  due- 
ment  atteint  et  convaincu  d'avoir  connu  charnelle- 
ment laditte  vache  rouge  ;  pour  réparation  desquels 
crimes  ordonnons  que  ledit  Poulain  sera  pendu  et 
étranglé,  quoy  fait  son  corps  jette  dans  un  feu  avec 
celuy  de  laditte  vache  préalablement  étranglée  ;  et 
faisant  droit  sur  la  requête  verbale  dudit  Jacques 
Theraucourt,  propriétaire  de  laditte  vache,  avons 
ouy  le  rapport  des  experts,  taxé  le  prix  de  laditte 
vache  à  la  somme  de  cinquante  quatre  livres,  la- 
quelle somme  de  cinquante  quatre  livres  ledit 
Jacques  Therancourt  prendra  sur  tous  les  biens 
dudit  Poulain,  et  tous  autres  qu'il  appartiendra. 
Donné  cejourd'huy  lundy,  deuxième  jour  de  juillet 
mil  cinq  cent  soixante  et  un. 


Veu  parla  Cour  le  procès  Criminel  fait  pardevant 
le  Bailly  d'Angoudeffus  en  Picardie,  contre  Pierre 


PIERRE   POULAIN  6^ 


Poulain,  berger,  accusé  d'avoir  connu  charnelle- 
ment une  vache  rouge,  a  mis  et  met  Tappellation 
dudit  Pierre  Poulain  au  néant,  déclare  ledit  Pierre 
Poulain  convaincu  d'avoir  habité  charnellement 
avec  la  vache  rouge  mentionnée  audit  procès  crimi- 
nel ;  ordonne  que  la  sentence  rendue  contre  luy 
sera  exécutée  selon  sa  forme  et  teneur,  et  en  con- 
séquence que  ledit  Pierre  Poulain  sera  pendu  et 
étranglé  sur  le  grand  chemin  dudit  village  d'An- 
goudeffus  qui  conduit  à  Amiens.  Quoy  fait,  le 
corps  dudit  Poulain  jette  dans  un  feu,  dans  lequel 
sera  jette  aussi  le  corps  de  laditte  vache  rouge  préa- 
lablement étranglée,  et  leurs  cendres  jetées  au 
vent.  Déclare  en  outre  laditte  Cour  tous  et  chacun 
les  biens  dudit  Pierre  Poulain  acquis  et  confisqués 
au  profit  de  qui  il  appartiendra,  sur  lesquels  néan- 
moins sera  prélevée  la  somme  de  dix  livres  d'amande 
envers  le  Roy,  et  celle  de  cinquante  quatre  livres, 
à  laquelle  s'est  trouvé  monter  le  prix  de  laditte 
vache  rouge,  suivant  le  rapport  fait  par  les  nommez 
Isaac  Serran  et  Pierre  Bouticourt,  experts,  laquelle 
somme  de  cinquante  quatre  livres  à  Jacques  The- 
rancourt  (sic)  propriétaire  de  laditte  vache.  Fait  en 
Parlement  ce  trente  et  unième  jour  de  Juillet  mil 
cinq  cent  soixante  et  un. 


PROCES   CRIMINEL   DE   COLLAS   HILLAIRE 

ACCUSÉ  DE   CRIME   DE   BESTIALITÉ 
20  janvier  1600. 


Veu  par  la  Cour  le  procès  criminel  fait  à  la  re- 
quête du  procureur  fiscal  du  Baillage  de  Thouars, 
demandeur  et  accusateur,  pardevant  le  Baillv,  dudit 
Thouars,  le  lundy  quinzième  jour  de  novembre  mil 
cinq  cent  quatre  vingt  dix  neuf,  à  rencontre  de 
Collas  Hillaire,  valet  de  Basse  court  de  Thomas 
Blanchamps,  fermier  de  la  ferme  dudit  Thouars, 
deffendeur,  et  accusé  d'avoir  commis  acte  de  Bes- 
tialité et  sodomie  détestable  avec  une  vache  ;  le 
rapport  fait  ledit  jour  quinzième  novembre  par  les 
nommez  Pierre  Dufort,  chef  de  la  brigade  dudit 
Thouars,  et  les  nommez  Henry  Simon,  Claude 
Brusquet,  Mathieu  Cordel,  et  Louis  Le  Pleutre, 
cavaliers  de  laditte  Brigade,  de  Tetat  où  ils  avoient 
trouvé  ledit  Collas  Hillaire,  et  pour  lequel  ils 
l'avoient  amené  pardevant  le  Juge  de  Thouars  ;  les 
dépositions,  témoignages  et  déclarations  faites  par- 
devant  le  Bailly  de  Thouars,  le  Lundy  vingt 
deuxième  jour  du  mois  de  Novembre  audit  an,  par 
les  nommez  Josse  Perdu,  Jean  Duffault,  Baptiste 
Condray  et  Regnault  Le  Fevre,  à  la  charge  dudit 


COLLAS   HILLAIRE  65 


Collas  Hillaire  ;  les  dépositions,  témoignages  et 
déclarations  faites  le  mercredy  vingt  quatre  no- 
vembre audit  an  pardevant  le  Bailly  de  Thouars 
par  les  nommez  Odon  Marquets,  boulanger  dudit 
Thouars,  et  Allexandre  Priday,  médecin  demeurant 
audit  lieu;  autres, déclarations,  témoignages  et  de- 
positions  faites  pardevant  ledit  Bailly  de  Thouars 
par  le  nommé  Vincent  Bourdesiere,  Chirurgien  du- 
dit Thouars  ;  la  requête  présentée  audit  Baillage  de 
Thouars  par  Robert  Fortin,  soydisant  propriétaire 
d'une  vache  noire  mentionnée  au  présent  procès, 
requérant  qu'en  cas  que  ledit  Collas  Hillaire  soit 
condamné  à  mort  et  que  consequemment  laditte 
vache  noire  soit  brûlée  avec  luy,  laditte  vache  soit 
préalablement  estimée  et  prisée  par  experts,  et  le 
prix  auquel  elle  se  trouvera  monter  soit  pris  préa- 
lablement sur  tous  les  biens  dudit  Collas  Hillaire, 
pour  luy  être  délivré,  laditte  requête  en  datte  du 
premier  jour  de  décembre  audit  an  ;  l'ordonnance 
donnée  par  le  Bailly  de  Thouars  le  cinq  dudit  mois 
de  décembre,  qui  commet  et  nomme  Benjamin 
Duflos  et  Thomas  Minière  pour  procéder  à  l'esti- 
mation et  prisée  de  laditte  vache  noire  mentionnée 
au  procès  ;  rapport  fait  par  lesdits  Benjamin  Duflos 
et  Thomas  Minière,  experts,  qui  déclarent  que 
laditte  vache  ne  peut  être  estimée  que  quarente 
deux  livres  et  que  c'est  tout  ce  qu'elle  peut  valoir, 
ledit  rapport  fait  pardevant  ledit  Bailly  de  Thouars 
le  neuf  dudit  mois  de  décembre  audit  an  ;  interro- 


66  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


gatoire  fait  audit  Collas  Hillaire  le  dix  septième 
jour  de  décembre,  contenant  les  dénégations  dudit 
Collas  Hillaire  ;  sentence  rendue  le  dix  huitième 
jour  dudit  mois  par  le  Bailly  de  Thouars,  qui  or- 
donne que  ledit  Collas  Hillaire  sera  appliqué  à  la 
question,  et  dans  lesquelles  il  a  déclaré  persister 
ledit  jour  dix  huitième  décembre  ;  sentence  rendue 
par  ledit  juge  de  Thouars  sur  les  conclusions  du 
procureur  fiscal  le  vingt  neuvième  jour  dudit  mois 
de  décembre,  portant  condamnation  contre  ledit 
Collas  Hillaire,  accusé  et  convaincu  du  crime  de 
sodomie  et  bestialité  détestable  avec  une  vache,  et 
sur  la  requête  et  demande  de  Robert  Fortin,  pro- 
priétaire de  laditte  vache  ;  vu  aussi  l'acte  d'appel 
interjette  a  minima  par  le  procureur  fiscal  dudit 
Baillage  de  Thouars  ledit  jour  vingt  neuvième 
décembre  ;  l'interrogatoire  fait  audit  Collas  Hillaire, 
accusé  d'avoir  habité  charnellement  avec  une  vache 
noire,  par  le  Conseiller  rapporteur,  le  quinzième 
du  présent  mois  de  janvier  ;  vues  aussy  les  conclu- 
sions du  procureur  gênerai  du  Roy  en  datte  du  dix 
neuf  du  présent  mois  ; 

La  Cour,  faisant  droit  sur  le  tout,  a  mis  et  met  à 
néant  l'appellation  interjettée  au  nom  dudit  Collas 
Hillaire  le  vingt  neuvième  de  décembre  par  le  pro- 
cureur fiscal  du  Baillage  de  Thouars  à  la  sentence 
rendue  ledit  jour  par  ledit  Bailly  de  Thouars,  or- 
donne qu'elle  sera  exécutée  selon  sa  forme  et 
teneur  ;  déclare  ledit  Collas  Hillaire  bien  et  duement 


COLLAS   HILLAIRE  67 


atteint  et  convaincu  d'avoir  plusieurs  et  souventes 
fois  commis  et  perpétré  acte  de  sodomie  détestable 
avec  la  vache  noire  mentionnée  au  présent  procès 
criminel  ;  en  conséquence  ordonne  laditte  Cour  que 
ledit  Collas  Hillaire  sera  conduit  dans  un  tombereau 
jusqu'à  la  potence  qui  sera  pour  cet  effet  dressée 
dans  le  marché  et  place  publique  dudit  Thouars,  et 
que  lors  qu'il  sera  monté  au  haut  de  l'échelle 
appuyée  contre  laditte  potence,  laditte  vache  sera 
assommée  et  ensuite  son  corps  brûlé  dans  un  feu 
qui  sera  allumé  auprès  ;  quoy  fait  ledit  Collas  Hil- 
laire sera  pendu  à  laditte  potence,  et  ensuite  son 
corps  brûlé  au  même  feu  où  laditte  vache  aura  été 
consommée,  et  leurs  cendres  jetées  auvent.  Déclare 
en  outre  tous  et  chacun  les  biens  dudit  Collas  Hil- 
laire acquis  et  confisqués  au  profit  de  qui  il  appar- 
tiendra, sur  lesquels  néanmoins  sera  préalablement 
prélevée  la  somme  de  dix  livres  d'amande  envers 
qui  il  appartiendra,  et  celle  de  quarente  deux  livres, 
à  laquelle  s'est  trouvé  monter  le  prix  et  estimation 
de  laditte  vache,  laquelle  somme  de  quarente  deux 
livres  sera  délivrée  et  remise  entre  les  mains  de 
Robert  Fortin,  habitant  dudit  Thouars  et  proprié- 
taire de  laditte  vache.  Fait  en  Parlement  ce  ving- 
tième jour  du  mois  de  janvier,  l'an  de  grâce  mil  six 
cent. 


PROCES  CRIMINEL  DE  GILLES  DOBREMER 

ACCUSÉ  d'avoir  commis  crime  détestable 

DE  SODOMIE  AVEC  UNE  VACHE 
9  février  1600. 


L'an  mil  cinq  cent  quatre  vingt  dix  neuf,  le  jeudy 
deuxième  jour  du  mois  de  décembre,  à  la  requête 
et  poursuite  du  procureur  du  Roy  de  cette  ville  et 
Baillage  d'Abbeville,  fut  amené  un  quidam  vêtu  de 
drap  rouge,  accusé  et  pris  en  flagrant  délit  et 
crime  abominable  de  sodomie  avec  une  vache 
rousse,  par  les  nommez  Gilles  Preaucourt,  chef  de 
la  brigade  de  cette  ville,  Mathurin  Cordon,  Benoit 
Lavallée,  Bernard  Trippet  et  Raoul  Hamon,  Cava- 
liers de  laditte  Brigade  ;  lesquels  ont  certifié  ledit 
délit,  et  signé  le  présent  proces-verbal. 

Ensuite  nous  aurions  interrogé  ledit  quidam.,  et 
luy  ayant  demandé  son  nom,  a  repondu  être  appelle 
Gilles  Dobremer. 

Interrogé  de  quel  païs  il  etoit,  a  repondu  qu'il 
etoit  de  Mondidier. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
cinquante  deux  ans. 

Interrogé  quelle  etoit  sa  profession^  a  repondu 


GILLES   DOBREMER  69 


qu'il  etoit  laboureur,  habitant  à  Favencourt,  village 
du  voisinage. 

Interrogé  s'il  avoit  achetté  cette  vache  et  à  quelle 
intention,  a  repondu  qu'il  l'avoit  achetté  pour  en 
avoir  du  lait  seulement. 

Interrogé  s'il  avoit  coutume  de  commettre  sodo- 
mie avec  laditte  vache,  a  repondu  que  c'etoit  pour 
la  première  fois  que  ce  malheur  luy  etoit  arrivé. 

Apres  lequel  interrogatoire  ledit  Gilles  Dobre- 
mer  a  été  reconduit  en  prison. 


Cejourd'huy  mercredy  vingt  deuxième  jour  de 
décembre,  sont  comparus  en  notre  présence  les 
nommez  André  Potelle,  Gilles  Guerin  et  Alizon 
Soquier,  femme  de  Benjamin  Crespet,  lesquels, 
après  avoir  prêté  serment  de  dire  pure  et  entière 
vérité,  ont  déclaré  ce  qui  suit  : 

Sçavoir  ledit  André  Potelle,  premier  témoin,  a 
déclaré  que  ledit  Gilles  Dobremer  ayant  vu  laditte 
vache  chez  luy  Potelle,  l'avoit  examinée  avec  beau- 
coup d'attention,  sa  taille,  sa  forme,  et  que  luy 
Potelle,  ayant  dit  audit  Gilles  Dobremer  que 
laditte  vache  n'avoit  pas  beaucoup  de  lait,  ledit 
Dobremer  avoit  repondu  que  s'il  vouloit  la  luy 
vendre  il  etoit  prêt  de  l'achetter,  sur  quoy  ledit 
Potelle  luy  auroit  repondu  que  laditte  vache  luy 


70  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


revenoit  à  vingt  cinq  Ecus  et  qu'elle  n'avoit  encore 
vêlé  que  trois  fois  ;  ledit  Dobremer  répliqua  que 
c'etoit  justement  ce  qu'il  luy  falloit,  et  sur  l'heure 
il  luy  voulut  donner  une  pistolle  pour  arrhes,  mais 
que  la  femme  dudit  Potelle  avoit  voulu  rompre  ce 
marché,  alléguant  que  laditte  vache  etoit  bonne  et 
qu'elle  seroit  abondante  en  lait;  que  le  lendemain 
ledit  Dobremer  revint  à  la  charge  et  offrit  cent 
livres,  que  sur  cet  offre  la  femme  dudit  Potelle 
consentit  à  la  livrer;  que  luy,  Potelle,  avoit  tou- 
jours été  étonné  de  cette  attache  dudit  Dobremer, 
mais  que  sur  le  bruit  qui  a  couru  depuis,  il  n'en 
est  plus  en  doute. 

Gilles  Guérin,  boulanger,  second  témoin,  a 
déclaré  qu'il  sçavoit  depuis  très  long  tems  que 
ledit  Gilles  Dobremer  avoit  habité  charnellement 
avec  laditte  vache,  et  qu'il  l'en  avoit  aussi  souvent 
réprimandé,  mais  que  ledit  Gilles  Dobremer  avoit 
toujours  tourné  la  chose  en  raillerie. 

Alizon  Socquier,  femme  de  Benjamin  Crespet, 
jardinier,  a  déclaré  que  le  vingt  cinq  de  novembre 
dernier,  jour  de  S''  Catherine,  en  passant  par  la 
ruelle  qui  communique  par  derrière  aux  maisons 
de  Benjamin  Crespet,  son  mari,  et  dudit  Gilles 
Dobremer,  elle  avoit  apperçu  ledit  Dobremer  en 
copulation  charnelle  avec  laditte  vache,  sur  quoy 
elle  auroit  pris  la  fuite,  et  fermé  la  porte  du  jardin 
sur  elle  ;  laquelle  chose  elle  avoit  racontée  à  son 
mary  qui,    depuis  ce  jour-là,  ne  voulut  plus  fre- 


GILLES   DOBREMER  71 


quenter  ledit  Dobremer,  avec  lequel  il  alloit  cepen- 
dant tous  les  dimanches  et  fêtes,  à  cause  que  ledit 
Dobremer  aime  beaucoup  à  boire,  aussi  bien  que 
ledit  Benjamin  Crespet,  mary  de  laditte  Alizon 
Socquier. 

Apres  lequel  interrogatoire  fait  en  présence  de 
nous,  Lieutenant  criminel  de  la  ville  d'Abbeville, 
lesdits  témoins  ont  certifié  leurs  dires  véritables  et 
se  sont  retirez. 


Nous,  Lieutenant  criminel  de  cette  ville  et  bail- 
lage  d'Abbeville,  avons  déclaré  et  déclarons  ledit 
Gilles  Dobremer  duement  atteint  et  convaincu  et 
même  ayant  été  surpris  sur  le  fait  et  commettant 
ledit  délit,  d'avoir  habité  plusieurs  fois  avec  une 
vache,  pour  lequel  crime  et  réparation  desquels 
cas  l'avons  condamné  et  condamnons  à  être  pendu 
et  étranglé  à  une  potence  qui  sera  pour  cet  effet 
dressée  dans  la  place  d'Abbeville,  son  corps  jette 
ensuite  dans  un  feu,  où  sera  aussi  jettée  la  vache 
avec  laquelle  il  a  commis  ledit  crime  et  délit, 
laditte  vache  préalablement  étranglée  ;  quoy  fait  les 
cendres  jettées  dans  la  Rivière  de  Somme.  Décla- 
rons en  outre  tous  et  chacun  les  biens  dudit  Gilles 
Dobremer  acquis  et  confisquez  au  profit  de  Sa 
Majesté,  sur  lesquels  sera  néanmoins  prélevée  la 
somme  de  cent  livres  d'amande  envers  ledit  sei- 


72  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


gneur  Roy.  Donné  par  nous,  Lieutenant  criminel 
susdit,  l'an  de  grâce  mil  six  cent,  le  neuvième  jour 
de  janvier. 


Cet  arrêt  a  été  confirmé  le  9  février  1601,  par  la 
Cour  de  Parlement,  qui  précise  que  la  potence  sera 
plantée  sur  le  grand  chemin  de  Favencourt  à  Abbe- 
ville. 


PROCES  CRIMINEL 
DE  BERNARD  BOUTTESOLLE 

ACCUSÉ  DU  CRIME  DE  BESTIALITÉ  COMMIS 
AVEC  UNE  CAVALLE 

17  aoust  1600. 

L'an  mil  six  cent,  le  Jeudy  quinzième  jour  du 
mois  de  Mars,  fut  amené  pardevant  nous,  Bailly  de 
Grouche-le-Chastel,  un  quidam  vêtu  de  gris  de  fer, 
avec  un  bonnet  rouge,  accusé  d'avoir  commis  acte 
de  bestialité  avec  une  Cavalle. 

Le  premier  témoin,  après  avoir  fait  serment  de 
dire  pure  et  entière  vérité,  nous  a  déclaré  être 
appelle  Toussaint  Peruchon,  garçon  jardinier  du 
nommé  Marcel  Bellot,  et  que  ce  jourd'huy,  passant 
sur  les  huit  heures  du  matin  par  le  chemin  qui  passe 
auprès  des  terres  appartenantes  à  Thomas  Le  Roux, 
il  avoit  apperçu  dans  la  Cour  du  nommé  Jean  Bout- 
tesolle,  ledit  quidam,  présentement  accusé,  lequel, 
monté  sur  une  herse,  faisoit  tous  ses  efforts  pour 
connoitre  charnellement  une  Cavalle,  laquelle 
Cavalle  etoit  attachée  à  un  anneau  contre  les  murs 
de  laditte  Cour,  et  qu'enfin  s'etant  approché  pour 
surprendre  ledit  quidam,  il  l'avoit  trouvé  accouplé 


74  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


avec  laditte  Cavalle,  desquelles  choses  il  avoit 
averty  Monsieur  le  Procureur  fiscal,  ajoutant  qu'il 
y  avoit  plusieurs  personnes  qui  avoient  vu  cette 
chose. 

Le  second  témoin,  après  avoir  fait  serment  de 
dire  pure  et  entière  vérité,  a  déclaré  être  nommée 
Catherine  Dumay,  veuve  d'Antoine  Foreau,  et  que 
ce  jourd'huy  sur  les  huit  heures  du  matin,  en  pas- 
sant près  de  la  maison  de  Jean  BouttesoUe,  elle 
avoit  entendu  du  bruit  dans  laditte  Cour,  et  avoit 
apperçu  ledit  quidam  accusé  dans  un  état  indécent 
auprès  de  laditte  Cavalle,  et  les  nommés  Jean 
BouttesoUe,  Toussaint  Peruchon  et  Jacqueline 
Montée  querellans  ensemble,  surquoy  laditte  Jac- 
queline Montée,  femme  de  Marcel  Bellot,  jardinier, 
luy  avoit  dit  qu'on  venoit  de  surprendre  ce  jeune 
homme  accusé,  commettant  acte  de  sodomie  avec 
laditte  Cavalle. 

Le  troisième  témoin,  après  le  serment  accoutumé 
de  dire  pure  et  entière  vérité,  a  déclaré  être  appelle 
Jacqueline  Montée,  femme  de  Marcel  Bellot,  jardi- 
nier, et  que  cejourd'huy  passant  auprès  de  la  mai- 
son du  nommé  Jean  BouttesoUe,  pour  gagner  le 
chemin  qui  passe  auprès  des  terres  appartenantes  à 
Thomas  Le  Roux,  accompagnée  de  Thomas  Peru- 
chon, garçon  jardinier  étant  à  son  service,  ledi^ 
Peruchon  auroit  apperçu  ledit  quidam,  monté  sur 
une  herse,  et  faisant  ses  efforts  pour  connoître 
charnellement  une  Cavalle  attachée  à  un  anneau  de 


BERNARD   BOUTTESOLLE  75 


laditte  Cour,  et  que  s'etant  approchez  doucement, 
de  peur  que  ledit  quidam  ne  prit  la  fuite,  ils 
Tavoient  surpris  en  copulation  charnelle  avec  laditte 
Cavalle,  et  que  grondans  fort  ledit  quidam,  etoit 
survenu  Jean  Bouttesolle,  qui  avoit  dit  que  ledit 
quidam  etoit  son  fils  ;  et  que  quoy  que  ledit  Jean 
Bouttesolle  ait  encore  trouvé  ledit  quidam  dans  un 
état  qui  a  du  luy  faire  aisément  juger  de  l'action 
dudit  quidam,  cependant  il  a  soutenu  que  ledit  qui- 
dam qui  est  son  fils  n'est  point  capable  de  cette 
action,  et  a  fort  injurié  laditte  Jacqueline  Montée, 
pourquoy  laditte  Jacqueline  Montée  nous  requeroit 
d'interposer  notre  autorité  et  justice  contre  ledit 
Jean  Bouttesolle. 

Apres  lesquelles  demandes  et  interrogatoires 
avons  interrogé  ledit  quidam  accusé,  et  luy  avons 
demandé  son  nom  :  a  repondu  qu'il  s'appelloit  Ber- 
nard Bouttesolle. 

Interrogé  quel  etoit  son  père,  a  déclaré  que  son 
père  etoit  Jean  Bouttesolle,  laboureur. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
seize  ans  et  demi. 

Interrogé  s'il  osoit  desavouer  qu'il  eut  commis 
sodomie  avec  laditte  cavalle,  comme  lesdits  témoins 
qui  venoient  de  le  surprendre  l'assuroient,  a  re- 
pondu qu'il  n'avoit  jamais  connu  laditte  Cavalle,  et 
que  ce  qu'il  en  faisoit  etoit  pour  essayer,  sans  qu'il 
ait  eu  dessein  de  l'accomplir. 

Interrogé  que  cependant  lesdits  témoins  soute- 


76  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


noient  qu'il  avoit  commis  ledit  délit,  et  avoit  été 
trouvé  en  copulation  charnelle  avec  laditte  cavalle, 
a  repondu  qu'il  soutenoit  n'avoir  jamais  commis 
ledit  crime. 

Apres  lesquelles  demandes  et  interrogatoires  les- 
dits  témoins  se  sont  retirez,  et  ledit  Bernard  Bou- 
tesolle,  accusé,  conduit  en  prison. 


Cejourd'huy  vendredy  vingt  troisième  jour  de 
mars,  fut  amené  en  notre  présence  Jean  Boutte- 
solle,  laboureur,  auquel  nous  avons  demandé  s'il 
connoissoit  ledit  Bernard  Bouttesolle,  accusé  d'avoir 
commis  bestialité  avec  une  Cavalle  ;  a  repondu  que 
ledit  Bernard  Bouttesolle  étoit  son  fils. 

Interrogé  s'il  n'etoit  pas  vray  que  le  jeudy  quin- 
zième de  ce  mois  ledit  Bernard  Bouttesolle  avoit 
été  surpris  en  flagrant  délit,  et  commettant  acte  de 
sodomie  détestable  avec  une  Cavalle  dans  sa  Cour, 
monté  sur  une  herse  pour  pouvoir  atteindre  à 
laditte  Cavalle,  s'il  sçavoit  et  eut  reconnu  que  ledit 
Bernard  Bouttesolle  fut  sujet  à  cette  malheureuse 
inclination  :  a  repondu  que  jamais  son  fils  n'avoit 
été  sujet  à  cette  inclination,  qu'il  est  bien  vray  que 
le  jeudy  quinzième  de  ce  mois  les  nommez  Tous- 
saint Peruchon,  Jacqueline  Montée  et  Catherine 
Dumay  ayant  vu  ledit  Bernard  Bouttesolle  qui  ba- 
dinoitavec  cette  cavalle,  étoient  entrez  dans  sa  cour 


BERNARD   BOUTTESOLLE  77 


et  avoient  fait  un  grand  bruit,  crians  que  ledit  Ber- 
nard Bouttesolle  avoit  voulu  connoître  charnelle- 
ment laditte  Cavalle,  q^ioy  que  cependant  cela  fut 
faux  ;  qu'au  reste  il  est  bon  de  remarquer  que  ledit 
Bernard  Bouttesolle  est  un  innocent  et  un  peu 
simple,  et  que  par  hazard  ledit  Toussaint  Peruchon 
ayant  dit  que  ledit  Bernard  Bouttesolle  etoit  prêt  à 
connoître  charnellement  ladite  Cavalle,  ladite  Jac- 
queline Montée,  femme  de  Marcel  Bellot,  qui  aime 
ledit  Peruchon,  a  cru  devoir  tenir  le  même  langage, 
et  qu'en  fin,  luy,  Jean  Bouttesolle,  et  ledit  Tous- 
saint Peruchon  avoient  eu  ensemble  une  querelle 
le  Carnaval  dernier,  dans  laquelle  ledit  Toussaint 
Peruchon  luy  avoit  promis  de  s'en  venger  tôt  ou 
tard. 

Après  lesquelles  demandes  et  interrogatoires 
dans  lesquelles  ledit  Jean  Bouttesolle  a  déclaré  per- 
sister, et  a  soutenu  qu'ils  etoient  selon  la  pure  et 
simple  vérité,  ledit  Bouttesolle  s'est  retiré. 


Nous,  Bailly  de  Grouche-le-Chatel,  avons  déclaré 
et  déclarons  ledit  Bernard  Bouttesolle,  fils  de  Jean 
Bouttesolle,  laboureur,  bien  et  duement  atteint  et 
suffisamment  convaincu  d'avoir  habité  charnelle- 
ment avec  une  Cavalle,  pour  réparation  desquels 
cas  et  crime  énorme,  avons  ordonné  et  ordonnons 
que  ledit  Bernard  Bouttesolle  sera  pendu  et  étranglé 


78  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


à  une  potence  qui  sera  pour  cet  effet  dressée  au 
milieu  de  la  place  de  Grouche-le-Chastel  ;  quoy  fait 
son  corps,  ainsy  que  celuy  de  laditte  Cavalle,  préa- 
lablement étranglée,  êtrejettez  au  feu,  et  les  cendres 
qui  en  proviendront  jettées  et  semées  au  vent. 
Déclarons  tous  et  chacun  les  biens  dudit  Bernard 
Bouttesolle,  en  cas  qu'il  en  ait,  acquis  et  confisquez 
au  profit  de  qui  il  appartiendra,  sur  lesquels  sera 
néanmoins  prélevée  la  somme  de  deux  cents  livres, 
laquelle  sera  remise  par  forme  de  dommages  et 
interests,  entre  les  mains  de  Jacqueline  Montée,  à 
cause  des  injures  à  elle  dites  par  ledit  Jean  Boutte- 
solle, laquelle  somme  de  deux  cent  livres  sera 
prise  sur  les  biens  appartenant  audit  Bernard  Boutte- 
solle, ou  en  cas  qu'il  ne  s'en  trouve  point,  ou  qu'il 
n'y  en  ait  pas  suffisamment,  sur  les  biens  propres 
dudit  Jean  Bouttesolle,  que  nous  debouttons  de  sa 
requête  dudit  jour.  Donné  par  nous,  bailly  susdit 
de  Grouche-le-Chastel,  ce  vingt  sixième  jour  de 
juillet  mil  six  cent. 


Cejourd'huy  mercredy  trente  et  unième  jour  de 
juillet,  a  été  amené  en  cette  conciergerie  au  Palais 
le  nommé  Bernard  Bouttesolle,  accusé  d'avoir 
connu  charnellement  une  Cavalle,  lequel  nous  a 
déclaré  qu'il  se  tient  à  l'appel  par  luy  interjette  le 
vendredy  vingt  sixième  du  présent  mois  de  Juillet 


BERNARD   BOUTTESOLLE  79 


de  la  sentance  rendue  ledit  jour  contre  luy  par  le 
Bailly  de  Grouche-le-Chastel,  comme  d'effet  il 
déclare  se  porter  appellant  et  offre  de  justifier  son 
innocence,  requérant  dommages  et  interests,  avec 
la  condamnation  contre  Toussaint  Peruchon,  Cathe- 
rine Dumay  et  Jacqueline  Montée. 


Cejourd'huy  samedy  troisième  jour  du  mois 
d'aoust  est  comparu  au  greffe  de  cette  Cour  le 
nommé  Jean  BouttesoUe,  lequel  nous  a  déclaré 
qu'il  s'est  porté  et  se  porte  encore  pour  le  présent 
appellant  de  la  sentence  rendue  tant  contre  luy  que 
contre  Bernard  BouttesoUe,  son  fils,  offrant  de  jus- 
tifier son  innocence  et  celle  dudit  Bernard  Boutte- 
soUe son  fils,  dont  il  a  requis  acte. 


La  Cour  a  ordonné  et  ordonne  qu'avant  de  faire 
droit  sur  ledit  appel  interjette  par  lesdits  Jean  et 
Bernard  BouttesoUe,  ledit  Bernard  BouttesoUe  sera 
conduit  sous  bonne  et  sûre  garde  audit  lieu  de 
Grouche,  et  là,  en  présence  du  procureur  fiscal  du- 
dit lieu,  il  sera  conduit  au  lieu  où  les  témoins  ont 
déclaré  que  ledit  délit  a  été  commis,  et  ensuite  exa- 
miné par  trois  experts  qui  seront  nommez  à  cet 
effet  par  le  Bailly  de  Grouche,  lesquels  experts,  la 


8o  LES   PROCÈS  DE  BESTIALITÉ 


herse  apportée  et  la  cavalle  amenée,  examineront 
si  ledit  Bouttesolle  a  pu  commettre  ledit  délit,  pour 
le  rapport  par  eux  dressé  être  rapporté  à  la  Cour 
et  ordonné  ce  que  de  raison.  Fait  en  Parlement  ce 
jourd'huy  sixième  jour  d'aoust. 


Nous,  Bailly  de  Grouche-le-Chastel,  ordonnons 
que  les  nommez  Maurice  Troppy,  chirurgien, 
Michel  Boudance,  praticien,  et  Georges  Castrelle, 
garçon  chirurgien,  procéderont  à  l'information  et 
examen  ordonné  par  ledit  arrest  du  Parlement. 
Donné  à  Grouche-le-Chastel,  cejourdhuy  jeudy 
huitième  jour  d'aoust. 


Nous,  Maurice  Troppy,  chirurgien-juré,  Michel 
Boudance,  praticien,  et  Georges  Castelle,  garçon 
chirurgien,  nous  serions  transporté  cejourdhuy 
samedy  dixième  jour  du  présent  mois  d'aoust,  en 
la  maison  de  Jean  Bouttesolle,  laboureur  en  ce 
lieu,  et  là,  estant  dans  une  grande  cour  aboutis- 
sante au  chemin  qui  passe  auprès  des  terres  appar- 
tenantes à  Thomas  Le  Roux,  et  là  ayant  fait  appor- 
ter une  herse  et  amener  une  Cavalle  de  poil  bay^ 
laquelle  les  nommez  Toussaint  Peruchon,  Cathe- 
rine Dumay  et  Jacqueline  Montée  nous  auroient 


BERNARD   BOUTTESOLLE  8l 


dit  être  la  même  avec  laquelle  le  nommé  Bernard 
Bouttesolle  aurait  accompli  son  désir  charnel  de 
sodomie,  et  après  que  lesdits  témoins  eurent 
reconnus  laditte  herse  pour  la  même  sur  laquelle 
ledit  Bouttesolle  etoit  monté  pour  commettre  ledit 
délit  ;  en  présence  de  Monsieur  le  Procureur  fiscal, 
et  du  nommé  Jean  Bouttesolle,  père  de  l'accusé, 
et  desdits  témoins,  nous  aurions  fait  venir  ledit 
Bernard  Bouttesolle,  lequel  après  avoir  examiné 
s'il  etoit  habile  et  en  état  de  connoître  charnelle- 
ment laditte  femelle,  nous  luy  aurions  ordonné  de 
monter  sur  laditte  herse,  et  de  faire  ce  qu'il  pour- 
roit  pour  connoître  charnellement  laditte  Cavalle, 
ce  que  ledit  Bernard  Bouttesolle  exécutant,  nous 
nous  serions  apperçus,  en  présence  des  personnes 
cydessus,  qu'à  la  vérité  ledit  Bernard  Bouttesolle 
avait  pu  connoître  charnellement  laditte  Cavalle, 
quoiqu'avec  bien  de  la  peine,  étant  même  persua- 
dez qu'il  n'auroit  pu  l'exécuter  que  lors  qu'on  tien- 
droit  laditte  cavalle  ;  quoy  fait,  nous  avons  ordonné 
audit  Bernard  Bouttesolle  de  s'habiller  et  avons 
dressé  le  présent  procès  verbal,  lequel  nous  avons 
signé,  les  jour  et  an  que  dessus,  pour  servir  ce  que 
de  raison. 


La  Cour,  faisant  droit  sur  le  tout,  a  mis  et  met  à 
néant  l'appel  de  la  sentence  interjette  par  lesdits 

6 


82  LES   PROCÈS  DE   BESTIALITÉ 


Jean  et  Bernard  Bouttesolle  ;  met  aussi  laditte  sen- 
tence à  néant;  déclare  ledit  Bernard  Bouttesolle 
véhémentement  suspect  du  crime  de  copulation 
charnelle  avec  laditte  cavalle;  néanmoins,  ordonne 
qu'il  sera  incessament  elargy  et  remis  entre  les 
mains  de  son  père,  que  la  Cour  charge  des  apre- 
sent  de  sa  conduite  et  garde.  Et  pour  le  surplus  des 
dittes  requêtes  présentées  par  la  nommée  Jacque- 
line Montée,  et  ledit  Jean  Bouttesolle,  met  la  Cour 
les  parties  hors  de  cause  et  procès,  tous  dépens 
compensez.  Fait  à  Paris  en  Parlement,  ce  dix  sep- 
tième jour  du  mois  d'aoust  mil  six  cent. 


PROCES  CRIMINEL 
DE  CLAUDINE  DE  CULAM 

ACCUSÉE    d'avoir    EUE   COPULATION    ET   HABITATION 

CHARNELLE  AVEC  UN  CHIEN 

15e  octobre  1601. 


L'an  mil  six  cent  et  un,  le  mardy  septième  jour 
de  septembre,  à  la  requête  et  sur  les  plaintes  por- 
tées pardevant  nous  par  le  procureur  fiscal  de  ce 
siège,  demandeur  et  accusateur,  à  rencontre  d'une 
quidamne,  deffenderesse  et  accusée  d'avoir  eue 
habitation  et  copulation  charnelle  avec  un  chien 
blanc  tachette  de  roux,  nous,  juge  et  Bailly  de 
Rognon  et  Saint  Lubin  de  Cravant,  aurions  mandé 
laditte  quidamne  accusée  pour  venir  cejourdhu}^ 
se  justifier  des  cas  à  elle  imposez  ;  laquelle  qui- 
damne ayant  refusé  de  comparoître,  nous  aurions 
cejourdhuy,  sur  le  réquisitoire  dudit  procureur  fis- 
cal, décrété  laditte  quidamne  et  ordonné  qu'elle 
seroit. prise  et  appréhendée  aii  corps  ;  fait  par  nous 
Bailly  susdit  de  Rognon  et  Saint  Lubin  de  Cravant, 
les  jour  et  an  que  dessus. 


84  LES  PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


L'an  mil  six  cent  et  un,  le  samedy  onzième  jour 
du  mois  de  septembre,  nous,  Philippe  Guedier, 
huissier  à  cheval,  assisté  et  accompagné  d'Estienne 
Bridon,  Simon  Roger  et  Regnault  Galbonet, 
serions  transporté  à  l'hôtel  et  maison  du  sieur 
Prieur  de  Reverecourt,  où  nous  aurions  trouvé 
laditte  quidamne,  laquelle  nous  aurions  amenée 
pardevant  mondit  sieur  le  Bailly.  Ce  fait,  nous 
aurions  demandé  acte  de  l'exécution  de  notre  ditte 
commission.  Fait  ce  jour  et  an  que  dessus. 


Et  cedit  jour  de  samedy  onzième  jour  de  sep- 
tembre, nous,  Bailly  de  Rognon  et  Saint  Lubin  de 
Gravant,  aurions  interrogé  laditte  quidamne 
amenée  devant  nous,  en  la  manière  qui  s'ensuit  : 

Interrogée  quel  etoit  son  nom,  a  repondu  qu'elle 
s'appelloit  Claudine  de  Culam. 

Interrogée  quel  âge  elle  avoit,  a  repondu  qu'elle 
avoit  eu  seize  ans  au  dix  sept  jour  d'aoust  dernier. 

Interrogée  quelle  était  sa  vacation,  et  à  quoy  elle 
etoit  occupée,  a  repondu  qu'elle  etoit  domestique 
de  Monsieur  le  Prieur  de  Reverecourt,  au  service 
duquel  elle  étoit  depuis  quatre  années. 

Interrogée   pourquoy   elle    avoit  eu   copulation 


CLAUDINE   DE   CULAM  85 


charnelle  avec  le  chien  blanc  tachette  de  roux,  qui 
luy  a  été  en  même  tems  représenté,  a  repondu 
qu'elle  ne  sçavoit  ce  qu'on  lui  vouloit  dire  ;  après 
lequel  interrogatoire,  ladite  Claudine  de  Culam  a 
été  de  notre  ordre  conduite  en  prison. 


Cejourd'huy  lundy  treizième  jour  du  mois  de  sep- 
tembre, fut  amenée  en  présence  de  nous,  Bailly  de 
Rognon  et  saint  Lubin  de  Gravant,  Claudine  de 
Culam,  prisonnière  es  prisons  de  ce  lieu,  et  accusée 
d'avoir  habité  charnellement  avec  un  chien  ;  en 
présence  de  laquelle  nous  luy  aurions  fait  lire  les 
procès-verbaux  et  l'interrogatoire  à  elle  fait,  ensuite 
de  quoy  laditte  Claudine  de  Culam  a  déclaré  per- 
sister et  n'avoir  rien  autre  chose  à  dire  que  ce 
qu'elle  avoit  déjà  dit  ;  quoy  fait,  aurions  de  nou- 
veau interrogé  laditte  Claudine  de  Culam  en  la 
manière  qui  s'ensuit  : 

Interrogée  de  la  raison  pour  laquelle,  étant  inno- 
cente comme  elle  l'assure,  elle  avoit  refusé  de  com- 
paroitre  le  mardy  septième  de  septembre,  a 
repondu  qu'elle  n'étoit  pas  au  logis  lorsqu'on  est 
venu  l'avertir,  et  qu'elle  etoit  fort  éloignée  de 
croire  qu'on  put  la  soupçonner  de  pareil  crime, 
après  lequel  interrogatoire  laditte  Claudine  de 
Culam  a  été  par  notre  ordre  ramenée  en  prison. 


86  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


Cejourd'huy  mercredy  quinzième  jour  de  sep- 
tembre, sont  comparus  en  présence  de  nous,  Bailly 
de  Rognon  et  saint  Lubin  de  Gravant,  les  témoins 
cy  après  nommez,  lesquels,  après  avoir  fait  le  ser- 
ment accoutumé  de  dire  pure  et  entière  vérité,  ont 
déclaré  ce  qui  suit  : 

Le  premier,  nommé  David  Bonamy,  hotellier  de 
ce  lieu,  a  déclaré  que  le  jour  et  fête  de  saint  Louis 
dernière,  vingt  cinquième  jour  du  mois  d'Aoust 
passé,  étant  allé  chez  Monsieur  le  Prieur  de  Reve- 
recourt  pour  affaire,  en  passant  dans  la  Cour  dudit 
sieur  Prieur,  il  avoit  apperçû  laditte  Claudine  de 
Culam  en  copulation  charnelle  avec  ledit  chien 
blanc,  mais  qu'il  n  avoit  osé  dire  cecy  à  Monsieur 
le  Prieur,  et  en  avoit  seulement  parlé  à  la  nommée 
Jeanne  Dubois,  veuve  de  Claude  de  Culam,  garçon 
jardinier,  et  mère  de  laditte  Claudine  de  Culam, 
laquelle  Jeanne  Dubois  n'en  avoit  voulu  rien 
croire,  soutenant  que  sa  fîUe  etoit  trop  sage  et  trop 
innocente,  et  qu'il  falloit  qu'il  se  fut  trompé. 

Le  second  témoin,  appellée  Marie  Neufbois, 
femme  de  Mathieu  Gourdin,  maréchal,  a  déclaré 
qu'elle  avoit  vu,  sur  la  fin  du  mois  d'aoust  dernier, 
laditte  Claudine  de  Culam  jouant  et  badinant  fort 
indécemment  avec  ledit  chien  blanc  tachette  de 
roux,  et  qu'elle  luy  en  avoit  fait  même  des 
reproches. 


CLAUDINE   DE   CULAM  87 


Le  troisième,  nommé  Nicolas  Perrautelle,  domes- 
tique dudit  sieur  Prieur  de  Reverecourt,  a  déclaré 
que  le  premier  jour  du  présent  mois  de  septembre, 
en  entrant  dans  le  sallon  dudit  sieur  prieur,  il  avoit 
trouvé  laditte  Claudine  de  Culam  couchée  sur  un 
lit  de  repos,  et  ledit  chien  blanc  marquette  de  roux 
étant  auprès  d'elle  et  se  mettant  en  devoir  de  la 
connoître  charnellement,  mais  que  lors  qu'il  fut 
entré  dans  ledit  sallon,  laditte  Claudine  de  Culam 
baissa  ses  juppes  et  chassa  le  chien,  qui  ne  laissa 
pas  de  faire  résistance,  et  de  lever  avec  son  muzeau 
les  juppes  de  laditte  de  Culam  ;  mais  que  luy,  Nico- 
las Perrautelle,  s'etoit  enfin  approché  et  avoit 
donné  un  coup  de  pied  au  chien,  duquel  coup  de 
pied  ledit  chien  criant  et  paroissant  boiter,  laditte 
Claudine  de  Culam  s'etoit  écriée  :  «  Pourquoy  bat- 
tés  vous  mon  chien  et  vous  mêlez  vous  de  mes 
affaires?  »  Que  sur  cela,  luy,  Nicolas  Perrautelle, 
avoit  répondu  qu'il  etoit  bien  honteux  à  elle  de  se 
laisser  trousser  ses  jupes,  et  se  découvrir  si  indé- 
cemment devant  tout  le  monde. 

Apres  lesquels  interrogatoires,  lesdits  témoins  se 
sont  retirez. 


Cejourd'huy  vendredy  dix  septième  jour  du  mois 
de  septembre,  est  comparu  pardevant  nous,  Bailly 
de   Rognon   et    saint   Lubin   de    Cravant,   Jeanne 


88  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


Dubois,  veuve  de  Claude  de  Culam,  garçon  jardi- 
nier, habitant  de  Rozay,  laquelle  après  avoir  fait 
le  serment  accoutumé  de  dire  pure  et  entière  vérité, 
et  après  la  lecture  à  elle  laite  des  procès  verbaux 
et  interrogatoires,  laditte  Jeanne  Dubois  nous 
auroit  déclaré  que  laditte  Claudine  de  Culam,  sa 
fille,  etoit  innocente,  simple,  et  sans  aucune  malice; 
qu'apparament  c'etoit  l'envie  qui  avoit  fait  parler 
lesdits  témoins,  et  qu'à  l'égard  dudit  Nicolas  Per- 
rautelle  toute  la  maison  de  Monsieur  le  Prieur  de 
Reveraucourt  sçavoit  bien  qu'il  avoit  été  amou- 
reux de  laditte  Claudine  de  Culam,  mais  que 
laditte  fille  n'avoit  jamais  voulu  l'écouter,  tant  elle 
est  niaise  et  sotte,  et  enfin,  pour  preuve  de  ce 
qu'elle  avançoit,  laditte  Jeanne  Dubois  nous  a 
requis  que  laditte  Claudine  de  Culam,  sa  fille,  fut 
par  notre  ordre  visitée  par  des  matronnes  et  sages 
femmes,  telles  qu'il  nous  plairoit  nommer,  les- 
quelles feroient  leur  rapport,  pour  ensuite  par  nous 
être  fait  droit,  ainsy  qu'il  appartiendroit.  Fait  les- 
dits jour  et  an  que  dessus. 


Nous  Pierre  de  Bruymont,  licencié  es  loix, 
Bailly  de  Rognon  et  saint  Lubin  de  Cravant,  nous 
ordonnons  que  les  nommées  Jeanne  La  Picarde, 
sage  femme,  veuve  de  Thomas  Brehault,  accompa- 
gnée   de    Geneviève    Malnoye,    femme    d'André 


CLAUDINE   DE   CULAM  89 


Girard,  apotiquaire,  et  de  Guillemette  Bontemps, 
femme  de  Michel  François  Le  Brun,  chirurgien, 
procéderont  Lundy  prochain  vingt  du  présent  mois 
à  la  visite  et  examen  tant  de  laditte  Claudine  de 
Culam  que  le  chien  blanc  tachette  de  roux  avec 
lequel  elle  est  accusée  d'avoir  eue  habitation  char- 
nelle, pour  ensuite  nous  remettre  leur  rapport,  et 
être  par  nous  ordonné  que  de  raison.  Donné  par 
nous  le  samedy  dix  huitième  jour  de  septembre. 


L'an  mil  six  cent  un,  le  lundy  vingtième  jour  de 
septembre,  nous,  Jeanne  La  Picarde,  Maitresse 
sage  femme  et  matrone  jurée,  assistée  et  accompa- 
gnée de  Geneviève  Malnoye  et  de  Guillemette 
Bontemps,  nous  nous  serions  assemblées  et  aurions 
comparues  pardevant  mondit  sieur  le  Bailly  et  luy 
aurions  déclaré  être  prêtes  d'exécuter  ses  ordres. 

Et  ledit  jour  huit  heures  du  matin,  nous  susdittes 
Matrones,  aurions  prêté  serment  entre  les  mains 
de  mondit  sieur  le  Bailly  de  procéder  fidèlement  et 
exactement  à  la  visite  et  examen  tant  de  la  nommée 
Claudine  de  Culam,  accusée  d'avoir  connu  charnel- 
lement un  chien  blanc  tachette  de  roux,  que  ledit 
chien  blanc  tachette  de  roux  ;  après  lequel  serment 
nous  serions  retirées  dans  un  cabinet,  où  l'on  nous 
auroit  amenée  la  nommée  Claudine  de  Culam  et 
ledit  chien  blanc  tachette  de  roux;  laquelle  Clau- 


90  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


dine  de  Culam  nous  aurions  exactement  et  fidèle- 
ment visitée,  et  aurions  apperçu  qu'elle  auroit  eu 
copulation  charnelle  avec  un  masle,  et  ce  qui  nous 
auroit  encore  persuadées  entièrement,  c'est  qu'a- 
près avoir  déshabillé  laditte  Claudine  de  Culam, 
ledit  chien  roux  est  sauté  sur  elle  et  s'est  mis  en 
devoir  de  la  connoître  charnellement,  ce  qu'il  eut 
peut  être  exécuté  si  nous  ne  l'en  avions  empêché  ; 
quoy  fait,  nous  aurions  fait  rhabiller  laditte  Clau- 
dine de  Culam,  et  dressé  le  présent  rapport,  que 
nous  certifions  véritable  et  selon  la  vérité  et  notre 
conscience.  Fait  par  nous,  Matrones  susnommées, 
les  jour  et  an  que  dessus. 


Cejourd'huy  mercredy  vingt  deuxième  jour  du 
présent  mois  de  septembre,  fut  amenée  pardevant 
nous,  Bailly  de  Rognon  et  saint  Lubin  de  Cravant, 
Claudine  de  Culam,  en  présence  de  laquelle  a  été 
fait  lecture  tant  des  interrogatoires  que  des  déposi- 
tions charges  témoignages  et  du  rapport  tait  par 
lesdittes  Matrones  par  nous  commises,  ensuite  de 
quoy,  nous  aurions  interrogée  laditte  Claudine  de 
Culam,  et  luy  aurions  demandé  si  elle  avoit  à 
repondre  aux  charges  et  témoignages  à  elle  impo- 
sés; laquelle  Claudine  de  Culam  se  seroit  jettée  à 
genoux  devant  nous,  et  nous  auroit  avoué  et  con- 
fessé qu'elle  avoit  eu  copulation  et  habitation  char- 


CLAUDINE   DE   CULAM  91 


nelle  avec  ledit  chien  blanc  tachette  de  roux, 
qu'elle  meritoit  d'être  punie,  mais  elle  auroit  ajouté 
qu'elle  etoit  grosse  de  trois  mois  et  qu'elle  prioit 
de  différer  le  jugement  et  l'exécution  jusqu'au 
tems  qu'elle  auroit  accouchée  ;  surquoy  nous, 
Bailly  susdit,  aurions  renvoyé  laditte  Claudine  de 
Culam  en  prison  pour,  après  avoir  entendu  les  con- 
clusions du  procureur  fiscal,  à  ordonner  ce  que  de 
raison.  Fait  par  nous,  Bailly  susdit,  les  jour  et  an 
que  dessus. 


Nous,  Pierre  de  Bruymont,  licencié  es  loix, 
Bailly  de  Rognon  et  saint  Lubin  de  Gravant,  vue 
la  requête  verbale  à  nous  faite  par  Claudine  de 
Culam,  ayant  aucunement  égard  à  laditte  requête, 
ordonnons  que  les  nommées  Jeanne  La  Picarde, 
accompagnée  de  Geneviève  Malnoye  et  de  Guille- 
mette  Bontemps,  procéderont  lundy  prochain  vingt 
septième  jour  du  présent  mois  de  septembre,  à  la 
visitte  et  information  sur  la  prétendue  grossesse  de 
laditte  Claudine  de  Culam.  Donné  par  nous,  ce 
samedy  vingt  cinquième  jour  de  septembre. 


L'an  mil  six  cent  et  un,  le  lundy  vingt  septième 
jour  de  septembre,  nous,  Jeanne  La  Picarde,  mai- 


92  LES   PROCÈS  DE   BESTIALITÉ 


tresse  sage  femme  et  matrone  jurée,  accompagnée 
de  Geneviève  Malnoye  et  de  Guillemette  Bontemps, 
aussi  matrones  jurée,  nous  serions  transportées 
chez  mondit  sieur  le  Bailly,  en  son  siège  de  justice 
de  Rognon,  et  avons  prêté  et  fait  serment  entre  ses 
mains  d'examiner  et  visiter  bien  et  fidèlement 
laditte  Claudine  de  Culam. 

Et  nous  étant  ensuite  retirées  dans  un  cabinet, 
environ  sur  les  neuf  heures  du  matin  fut  amenée  en 
notre  présence  Claudine  de  Culam,  laquelle  aj^ant 
fait  deshabiller  et  visité  tant  son  sein  que  son 
ventre,  et  autres  parties,  après  avoir  mûrement  et 
longtems  examiné,  nous  n'aurions  reconnu  aucun 
signe  de  grossesse,  et  au  contraire,  nous  y  aurions 
reconnu  tous  les  indices  et  marques  d'une  femme 
non  enceinte,  pourquoy  nous  aurions  dressé  le  pré- 
sent procès  verbal,  les  jour  et  an  que  dessus,  lequel 
nous  avons  remis  cejourd'huy  entre  les  mains  de 
mondit  sieur  le  Bailly,  le  certifiant  pour  véritable  et 
dicté  selon  nos  lumières  et  notre  conscience. 


Nous,  Pierre  de  Bruymont,  Licencié  es  Loix, 
Bailly  de  Rognon  et  saint  Lubin  de  Cravant,  faisons 
savoir  que  nous  avons  déclaré  et  déclarons  laditte 
Claudine  de  Culam,  fille  de  Claude  de  Culam  et  de 
Jeanne  Dubois,  duement  atteinte  et  convaincue 
d'avoir  contre  nature  habité  charnellement  avec  un 


CLAUDINE  DE   CULAM  93 


chien  blanc  tachette  de  roux  ;  pour  raison  et  répa- 
ration desquels  cas  ordonnons  que  laditte  Claudine 
de  Culam  sera  brûlée  vive  à  un  feu  qui  sera  pour 
cet  effet  dressé  dans  la  grande  place  dudit  Rognon, 
quoy  fait  ses  cendres  jettées  au  vent.  Déclarons  en 
outre  tous  et  un  chacun  ses  biens  acquis  et  confis- 
qués au  profit  de  qui  il  appartiendra,  sur  lesquels 
seront  néanmoins  pris  la  somme  de  dix  livres 
d'amende  envers  le  Roy.  Donné  à  Rognon  par 
nous,  susdit  Bailly,  le  quatrième  jour  du  mois 
d'octobre  mil  six  cent  et  un. 


La  Cour  a  déclaré  laditte  Claudine  de  Culam 
bien  et  duement  atteinte  et  convaincue  d'avoir 
contre  nature  eue  habitation  et  copulation  char- 
nelle avec  un  chien  blanc  tachette  de  roux  ;  en 
conséquence,  a  mis  et  met  à  néant  l'appel  interjette 
par  le  procureur  fiscal  de  Rognon  au  nom  de  laditte 
Claudine  de  Culam;  ordonne  que  la  sentence  du 
Bailly  sera  exécutée;  en  conséquence,  ordonne 
laditte  Cour  que  laditte  Claudine  de  Culam  sera 
pendue  et  étranglée  à  une  potence  qui  sera  pour  cet 
effet  dressée  dans  la  place  et  marché  dudit  Rognon, 
avec  ledit  chien  blanc  tachette  de  roux,  lequel  sera 
pendu  et  étranglé  à  laditte  potence  avant  laditte 
Claudine  de  Culam;  quoy  fait  leurs  corps  jettez 
dans  un  feu  qui  sera  allumé  auprès,  et  le  tout  con- 


94  LES  PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


sommé  les  cendres  jettées  et  semées  au  vent. 
Déclare  en  outre  tous  les  biens  appartenans  à  ladite 
Claudine  de  Culam  acquis  et  confisquez  au  profit 
de  qui  il  appartiendra,  sur  lesquels  néanmoins,  en 
cas  qu'il  s'en  trouve,  sera  prélevée  la  somme  de 
trois  livres  d'amende  envers  le  Roy  ;  et  pour  exé- 
cuter le  présent  arrest,  renvoyé  laditte  Claudine  de 
Culam  prisonnière  par  devers  ledit  Bailly  de  Ro- 
gnon et  saint  Lubin  de  Cravant.  Fait  en  Parlement 
en  vacations,  ce  quinzième  jour  d'octobre  l'an  de 
grâce  mil  six  cent  et  un. 


PROCES  CRIMINEL   DE   EUTROPE   BEDEAU 

ACCUSÉ  DU  CRIME  DE   BESTIALITÉ  AVEC  UNE  JUMENT 
5  janvier  1604. 


Cejourd'huy  vendredy  quatorzième  jour  de 
novembre  mil  six  cent  trois,  à  la  requête  et  sur  la 
plainte  de  Remy  Lobliniere,  hotellier  de  cette  ville 
de  Provins,  fut  amené  par  les  nommez  Eustache 
Robin,  Louis  Poltrot,  Cezar  Mangelle,  et  Thierri 
Dupuis,  un  quidam  vêtu  de  drap  canelle,  ayant  un 
boi;inet  rouge  et  des  bas  blancs,  lequel  ledit  Remy 
Lobliniere  nous  auroit  assuré  avoir  cejourd'huy 
deux  heures  après  midi  surpris  accouplé  et  en 
copulation  charnelle  et  contre  nature  avec  une 
jument  étant  dans  Tecurie,  et  appartenante  à  un 
particulier  qui  logeoit  chez  luy  depuis  hier  au  soir, 
lequel  particulier  et  plusieurs  autres  pourroient 
rendre  ample  témoignage  du  fait,  l'ayans  vu  comme 
luy  ;  dequo}^'  ledit  Remy  Lobliniere  nous  requeroit 
de  faire  justice,  ce  que  nous  luy  aurions  promis,  et 
en  même  tems  aurions  fait  conduire  ledit  quidam  en 
prison. 


Cejourd'huy  samedy  quinzième  jour  de  novembre, 


96  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


a  été  amené  pardevant  nous,  Bailly  de  laditte  ville 
et  Baillage  de  Provins,  un  quidam  vêtu  de  drap 
canelle,  ayant  un  bonnet  rouge  et  des  bas  blancs, 
lequel,  à  la  requête  du  procureur  du  Roy  de  ce 
Baillage  et  de  Remy  Lobliniere,  hotellier  de  cette 
ville,  nous  aurions  interrogé  en  la  manière  qui  s'en- 
suit : 

Interrogé  quel  nom  il  avoit,  il  a  repondu  être 
appelle  Eutrope  Bedeau. 

Interrogé  quel  est  son  père  et  sa  mère  et  quel  est 
son  pays,  a  repondu  qu'il  est  fils  de  Gervais 
Bedeau,  teinturier  à  Sezanne,  et  de  Marie  Boullay, 
sa  femme,  lesquels  étant  morts  il  y  a  près  de  trois 
ans,  luy,  Eutrope  Bedeau,  se  seroit  trouvé  dans  la 
nécessité  de  se  mettre  au  service  de  quelqu'un,  et 
qu'il  etoit  entré  le  vingt  quatre  juin  dernier  au  ser- 
vice de  Remy  Lobliniere,  hotellier  du  Lyon  d'argent. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
eu  treize  ans  le  dernier  jour  de  may  dernier. 

Interrogé  s'il  avoit  coutume  de  connoitre  charnel- 
lement les  cavalles  et  juments,  a  repondu  que  non 
et  qu'il  n'avoit  jamais  commis  ledit  crime. 

Interrogé  s'il  n'etoit  pas  vray  qu'il  eut  commis 
ledit  crime  hier  sur  les  deux  heures  après  midy,  a 
repondu  que  non. 

Interrogé  sur  ce  qui  luy  fut  par  nous  répliqué 
qu'il  etoit  bien  insolent  et  un  effronté  menteur,  a 
repondu  qu'il  n'était  point  menteur,  et  qu'il  n'y 
avoit  personne  qui  put  luy  soutenir  le  contraire. 


PASIPHAE  ET  DEDALE 

(Palazzo  Spada,  Rome) 


EUTROPE  BEDEAU  97 


Apres  lequel  interrogatoire  ledit  Eutrope  Bedeau 
a  été  par  notre  ordre  reconduit  en  prison. 


Et  cejourd'huy  samedy  vingt  deuxième  jour  du 
mois  de  novembre,  sont  comparus  en  présence  de 
nous,  Bailly  de  Provins,  les  personnes  suivantes, 
lesquels,  après  leur  avoir  fait  faire  le  serment  accou- 
tumé de  dire  pure  et  entière  vérité,  avons  inter- 
rogé en  la  manière  qui  ensuit. 

Le  premier  témoin,  qui  a  déclaré  être  appelle 
Raoul  Duplessis,  sieur  de  Noleau,  ancien  officier 
de  cavallerie,  a  déclaré  que  le  vendredy  quatorze 
du  présent  mois  de  novembre,  ayant  entendu  du 
bruit  dans  la  cour  du  nommé  Remy  Lobliniere, 
hotellier  du  Lyon  d'argent,  et  chez  qui  il  demeuroit 
depuis  trois  jours,  qu'à  ce  bruit  il  etoit  decendu 
dans  laditte  cour,  où  étant  entré  dans  une  écurie  il 
y  avoit  apperçu  un  quidam  vêtu  de  drap  canelle 
avec  un  bonnet  rouge  et  des  bas  blancs,  qu'il  a  sçu 
depuis  être  appelé  Eutrope  Bedeau,  et  du  nombre 
des  domestiques  du  nommé  Remy  Lobliniere, 
lequel  quidam  etoit  accouplé  charnellement  et  en 
copulation  contre  nature  avec  une  jument.  Laquelle 
déposition  et  témoignage  ledit  sieur  Duplessis 
Nolleau  nous  a  certiffié  véritable  et  a  signé. 

Le  second  témoin  a  dit  être  appelle  Michel  de 
L'Epine,  et  qu'il  etoit  marchand  de  vin,  demeurant 


9B  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


ordinairement  à  Paris,  et  arrivé,  pour  le  fait  de  son 
commerce,  en  cette  ville  le  dernier  jour  d'octobre 
passé,  depuis  lequel  tems  il  loge  chez  ledit  sieur 
Remy  Loblinière;  a  déclaré  ledit  de  Lepine  que  le 
vendredy  quatorzième  de  ce  mois  sur  les  deux 
heures  après  midy,  ayant  entendu  un  grand  bruit 
dans  la  cour,  il  etoit  descendu  et  avoit  trouvé  cinq^ 
ou  six  personnes  assemblées,  et  qui  etoient  attentifs 
à  un  jeune  garçon  que  ledit  Loblinière  nommoit  son 
valet,  lequel  valet  etoit  accouplé  avec  une  jument  ; 
lequel  valet  se  seroit  bientôt  caché  sous  l'auge  pour 
s'habiller,  et  a  sçu  ledit  témoin  que  ledit  "valet  s'ap- 
pelloit  Eutrope  Bedeau. 

Le  troisième  témoin  a  dit  être  appelle  Olivier 
Varrouges,  et  qu'il  etoit  valet  de  chambre  du  sieur 
de  Bellemont,  secrétaire  du  Roy  maison  couronne  de 
France,  demeurant  ordinairement  à  Paris,  ledit  Oli- 
vier Varrouges  envoyé  par  son  maître  à  Troyes,  et 
passant  par  Provins  y  avoit  séjourné  quelque  tems; 
a  déclaré  que  le  vendredy  quatorzième  du  présent 
mois,  sur  les  deux  heures  après  midy,  il  avoit  ouy 
un  grand  bruit  dans  la  cour  de  la  maison  du  Lyon 
d'argent  où  il  demeure,  et  avoit  apperçu  de  la 
fenestre  le  nommé  Eutrope  Bedeau,  valet  de  Remy 
Loblinière,  maitre  de  laditte  hôtellerie,  entouré  de 
plusreurs  personnes  qui  luy  reprochoient  qu'ils  le 
venoient  de  surprendre  en  commettant  copulation 
charnelle  et  contre  nature  avec  une  jument,  lequel 
Eutrope  Bedeau  n'osoit  dire  le  contraire,  et  enfin 


EUTROPE  BEDEAU  99 


avoit  été  emmené  prisonnier  pour  ledit  crime,  ajou- 
tant ledit  Varrouges  que  c'etoit  tout  ce  qu'il  en 
sçavoit  et  certifiant  son  témoignage  véritable. 

Le  quatrième  témoin  a  dit  être  appelle  Jean  Dau- 
bry,  et  être  huissier  à  Cheval  au  Chatelet  de  Paris, 
de  présent  demeurant  à  Provins  pour  affaires,  lequel 
Jean  Daubry  auroit  rendu  un  témoignage  pareil  à 
celuy  du  sieur  Raoul  Duplessis  Noleau,  lequel 
témoignage  il  auroit  certifié  véritable,  et  a  signé. 

Apres  lesquelles  demandes  et  interrogatoires, 
lesdits  témoins  se  sont  retirez. 


Et  cejourd'hy  samedy  vingt  neuvième  jour  du 
mois  de  novembre,  fut  amené  en  présence  de  nous, 
Bailly  de  Provins,  le  nommé  Eutrope  Bedeau,  de 
présent  détenu  prisonnier  es  prisons  de  cette  ville, 
auquel  lecture  a  été  faite  tant  du  proces-verbal  que 
de  l'interrogatoire  et  des  dépositions,  charges, 
témoignages  et  déclarations^  lequel  Eutrope  Bedeau 
auroit  continué  à  nier,  et  à  soutenir  que  tout  ce  que 
les  témoins  sunommez  avoient  déposé  etoit  entiè- 
rement faux,  et  inventé  exprès  et  calomnieusement 
pour  le  faire  périr,  que  ces  témoins  etoient  tous  des 
étrangers  et  des  fripons  qui,  pour  complaire  à  Rem}^ 
Lobliniere,  leur  hôte,  disoîent  tout  ce  qu'il  vouloit, 
et  que  ledit  Remy  Lobliniere  etoit  aussi  un  fripon, 
qui  ne  vouloit  pas  luy  payer  ses  gages. 


100  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


A  quoy  nous,  Juge  susdit,  aurions  répliqué  audit 
Eiitrope  Bedeau  que  tout  ce  qu'il  disoit  n'etoit  pas 
vraisemblable,  que  ces  témoins  etoient  tous  hon- 
nêtes gens  et  de  marque,  qui  n'avoient  aucun  inte- 
rest  à  luy  faire  du  mal,  et  que  Remy  Lobliniere 
etoit  aussy  connu  pour  un  honnête  homme,  et  qu'à 
son  égard  il  eut  à  confesser  la  vérité,  sinon  qu'il 
seroit  pendu  ;  a  répliqué  ledit  Eutrope  Bedeau  qu'il 
ne  pouvoit  dire  autrement  que  ce  qu'il  avoit  déjà  dit, 
à  quoy  persistant,  nous  l'aurions  fait  reconduire  en 
prison. 


Cejourd'huy  mercredy  troisième  jour  du  mois  de 
décembre  comparurent  en  présence  de  nous,  juge  et 
Bailly  de  Provins,  Remy  Lobliniere,  hôtelier  du 
Lyon  d'argent  de  cette  ville  de  Provins,  lequel, 
après  luy  avoir  fait  prêter  serment  de  dire  pure  et 
entière  vérité,  nous  l'aurions  interrogé  en  la  ma- 
nière qui  suit  : 

Interrogé  s'il  connaissoit  le  nommé  Eutrope  Be- 
deau, et  s'il  avoit  reconnu  en  luy  quelque  mauvaise 
inclination^  a  repondu  qu'il  y  avoit  près  de  quatre 
ans  qu'il  avoit  ledit  Eutrope  Bedeau  à  son  service 
et  qu'il  n'en  avoit  jamais  reconnu  aucune  marque 
ou  indice  de  cette  passion,  si  ce  n'est  que  depuis 
environ  quatre  mois  qu'il  avoit  surpris  plusieurs 
fois  ledit  Bedeau  dans  l'écurie  avec  sa  jument  et 


EUTROPE   BEDEAU  lOI 


qu'il  l'avoit  plusieurs  fois  battu  pour  l'empêcher  d'y 
entrer,  sans  que  ledit  Eutrope  Bedeau  se  soit  voulu 
corriger,  jusqu'audit  jour  quatorzième  de  novembre 
dernier  que  ledit  Eutrope  Bedeau  a  été  surpris  en 
flagrant  délit. 


Et  ledit  jour  troisième  de  décembre,  fut  amené 
en  présence  de  nous,  Bailly  susdit,  Eutrope  Bedeau, 
prisonnier  es  prison  de  cette  ville,  et  accusé  d'avoir 
connu  charnellement  une  jument,  auquel  lecture  a 
été  faite  des  témoignages  et  déclarations  faites  ce- 
jourd'huy  par  le  nommé  Remy  Lobliniere,  à  ce 
présent,  et  persistant  en  ses  dits  témoignages  et 
dépositions.  Lequel  Eutrope  Bedeau  a  persisté  aussi 
à  nier  tout  ce  que  ledit  Lobliniere  avoit  déposé,  sur 
quoy  nous  aurions  dit  audit  Eutrope  Bedeau  qu'il 
etoit  bien  impudent  et  ensuite  nous  l'aurions  fait 
emmener  en  prison. 


Nous,  Jérôme  Antoine  de  Bordis,  Licencié  es  lois, 
Bailly  de  la  Ville  et  Baillage  de  Provins,  avons 
déclaré  et  déclarons  ledit  Eutrope  Bedeau  duement 
atteint  et  convaincu  d'avoir  habité  charnellement  et 
contre  nature  avec  une  jument,  pour  réparation  des- 
quels cas  et  crime  abominable,  ordonnons  que  ledit 
Eutrope   Bedeau    sera    pendu    et    étranglé    à    une 


102  LES   PROCES   DE  BESTIALITE 


potence  qui  sera  pour  cet  effet  dressée  dans  la  place 
de  Provins,  quoy  fait  son  corps  jette  dans  un  feu, 
où.  sera  pareillement  jette  la  jument  avec  laquelle 
ledit  Eutrope  Bedeau  a  commis  ledit  crime  et  délit, 
préalablement  étranglée,  et  ensuite  leurs  cendres 
jettées  au  vent.  Déclarons  en  outre  tous  et  chacun 
les  biens  dudit  Eutrope  Bedeau  acquis  et  confisqués 
au  profit  de  sa  Majesté,  sur  lesquels  sera  prélevée 
la  somme  de  trois  livres  d'amende  envers  le  dit  sei- 
gneur Roy,  et  cinquante  livres  pour  le  prix  de 
ladite  jument.  Lesquels  cinquante  livres  seront 
remises  es  mains  de  Remy  Lobliniere,  propriétaire 
de  laditte  Cavalle.  Donné  à  Provins  par  nous, 
Bailly  susdit,  cejourd'hy  jeudy  onzième  jour  de 
décembre  mil  six  cent  trois. 


La  Cour  a  mis  et  met  à  néant  la  sentence  rendue 
le  jeudy  onzième  décembre  dernier  par  le  Bailly  de 
Provins;  met  pareillement  à  néant  l'appellation 
interjette  par  le  substitut  du  procureur  gênerai  du 
Roy,  à  Provins,  au  nom  d'Eutrope  Bedeau  ;  et  fai- 
sant droit  sur  le  tout,  a  déclaré  ledit  Eutrope  Bedeau 
atteint  et  convaincu  d'avoir  habité  et  connu  charnel- 
lement une  jument;  néanmoins,  eu  égard  à  son  âge, 
ordonne  que  ledit  Eutrope  Bedeau  sera  mis  sous  la 
custode,  et  renfermé  dans  l'hôpital  de  Bicestre  deux 
mois  consécutifs,  pendant  lequel  tems  il  aura  le 


EUTROPE   BEDEAU  IO3 


fouet  en  correction  deux  fois  la  semaine  ;  quoy  fait 
sera  Banni  à  perpétuité  de  toute  l'étendue  du 
Royaume  et  terres  de  l'obeïssance  de  sa  Majesté, 
au  profit  de  qui  elle  a  déclaré  et  déclare  tous  les 
biens  dudit  Eutrope  Bedeau  (s'il  y  en  a)  confisqués, 
sur  lesquels  néanmoins  sera  prise  la  somme  de  trois 
livres  d'amende  envers  ledit  seigneur  Roy,  et  la 
somme  de  cinquante  livres  pour  le  prix  et  valeur  de 
la  jument  avec  laquelle  ledit  Bedeau  a  commis  ledit 
délit  ;  laquelle  jument  laditte  Cour  ordonne  qu'elle 
sera  assommée  et  son  corps  jette  à  la  voirie,  et  les- 
dittes  cinquante  livres  remises  à  Remy  Lobliniere, 
propriétaire  de  laditte  jument.  Ordonne  en  outre 
laditte  Cour  que  quinze  jours  après  que  ledit  Eutrope 
Bedeau  sera  sorti  de  prison  et  du  Château  de  Bi- 
cestre,  il  ait  à  se  trouver  hors  du  Royaume,  et  en 
cas  qu'il  y  soit  trouvé  passé  ledit  tems,  qu'il  soit 
pendu  et  étranglé  sans  aucune  forme  ou  figure  de 
procès,  et  sans  qu'il  soit  besoin  d'autre  jugement 
que  le  présent  arrest.  Fait  à  Paris  en  Parlement  le 
cinquième  jour  de  Janvier,  l'an  de  grâce  mil  six 
cent  et  quatre. 


PROCES  CRIMINEL  DE  DIDIER  LENGARAT 

ACCUSÉ  DU  CRIME  DE  BESTIALITÉ  AVEC  UNE  JUMENT 
27  octobre  1604. 


L'an  mil  six  cent  quatre,  le  mardy  treizième  jour 
du  mois  d'octobre,  fut  amené  et  conduit  en  pré- 
sence de  nous  Bailly  de  Joinville,  '  par  la  brigade 
dudit  Joinville,  et  les  nommez  Charles  Rozeloy, 
Thibaud  Le  Gendre,  François  Frappin,  Gautier  Le 
Sueur  et  Jean  Trompette,  exempt  et  archers  de 
laditte  Brigade  de  Maréchaussée,  un  quidam  accusé 
et  pris  présentement,  heure  de  midy,  en  flagrant 
délit,  en  copulation  et  habitation  charnelle  et 
contre  nature  avec  une  jument,  lesquels  Charles 
Rozeloy,  etc.,  nous  auroient  assuré  qu'ils  ont  été 
mandez  par  plusieurs  Bourgeois  de  cette  ville,  sur 
l'heure  de  Midy,  et  qu'ayant  suivi  une  servante, 
appelée  la  grosse  Fanchon,  ils  etoient  venus  der- 
rière l'église,  rue  de  Baffroy,  où  ils  avoient  trouvé 
ledit  quidam,  que  lesdits  Bourgeois  accusoient  et 
assuroient  avoir  trouvé  présentement  en  copulation 
charnelle  et  contre  nature  avec  une  jument.  Pour 
raison  dequoy  ils  s'en  seroient  saisis  et  nous  l'au- 
roient  amené. 


DIDIER   LENGARAT  105 


Et  ledit  jour  treizième  jour  d'octobre,  nous, 
Bailly  de  Joinville,  avons  interrogé  ledit  quidam  en 
la  manière  et  forme  qui  s'ensuit  : 

Interrogé  quel  etoit  son  nom,  a  repondu  qu'il 
etoit  appelle  Didier  Lengarat. 

Interrogé  de  quel  païs  il  etoit,  a  repondu  qu'il 
etoit  natif  de  Sancerre,  diocèse  de  Bourges. 

Interrogé  quelle  etoit  sa  vacation  et  profession, 
a  repondu  qu'il  etoit  garçon  cordonnier,  et  qu'il 
travailloit  depuis  six  semaines  qu'il  etoit  arrivé 
dans  cette  ville  chez  le  nommé  Etienne  Taillard, 
cordonnier. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
trente  sept  ans. 

Interrogé  s'il  etoit  vray  qu'il  eut  eu  copulation  et 
habitation  charnelle  avec  laditte  jument,  a  repondu 
que  non,  et  que  s'etant  mis  pour  lascher  de  l'eau 
auprès  de  laditte  Cavalle,  plusieurs  particuliers 
etoient  accourus,  et  l'avoient  accusé  de  ce  qu'il  n'a 
point  pensé. 

Interrogé  à  qui  appartient  laditte  jument,  a 
repondu  qu'il  ne  sçait  à  qui  elle  appartient. 

Apres  lequel  interrogatoire  ledit  Didier  Lengarat 
a  été  par  notre  ordre  conduit  et  mené  es  prisons 
de  cette  ville. 


I06  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


Cejourd'huy  mercredy  quatorzième  jour  du  mois 
d'octobre,  sont  comparus  en  présence  de  nous 
Bailly  de  Joinville,  André  Dupont,  maitre  apoti- 
quaire  de  cette  ville,  Pierre  Thoury,  compagnon 
maréchal,  Bastien  Languedoc,  garçon  tanneur,  la 
grosse  Fanchon,  servante  du  sieur  de  Sirevancourt, 
et  Alexandre  Dumontelle,  serrurier,  lesquels, 
après  avoir  fait  serment  de  dire  et  déclarer  la  pure 
et  entière  vérité,  ont  tous  déclaré  unanimement 
que  le  jour  d'hier  sur  le  midy,  en  passant  par  la 
rue  de  Basfroy,  ils  avoient  apperçu  contre  les  murs 
de  l'église  principale  de  cette  ville  un  quidam 
accouplé  et  en  copulation  charnelle  et  détestable 
avec  une  jument,  qu'etans  tous  approchez  de  luy 
ils  l'avoient  lié  et  en  même  tems  envoyé  la  grosse 
Fanchon,  aussy  présente,  pour  chercher  les 
archers,  pour  se  saisir  de  ce  misérable,  lequel  en 
se  débattant,  tandis  qu'on  etoit  allé  chercher  les 
archers,  avoit  donné  un  coup  de  pied  dans  la  jambe 
du  nommé  Bastien  Languedoc,  et  avoit  enlevé  la 
chair  vive  presqu'à  l'os,  et  que  voyant  venir  les 
archers,  ils  leur  avoient  remis  ledit  quidam  et  leur 
avoient  dit  le  sujet  pour  lequel  ils  l'avoient  arrêté 
et  lié,  lesquels  témoins  cydessus  ayant  assuré  que 
leur  témoignage  etoit  entièrement  véritable  se  sont 
retirez. 


DIDIER   LENGARAT  IO7 


Nous,  Jules  Henry  d'Armanse,  conseiller  du 
Roy,  Bailly  de  la  Ville  et  principauté  de  Joinville, 
Ecuyer,  sieur  de  la   Berthe,    Heronges  et  autres 

lieux,  sçavoir  faisons  que ,  vu  la  requête  à  nous 

présentée  le  jour  d'hier  quinzième  de  ce  mois  par 
Nicolas  Rousseau,  vigneron,  tendante  à  ce  qu'en  le 
procès  criminel  de  Didier  Lengarat;  et  au  cas  qu'on 
jugeât  à  propos  de  tuer  la  jument  avec  laquelle 
ledit  Didier  Lengarat  a  été  trouvé  en  copulation 
charnelle,  il  soit  retenu  et  pris  sur  les  biens  dudit 
Lengarat  la  somme  de  soixante  et  dix  livres  pour  le 
prix  de  laditte  jument,  dont  luy  Nicolas  Rousseau 
est  propriétaire  ;  vu  aussi  l'aveu  et  confession  faite 
cejourd'huy  par  ledit  Didier  Lengarat,  avons 
déclaré  et  déclarons  le  nommé  Didier  Lengarat, 
garçon  cordonnier,  bien  et  duement  convaincu 
d'avoir  été  surpris  le  mardy  treizième  du  présent 
mois  en  copulation  charnelle  avec  une  jument, 
pour  réparation  duquel  cas  et  crime  énorme  ordon- 
nons qu'il  sera  pendu  et  étranglé  à  une  potence  qui 
sera  pour  cet  effet  dressée  dans  la  grande  place  de 
Joinville  ;  quoy  fait  son  corps  et  celuy  de  la  jument, 
qui  sera  préalablement  étranglée,  jettez  au  feu  et  le 
tout  consommé  les  cendres  jettées  au  vent.  Ordon- 
nons en  outre  que  tous  les  biens  dudit  Didier  Len- 


I08  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


garât  seront  acquis  et  confisquez  au  profit  de  qui  il 
appartiendra,  sur  lesquels  néanmoins  sera  prélevée 
la  somme  de  dix  livres  d'amende  appliquable  à  qui 
il  appartiendra,  et  celle  de  soixante  et  dix  livres, 
laquelle  sera  remise  à  Nicolas  Rousseau,  vigneron, 
pour  le  prix  et  valeur  de  laditte  jument  mentionnée 
au  procès,  dont  il  est  propriétaire.  Donné  par  nous, 
Bailly  susdit  de  la  ville  et  principauté  de  Joinville, 
le  vendredy  seizième  jour  d'octobre  mil  six  cent 
quatre. 


Dans  l'arrêt  de  confirmation,  en  date  du  mardy 
27  octobre  1604,  1^  Parlement  de  Paris  ordonne  que 
ledit  Didier  Lengarat  sera  conduit,  la  corde  au  col 
et  tenant  au  poing  une  torche  de  cire  jaune  du 
poids  de  deux  livres,  devant  l'église  principale 
dudit  Joinville,  et  là  fera  amande  honnorable  et 
déclarera  que  mechament  il  a  souillé  et  pollué  les 
murs  de  laditte  église  auprès  desquels  il  a  commis 
et  perpétré  son  crime  détestable  ;  quoy  fait  sera 
pendu  et  étranglé,  etc. 


PROCES    CRIMINEL    DE    PIERRE   GAUTIER 
DIT  BARAT 

ACCUSÉ   DE  BESTIALITÉ  AVEC   UNE   BREBIS 
30  juin  1606. 


Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  criminel 
fait  à  la  poursuite  et  diligence  du  procureur  gênerai 
du  Roy  au  Baillage  et  sénéchaussée  de  Riom,  païs 
d'Auvergne,  demandeur  et  accusateur,  à  rencontre- 
de  Pierre  Gautier,  dit  Barat,  deffendeur  et  accusé 
d'avoir  connu  detestablement  et  contre  nature  une 
brebis  noire  ;  le  proces-verbal  fait  par  devant  le 
juge  senechal  de  laditte  ville  de  Riom,  le  mardy 
vingt  huitième  jour  du  mois  d'avril  mil  six  cent 
six,  par  les  nommez  Pierre  Legeret,  exempt  et 
chef  de  la  Brigade  de  la  Maréchaussée  de  cette 
ville,  Barthélémy  Didier,  Joseph  Ignace  La  Fleur, 
Bernard  L'Abbé  du  Timont,  et  Alexis  Flamand, 
Cavaliers  de  laditte  Brigade  ;  l'interrogatoire  fait 
par  ledit  senechal  de  Riom  ledit  jour  vingt  huitième 
avril  audit  Pierre  Gautier,  dit  Barat,  et  les  déné- 
gations dudit  accusé  ;  les  dépositions,  témoignages, 
charges  et  informations  faites  le  samedy  deuxième 
jour  de  May  en  présence  dudit  senechal  par  les 


X 


110  LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


nommez  Melchior  Gaspard  Du  Trollet,  Ecuyer, 
Seigneur  de  Raniere,  Conseiller  du  Roy  et  Prési- 
dent des  Trésoriers  du  Bureau  des  Finances  en 
cette  ville  de  Riom,  René  Du  Manoir,  Ecuyer, 
Conseiller  du  Roy,  Notaire  et  garde  notte  royal  en 
laditte  ville,  Pierre  Jacques  Mautrey,  marchand  de 
vin  audit  lieu,  et  Jean  Joseph  de  La  Maripaudiere, 
commis  et  intéressé  dans  les  affaires  du  Roy,  les- 
dits  témoignages  et  déclarations  signées  ;  autre 
procès  verbal  contenant  les  dépositions,  témoi- 
gnages, charges  informations  et  dépositions  [sic) 
faites  pardevant  ledit  juge  par  Lancelot  Dupradel, 
Bourgeois  et  habitant  de  laditte  ville  de  Riom, 
Michelle  Françoise  Des  Portes,  veuve  de  Toussaint 
Bellemontée,  Ecuyer,  Conseiller  du  Roy  maison 
couronne  de  France  et  de  ses  finances  ;  Barbe  Les- 
cot,  femme  d'Adrien  Gentillet,  marchand  de  Bled, 
habitant  à  Clermont,  lesdits  témoignages  et  infor- 
mations faites  le  mardy  cinquième  dudit  mois  de 
May  ;  L'interrogatoire  fait  par  le  dit  juge  le  lundy 
onzième  jour  de  may,  audit  Pierre  Gautier,  dit 
Barat,  lequel  a  déclaré  être  un  des  commis  de  Mon- 
sieur l'Intendant  en  ce  païs  et  Comté  d'Auvergne, 
avec  les  detfenses  et  allégations  dudit  Pierre  Barat; 
autre  interrogatoire  fait  le  samedy  seizième  jour 
dudit  mois  de  May,  audit  Pierre  Gautier,  dit  Barat, 
soy  disant  Commis  de  Monsieur  l'Intendant  de  jus- 
tice, police  et  finances  en  cedit  païs  de  Riom,  Comté 
d'Auvergne  ;  la  requête  verbale  faite  ledit  jour  sei- 


PIERRE   GAUTIER,    DIT   BARAT  III 


zieme  May  par  ledit  Pierre  Gauthier,  dit  Barat, 
tendante  à  ce  qu'il  soit  visité,  ainsi  que  laditte 
Brebis  ;  la  sentence  rendue  par  le  senechal  de 
Riom,  par  laquelle  les  nommez  Pierre  Puget,  Chi- 
rurgien de  cette  ville  de  Riom,  et  Thomas  Hillaire 
Barbeville,  aussi  chirurgien  juré  audit  lieu,  sont 
nommez  et  commis  pour  procéder  Mercredy  on- 
zième jour  de  May  à  l'information  et  état  du  corps 
dudit  Pierre  Gautier,  dit  Barat,  soy  disant  impuis- 
sant et  inhabile  à  pouvoir  connoitre  la  Brebis  qu'il 
est  accusé  d'avoir  connu  charnellement  et  contre 
nature,  laditte  sentence  rendue  le  lundy  dix  hui- 
tième jour  dudit  mois  de  May  ;  le  procès  verbal  con- 
tenant la  visite  et  examen  fait  par  les  nommez 
Pierre  Puget  et  Thomas  Hillaire  Barbeville,  Chi- 
rurgiens jurez,  lesquels,  procedans  ledit  jour  ving- 
tième May,  à  la  visite  et  état  du  corps  dudit  Pierre 
Gautier,  dit  Barat,  ont  déclaré  que  vu  ledit  Pierre 
Gautier,  dit  Barat,  ledit  Pierre  Gautier,  dit  Barat, 
avoit  bien  pu  connoitre  charnellement  laditte  Bre- 
bis, mais  non  engendrer,  pourquoy  ont  déclaré  les- 
dits  experts  que  ledit  Pierre  Gautier,  dit  Barat, 
pouvoit  connoitre  charnellement  seulement  mais 
non  engendrer  ;  la  confrontation  dudit  Pierre  Gau- 
tier, dit  Barat,  faite  le  samedy  vingt  troisième  jour 
de  May,  en  présence  dudit  juge  senechal  de  Riom, 
des  témoins  et  des  deux  chirurgiens  jurez  ;  l'aveu 
fait  ledit  jour  vingt  troisième  May  par  ledit  Pierre 
Gautier,  dit  Barat,  qu'il  avoue  et  confesse  avoir 


112  LES   PROCES   DE   BESTIALITÉ 


malheureusement  et  detestablement  habité  et  connu 
charnellement  une  Brebis  ;  la  sentence  rendue  le 
samedy  trentième  jour  dudit  mois  de  May  par  le 
senechal  de  laditte  Ville  de  Riom  ou  son  Lieutenant 
criminel  audit  siège,  par  laquelle  ledit  Pierre  Gau- 
tier, dit  Barat,  est  condamné  pour  crime  de  sodo- 
mie et  habitation  charnelle  et  détestable  avec  une 
brebis,  à  être  attaché  à  un  poteau  planté  dans  la 
grande  place  et  marché  de  Riom,  et  là  à  être  brûlé 
vif,  ses  cendres  jettées  au  vent,  tous  et  chacun  ses 
biens  confisqués  ;  l'appel  interjette  de  laditte  sen- 
tence ledit  jour  trentième  jour  de  May  par  ledit 
Pierre  Gautier,  dit  Barat  ;  l'interrogatoire  fait  audit 
Pierre  Gautier,  dit  Barat,  parle  Conseiller  commis- 
saire rapporteur  de  la  Cour,  le  lundy  quinzième 
jour  du  présent  mois  de  Juin  :  La  Cour  a  mis  et 
met  à  néant  l'appel  interjette  par  Pierre  Gautier, 
dit  Barat,  déclare  ledit  Pierre  Gautier,  dit  Barat, 
bien  et  duement  atteint  et  convaincu  d'avoir  com- 
mis crime  de  sodomie  et  d'habitation  et  copulation 
charnelle,  détestable  et  contre  nature  avec  une 
Brebis,  ordonne  que  laditte  sentence  sera  exécutée  ; 
en  conséquence,  ordonne  que  ledit  Pierre  Gautier, 
dit  Barat,  sera  pendu  et  étranglé  à  une  potence  qui 
sera  pour  cet  effet  plantée  dans  le  marché  et  place 
de  laditte  ville  de  Riom,  quoy  fait  son  corps  jette, 
avec  celuy  de  laditte  brebis  préalablement  étranglée, 
à  la  voirie,  et  pour  l'éxecution  du  présent  arrêt 
renvoyé  la  Cour  ledit  Pierre  Gautier,  dit  Barat,  pri- 


DIT  BARAT  II3 


sonnier  pardevers  ledit  Lieutenant  Criminel  dudit 
siège  de  laditte  ville  de  Riom.  Déclare  en  outre  la- 
ditte  Cour  tous  et  un  chacun  les  biens  appartenans 
audit  Pierre  Gautier,  dit  Barat,  acquis  et  confisqués 
au  profit  de  sa  Majesté,  sur  lesquels  néanmoins  sera 
prélevée  la  somme  de  deux  cents  livres  d'amende 
au  profit  dudit  seigneur  Roy.  Fait  en  Parlement 
Mardy  trentième  jour  du  mois  de  Juin,  l'an  de 
grâce  mil  six  cent  six,  et  du  règne  de  Sa  Majesté 
le  dix  septième. 


PROCÈS  CRIMINEL  DE  JEAN  SARDON 

ACCUSÉ  d'avoir  commis  bestialité  avec  une  vache 

6  juin  1606. 


L'an  mil  six  cent  six,  le  lundy  premier  jour  du 
mois  de  juin,  fut  amené  en  présence  de  nous,  Bailly 
de  Chasteau  Regnault,  un  quidam  vêtu  de  toille  à 
carreaux  gris  et  blancs,  accusé  d'avoir  eu  copula- 
tion et  habitation  charnelle  avec  une  vache,  et  con- 
duit le  jour  d'hier  en  prison  pour  ledit  délit  par  luy 
commis,  lequel  quidam  nous  aurions  interrogé  en 
la  manière  et  forme  qui  s'ensuit  : 

Interrogé  quel  nom  il  avoit,  a  repondu  être 
nommé  et  appelle  Jean  Sardon. 

Interrogé  de  quel  païs  il  etoit,  a  repondu  qu'il 
etoit  né  natif  du  Pont  de  Ce,  diocèse  d'Angers. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
vingt  sept  ans  et  demy,  étant  né  le  6  janvier  1579. 

Interrogé  s'il  avoit  coutume  et  habitude  de  con- 
noitre  charnellement  les  betes  brutes,  a  repondu 
que  non,  et  que  c'etoit  pour  la  première  fois  que  ce 
malheur  luy  etoit  arrivé,  dont  il  requeroit  pardon 
à  Dieu,  au  Roy,  à  nous  et  à  la  justice  et  nous  prioit 
de  luy  faire  grâce  ;  à  quoy  nous  avons  repondu  que 
cette  grâce  ne  dépendant  pas  de  nous,  tout  ce  que 


JEAN   SARDON  II5 


nous  pouvions  faire  en  sa  faveur  etoit  de  le  juger 
suivant  l'ordonnance,  et  ensuite  de  le  renvoyer 
au  Parlement  de  Paris,  qui  feroit  ce  qu'il  jugeroit 
à  propos,  et  auprès  desquels  juges  il  devoit  solli- 
citer sa  grâce  ;  après  quoy  ledit  Jean  Sardon  s'étant 
pris  à  pleurer,  nous  lui  aurions  dit  qu'il  devait  com- 
mencer par  demander  pardon  à  Dieu,  qu'il  avait  si 
horriblement  offensé,  et  qui  etoit  cependant  celuy 
auprès  de  qui  il  obtiendroit  le  plutôt  sa  grâce,  s'il 
avoit  un  sincère  repentir. 

Apres  lesquelles  demandes  et  interrogatoires, 
nous  avons  ordonné  que  ledit  Jean  Sardon  fut  recon- 
duit en  prison. 


Cejourd'huy  mercredy  troisième  jour  du  mois  de 
juin  1606  sont  comparus  pardevant  nous  Ambroise 
d'Outremer,  Licencié  es  Loix,  Bailly  de  Chasteau 
Regnault,  les  témoins  cy  après  nommez,  auquels 
après  avoir  fait  prêter  serment  de  dire  et  déclarer 
la  pure  et  simple  vérité,  nous  avons  fait  les  de- 
mandes et  interrogatoires  qui  s'ensuivent  : 

Le  premier,  nommé  Augustin  Brouillard,  mar- 
chand épicier  et  chandelier,  nous  a  déclaré  que 
dimanche  dernier,  trente  et  unième  jour  du  mois 
de  May  passé,  sur  les  neuf  heures  et  demie  du 
matin,  en  sortant  de  l'Eglise  où  il  venoit  d'entendre 
la  S'^  Messe,  il  auroit  apperçu  un  quidam  vêtu  de* 


Il6  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


toille  à  carreaux  gris  et  blancs,  avec  un  bonnet  de 
laine  rouge,  lequel  quidam  il  auroit  trouvé  accou- 
plé et  en  copulation  actuelle  et  charnelle  avec  une 
vache,  tout  auprès  de  laditte  Eglise  ;  que  sur  cela 
il  auroit  été  audit  quidam  pour  l'empêcher  de  con- 
tinuer laditte  corpulation,  et  qu'en  même  tems  plu- 
sieurs personnes  se  seroient  ameutées. 

Le  second  témoin,  qui  a  dit  être  appelle  Georges 
Thomasseau,  taillandier,  a  déclaré  que  ledit  jour 
de  dimanche  dernier,  en  allant  à  l'Eglise  pour  y 
entendre  la  sainte  Messe,  et  appercevant  plusieurs 
personnes  qui  parloient  haut  à  coté  de  laditte 
Eglise,  il  se  seroit  approché  et  auroit  vu  un  quidam 
vêtu  de  toille  à  carreaux  accouplé  et  en  copulation 
détestable  et  contre  nature  avec  une  vache  blanche 
et  rousse,  ce  qui  l'auroit  engagé  à  réprimander  fort 
ledit  quidam,  et  à  dire  tout  haut  qu'il  falloit 
envoyer  chercher  la  justice  pour  châtier  un  crime 
si  énorme;  surquoy  se  seroit  approché  le  nommé 
Du  Barteau,  chef  de  la  Brigade,  assisté  de  quatre 
Cavaliers  de  sa  brigade,  entre  les  mains  desquels 
ledit  quidam  auroit  été  remis. 

Le  troisième  témoin,  qui  a  déclaré  être  nommé 
Rolland  Le  Nain,  vigneron,  a  dit  que  le  dimanche 
dernier,  étant  à  l'Eglise  sur  les  neuf  heures  et 
demie  du  matin,  et  entendant  du  bruit  dans  la  rue, 
il  etoit  sorty  et  avoit  apperçu  un  quidam  étant  dans 
une  posture  malhonnête,  et  plusieurs  personnes 
autour  de  luy,  et  qu'ayant  demandé  ce  que  c'etoit. 


JEAN   SARDON  II7 


un  de  la  compagnie  luy  avoit  repondu  qu'on  venoit 
de  surprendre  ledit  quidam  en  copulation  charnelle 
et  contre  nature  avec  la  vache  blanche  tachettée  de 
roux  qu'il  voyoit  aussy  auprès  de  luy,  et  qu'un 
autre  de  la  même  compagnie  ayant  ensuite  appelle 
le  nommé  Du  Barteau,  chef  de  Brigade,  il  avoit  fait 
prendre  et  constituer  prisonnier  ledit  quidam. 

Le  quatrième  témoin,  qui  a  dit  être  nommée 
Catherine  Rouget,  a  déclaré  que  dimanche  dernier, 
en  allant  à  l'Eglise  sur  les  dix  heures  du  matin 
ou  environ,  elle  avoit  apperçu  auprès  de  laditte 
Eglise  un  quidam  vêtu  de  toille  grise  et  blanche-, 
avec  un  bonnet  rouge,  lequel  quidam  etoit  accouplé 
avec  une  vache  blanche  et  rousse  ;  que  sur  le  cri 
qu'elle  fit  alors  plusieurs  personnes  se  seroient 
amassées,  tant  qu'enfin  ledit  quidam  avoit  été 
remis  entre  les  mains  du  nommé  Du  Barteau,  pour 
le  conduire  en  prison. 

Le  cinquième  témoin,  appellée  Gillette  Harang, 
a  déclaré  les  mêmes  choses  que  le  précèdent  témoin^ 
Catherine  Rouget. 

Le  sixième  témoin,  appelle  Marc  Antoine  Han- 
gard,  a  déclaré  les  mêmes  choses  que  le  3*"  témoin 
cydessus  appelle  Rolland  Le  Nain,  vigneron. 

Le  septième  témoin  a  dit  être  appellée  Margue- 
rite Plumet,  veuve  de  Pierre  Moron,  et  a  déclaré 
les  mêmes  choses  que  les  troisième  et  sixième 
témoins  cydessus  appeliez. 

Le  huitième  témoin  a  dit  être  appelle  Jean  Bap- 


Il8  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


liste  Michel  Ange  Boileau,  compagnon  serrurier, 
a  déclaré  et  affirmé  les  mêmes  choses  que  le  pre- 
mier témoin  susnommé,  appelé  Augustin  Brouil- 
lard. 

Apres  lesquelles  demandes  et  interrogatoires 
lesdits  témoins  ont  déclaré  et  affirmé  qu'ils  persis- 
toient  en  leurs  dépositions,  témoignages  et  décla- 
rations cydessus,  après  quoy  se  sont  retirez. 


Cejourd'huy  samedy  sixième  jour  du  mois  de 
juin,  fut  amené  et  conduit  en  présence  de  nous 
Bailly  de  Château  Regnault,  le  nommé  Jean  Sar- 
don,  accusé  d'avoir  eu  copulation  charnelle  et 
contre  nature  avec  une  vache,  en  présence  duquel 
a  été  fait  lecture  tant  du  procès-verbal  et  interroga- 
toire prêté  par  luy  accusé,  que  des  dépositions, 
témoignages,  charges  et  déclaration  faites  parde- 
vant  nous. 

Ensuite  dequoy  sont  comparus  devant  nous  les 
nommez  Simon  Du  Barteau,  chef  de  la  Brigade  de 
ce  Bourg  et  des  environs,  Mathieu  Brisebarre, 
Jean  Joseph  Simon  Bethaney,  Grégoire  Le  Fort, 
Hugues  François  Labbé,  cavaliers  de  laditte  Bri- 
gade, lesquels  après  le  serment  par  eux  fait  de  nous 
dire  pure  et  entière  vérité,  ont  déclaré  que  di- 
manche dernier  sur  les  neuf  à  dix  heures  du  matin, 


JEAN  SARDON  II9 


il  avoient  entendu  beaucoup  de  bruit  vers  l'Eglise 
de  ce  lieu,  et  qu'y  étant  accourus,  ils  avoient 
trouvé  un  grand  nombre  d'hommes  et  de  femmes, 
qui  tous  leur  avoient  dit  et  affirmé  qu'ils  venoient 
de  trouver  un  quidam  qu'ils  leur  montrèrent,  vêtu 
de  toile  à  carreaux  gris  et  blancs,  avec  un  bonnet 
rouge,  accouplé  et  en  copulation  charnelle,  détes- 
table et  contre  nature,  avec  une  vache  blanche 
tachettée  de  taches  rousses,  qui  leur  fut  aussi  mon- 
trée, pourquoy  requeroient  lesdits  hommes  et 
femmes  que  ledit  quidam  fut  par  eux  pris  et  con- 
duit devant  nous,  pour  être  jugé  selon  ses  crimes, 
en  conscience  de  quoy  ils  auroient  amené  ledit 
quidam,  que  nous  n'aurions  pu  interroger  ledit  jour 
de  dimanche,  pourquoy  nous  l'aurions  renvoyé  en 
prison  jusqu'au  lendemain. 

Apres  quoy  ledit  Jean  Sardon,  en  présence  des 
susdits,  se  seroit  mis  à  genoux  et  nous  auroit  requis 
humblement  de  luy  pardonner,  attendu  que  c'etoit 
la  première  fois  que  ce  malheur  luy  etoit  arrivé,  et 
qu'il  nous  protestoit  qu'il  n'y  vouloit  plus  retom- 
ber ;  pourquoy  nous  Bailly  susdit  luy  aurions  répli- 
qué comme  cydevant  qu'il  nous  etoit  impossible  de 
luy  accorder  sa  demande,  attendu  que  nous  ne  pou- 
vions nous  dispenser  d'exécuter  les  loix  qui  seules 
le  condamnoient,  après  quoy  nous  avons  fait  recon- 
duire ledit  Jean  Sardon,  prisonnier  es  prison  de  ce 
lieu. 


I20  LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


Nous,  Ambroise  d'Outremer,  Licencié  es  Loix, 
Bailly  de  Château  Regnault,  avons  déclaré  et  décla- 
rons ledit  Jean  Sardon  atteint  et  convaincu  d'avoir 
eu  habitation  charnelle,  détestable  et  contre  nature, 
avec  une  vache  blanche  tachettée  de  roux,  pour 
réparation  desquels  crimes  et  cas  énormes,  l'avons 
condamné  à  faire  amande  honorable  la  torche  au 
poing  'du  poids  de  deux  livres  devant  l'Eglise  de 
Chasteau  Regnault,  et  ensuite  attaché  à  un  poteau 
qui  pour  cet  effet  sera  planté  dans  la  place  devant 
laditte  Eglise  de  Château  Regnault,  et  là  brûlé  vif, 
ensemble  la  vache  préalablement  étranglée,  quoy 
fait  leurs  cendres  jettées  au  vent  ;  déclarons  en 
outre  tous  et  chacun  les  ^biens  'appartenans  audit 
Jean  Sardon  acquis  et  confisqués  au  profit  de  qui  il 
appartiendra.  Donné  à  Château  Regnault,  par  nous 
Bailly  susdit,  le  lundy  quinzième  jour  du  mois  de 
juin  Tan  de  grâce  mil  six  cent  six. 


La  Cour  ordonne  que  laditte  sentence  sera  exé- 
cutée, et  en  conséquence  que  ledit  Jean  Sardon  sera 
conduit  dans  un  tombereau  avec  la  torche  au  poing 


JEAN   SARDON  121 


du  poids  de  deux  livres  de  cire  jaune,  jusqu'au 
devant  de  la  principale  porte  de  l'Eglise  de  Chas- 
teau  Regnault,  et  là  fera  amende  honorable  que 
méchamment  et  abominablement  il  a  commis  ledit 
délit,  quoy  fait  sera  ledit  Jean  Sardon  pendu  et 
étranglé  à  une  potence  qui  sera  pour  cet  effet  dres- 
sée dans  la  grande  place  voisine  de  laditte  Eglise, 
et  ensuite  son  corps  jette  avec  celuy  de  laditte 
vache  blanche  tachettée  de  roux,  préalablement 
étranglée,  dans  un  feu  allumé  auprès  de  laditte 
potence;  quoy  fait  leurs  cendres  jettées  et  semées 
au  vent...  (le  reste  sans  changement).  Fait  à  Paris 
en  Parlement  ce  sixième  jour  de  juillet,  l'an  de 
grâce  mil  six  cent  six. 


PROCES    CRIMINEL    DE    DIDIER    NOTEE 

ACCUSÉ  DU  CRIME  DE  BESTIALITÉ  AVEC  UNE  JUMENT 
12  aoust  1606. 


Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  crimi- 
nel fait  pardevant  le  Prévôt  de  Coissy-le-Chastel,  à 
la  poursuite  et  diligence  du  substitut  du  procureur 
gênerai  du  Roy  audit  siège,  demandeur  et  accusa- 
teur, à  rencontre  de  Didier  Notel,  garçon  maréchal, 
natif  et  habitant  audit  lieu,  deffendeur  et  accusé 
d'avoir  eu  habitation  charnelle  et  sodomitique 
avec  une  jument  ; 

Le  procès-verbal  et  emprisonnement  dudit  Didier 
Notel  fait  le  samedi  quatrième  jour  de  juillet  der- 
nier, par  les  nommez  Pierre  Gensivoire,  Exempt 
du  Prevot  des  Mareschaux  de  France  assisté  et 
accompagné  de  Robert  François  Le  Frère  de  Laval, 
Jean  Armand  Théodore  Brettanville ,  Mathieu 
Guillaume  de  Poussemotte,  et  André  Maquere,  les- 
quels ont  amené  et  conduit  ledit  Didier  Notel, 
par  ordre  dudit  Prévôt  de  Coissy-le-Chastel,  es 
prisons  de  ce  lieu  ; 

L'interrogatoire  fait  audit  Didier  Notel  par  ledit 
Prévôt  le  lundy  sixième  jour  dudit  mois  de  juillet, 
et  les  dénégations   dudit   accusé,   lequel    prétend 


DIDIER  NOTEL  123 


dommages  et  interests  contre  qui  il  appartien- 
dra; 

Les  dépositions,  témoignages  et  charges  et  décla- 
ration faites  pardevant  le  susdit  Prévost,  le  mer- 
credy  huitième  dudit  mois  de  juillet,  par  les  nom- 
mez André  Baratel,  vigneron,  habitant  à  Coissy- 
le-Chastel;  Marie  Anne  Le  Maistre  Desprez,  femme 
de  Thierry  Vallere  de  Blomelle,  fermier  de  la  ferme 
de  Lavaux,  proche  de  Coissy-le-Chastel,  apparte- 
nante au  sieur  de  Tremblaye  ;  Marguerite  La  Mor- 
tellière,  veuve  de  Nicolas  Le  Blond,  marchand  et 
facteur  de  bois  audit  lieu  de  Coissy-le-Chastel;  et 
Pierre  Coulongne  de  Trevenan,  concierge  de  la 
prison  dudit  lieu  de  Coissy-le-Chastel  ;  lesquels 
témoins  susnommez,  après  avoir  fait  serment  de 
dire  pure  et  entière  vérité,  ont  déclaré  qu'ils 
avoient  trouvé  ledit  Didier  Notel,  le  vendredy  troi- 
sième jour  dudit  mois  de  juillet  dernier  accouplé 
et  en  habitation  charnelle  et  contre  nature  avec  une 
jument  isabelle  ; 

L'interrogatoire  fait  audit  Didier  Notel  par  ledit 
Prévost  de  Coissy-le-Chastel  le  vendredy  dixième 
jour  dudit  mois,  et  la  confrontation  dudit  accusé 
avec  lesdits  André  Baratel,  Marie  Anne  Desprez, 
Marguerite  de  La  Mortelliere  et  Pierre  Coulongne 
de  Trevan,  lequel  accusé  a  persisté  dans  ses  déné- 
gations et  lesdits  témoins  en  leurs  dépositions  et 
témoignages  ; 

La  requête  présentée  audit  Prévost  de  Coissy-le- 


124  LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


Chastel,  le  samedy  dix-huitieme  jour  dudit  mois 
de  Juillet,  par  laquelle  Jullien  Etienne  Dubois, 
laboureur  et  habitant  audit  lieu  de  Coissy-le-Chas- 
tel,  en  se  déclarant  propriétaire  de  la  jument  cou- 
leur Isabelle  avec  laquelle  ledit  Didier  Notel  est 
accusé  d'avoir  eu  habitation  charnelle,  a  requis,  en 
cas  que  ledit  Notel  fut  déclaré  criminel  et  con- 
vaincu d'avoir  commis  le  délit  mentionné  au  pré- 
sent procès,  que  sur  les  biens  dudit  accusé  seroit 
prise  et  prélevée  la  somme  à  laquelle  se  trouveroit 
monter  le  prix  de  laditte  jument  couleur  Isabelle, 
suivant  l'estimation  et  arbitrage  des  experts  qu'il 
supplioit  de  nommer  en  ce  cas  à  cet  effet  ; 

La  sentence  rendue  le  vingtième  dudit  mois  par 
le  Prévôt  de  Coissy  le-Chastel,  sur  la  requête  pré- 
sentée par  Jullien  Etienne  Dubois,  laboureur,  le 
samedy  dix  huit  dudit  mois  ;  laquelle  sentence 
ordonne  que  Thomas  Girard,  maréchal,  et  Simon 
Jordannis  procéderont  à  la  prisée  et  estimation:  de 
la  jument  couleur  Isabelle  mentionnée  au  présent 
procès. 

Le  rapport  fait  par  lesdits  Thomas  Girard  et 
Simon  Jordannis,  par  lequel  ils  certifient  que 
laditte  jument  couleur  isabelle  ne  peut  être  estimée 
et  prisée  que  quarante  cinq  livres,  attendu  qu'elle 
a  un  œil  dont  elle  ne  voit  point,  et  qu'elle  paroit 
être  sujette  aux  eaux;  ledit  rapport  fait  le  vingt 
unième  jour  dudit  mois  : 

La  requête  présentée  le  mercredy  vingt  deuxième 


DIDIER   NOTEL  125 


dudit  mois,  par  le  susdit  Jullien  Etienne  Dubois, 
par  laquelle  il  demande  à  être  receu  opposant  au 
rapport  fait  par  lesdits  Thomas  Girard  et  Simon 
Jordannis,  attendu  que  laditte  jument  couleur  isa- 
belle,  quoique  n'ayant  qu'un  œil  etoit  fort  en  état 
de  service,  et  qu'il  est  faux  qu'elle  puisse  être  sujette 
aux  eaux;  partant,  requeroit  ledit  Dubois  qu'il  fut 
nommé  d'autres  experts  pour  faire  une  nouvelle  pri- 
sée et  estimation  de  laditte  jument  couleur  isabelle  ; 

La  sentence  rendue  par  ledit  Prevot  de  Coissy-le- 
Chastel,  le  vendredy  vingt  quatrième  jour  dudit 
mois  de  juillet,  sur  les  conclusions  du  substitut  du 
Procureur  gênerai  du  Roy,  par  laquelle  ledit  Di- 
dier Notel  est  condamné  à  être  brûlé  vif;  le  rap- 
port des  experts  fait  le  vingt  unième  jour  dudit 
mois  de  juillet  approuvé  et  ledit  Dubois  deboutté 
de  sa  requête  en  datte  du  vingt  deuxième  dudit  ; 

L'acte  d'appel  interjette  ledit  jour  vingt  quatrième 
juillet  au  nom  dudit  Didier  Notel,  par  ledit  substi- 
tut dudit  procureur  gênerai  du  Ro)^  ; 

Autre  appel  interjette  contre  ladite  sentence  par 
Jullien  Etienne  Dubois  le  mercredy  vingt  neuf 
dudit  mois  de  juillet  ; 

Vues  aussi  les  conclusions  du  procureur  gênerai 
du  Roy,  et  tout  considéré  ; 

La  Cour,  faisant  droit  sur  le  tout,  a  mis  et  met  à 
néant  l'appel  interjette  au  npm  de  Didier  Notel  ; 
déclare  ledit  Didier  Notel  bien  et  duement  con- 
vaincu  d'avoir  plusieurs  et   souventes  fois  habité 


126  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


charnellement  et  contre  nature  avec  une  jument 
couleur  Isabelle  ;  ordonne  que  la  sentence  dont  est 
appel  sera  exécutée  en  ce  qui  concerne  seulement 
ledit  Didier  Notel,  et,  en  conséquence,  ordonne  que 
ledit  Didier  Notel  sera  pendu  et  étranglé  à  une 
potence,  à  laquelle  sera  aussi  étranglée  laditte 
jument  couleur  Isabelle  ;  quoy  fait  leurs  corps  jettes 
dans  un  feu  qui  sera  pour  cet  effet  allumé  auprès  de 
laditte  potence  dans  la  grande  place  et  marché  de 
Côissy-le-Chastel,  et  leurs  cendres  mêlées  ensemble 
jettées  au  vent  ;  déclare  tous  et  un  chacun  les  biens 
appartenans  audit  Didier  Notel  acquis  et  confis- 
qués au  profit  de  qui  il  appartiendra,  sur  lesquels 
néanmoins  sera  prélevée  la  somme  de  dix  livres 
d'amende  envers  qui  il  appartiendra,  et  celle  de 
quatre  vingt  dix  livres  à  laquelle  s'est  montée 
l'achapt  de  ladite  jument  Isabelle,  fait  par  ledit 
Etienne  Dubois  le  neuf  avril  dernier,  laquelle 
somme  de  quatre  vingt  dix  livres  sera  remise  audit 
Dubois  aussitôt  qu'il  aura  fait  apparoître  audit  Pré- 
vôt de  Coissy-le-Chastel  le  marché  et  advis  fait  par 
ledit  Dubois  et  le  nommé  André  Sarriette  le  neuf 
avril  dernier,  laquelle  représentation  ledit  Dubois 
sera  tenu  de  faire  audit  Prévôt  le  jour  même  que  le 
présent  arrest  luy  sera  signiffié,  à  faute  de  quoy 
déclare  laditte  Cour  l'appel  par  luy  interjette  à 
laditte  sentence  du  vingt  quatre  juillet  nul  et  mis  à 
néant.  Fait  à  Paris  en  Parlement  ce  douzième  jour 
du  mois  d'aoust,  l'an  de  grâce  mil  six  cent  six. 


PROCÈS  CRIMINEL  DE  JEAN  POIGNON 

ACCUSÉ  d'avoir  eu  HABITATION  CHARNELLE 
AVEC   UNE  JUMENT 

30  octobre  1607. 


L'an  mil  six  cent  sept,  le  lundy  deuxième  jour  du 
mois  d'aoust,  fut  amené  en  présence  de  nous  Fran- 
çois Etienne  Dnbourg,  Licencié  es  Loix,  Bailly  de 
Boursault,  un  quidam  vêtu  de  drap  rouge,  conduit 
par  les  nommez  Pierre  d'Apremont,  chef  de  Bri- 
gade de  Nosseigneurs  les  Maréchaux  de  France, 
Trajan  Dumoulin,  Michel  Jean  Timonville,  Re- 
gnault  de  la  Tarpondière,  et  Marie  Jacques  Le 
Noir,  cavalliers  de  laditte  Brigade,  lesquels  ont 
déclaré  que  cejourd'huy  huit  heures  du  matin,  en 
passant  sur  le  chemin  qui  va  de  Boursault  à  Chailly 
ils  avoient  trouvé  ledit  quidam  entouré  de  plu- 
sieurs particuliers  de  l'un  et  l'autre  sexe,  lesquels 
particuliers  leur  avoient  dit  qu'ils  venoient  de  sur- 
prendre ledit  quidam  en  copulation  charnelle,  bes- 
tiale et  contre  nature  avec  ime  jument,  pour  quoy 
requeroient  qii'ils  l'emmenassent  prisonnier  par 
devers  nous  j  surquoy  eux  susdits  chef  de  Brigade 
et  Cavalliers  de  Nosseigneurs  les  Maréchaux   de 


128  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


France,  auroient  pris  et  saisy  ledit  quidam,  et  en 
même  tems  auroient  ordonné  auxdits  particuliers 
de  les  suivre  vers  nous. 

Ensuite  de  quoy  avons  interrogé  ledit  quidam 
accusé,  en  la  manière  et  forme  qui  suit. 

Interrogé  quel  nom  il  avoit,  a  repondu  être 
appelle  Jean  Poignon. 

Interrogé  quelle  etoit  sa  profession  et  vacation,  a 
repondu  qu'il  etoit  chartier  au  service  de  Guérin 
Bousquin,  laboureur  à  Boursault. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
trente  neuf  ans. 

Interrogé  si  la  jument  avec  laquelle  il  est  accusé 
d'avoir  eu  habitation  est  à  luy,  ou  audit  Guerin 
Bousquin,  laboureur,  a  repondu  qu'elle  appartenoit 
audit  Guerin  Bousquin. 

Interrogé  s'il  y  avoit  longtemps  qu'il  etoit  au  ser- 
vice dudit  laboureur,  a  repondu  qu'il  y  avoit  six 
mois. 

Apres  lesquelles  interrogatoires,  nous,  juge  sus- 
dit, avons  interrogé  les  particuliers  suivant,  après 
leur  avoir  fait  prêter  serment  de  dire  pure  et  simple 
vérité,  lesquels  particuliers  ont  dit  être  appeliez 
Jacques  Minerve,  tisseran,  Alexandre  Filloque, 
boulanger,  Marie  Anne  Dupuy,  femme  de  Laurent 
Turgolissen,  suisse  de  nation,  Benjamin  Lombestat, 
commis  intéressé  dans  les  affaires  du  Roy,  Remy 
Angliverne,  languelleur  de  cochons,  Josse  Durand, 
laboureur,  et  Guerin  Bousquin,  aussy  laboureur,  et 


JEAN   POIGNON  129 


ont  déclaré  que  cejourd'huy  sur  les  sept  heures  du 
matin  ils  avoient  surpris  ledit  accusé  appelle  Jean 
Poignon  sur  le  grand  chemin  de  Boursault  à  Chailly 
en  copulation  charnelle  avec  une  jument  noire,  der- 
rière une  haye,  que  sur  cela  ils  avoient  appelle  la 
Maréchaussée  pour  emmener  ledit  quidam.  Apres 
lesquelles  demandes  et  interrogatoires  lesdits  té- 
moins se  sont  retirez  et  avons  renvoyé  ledit  accusé 
en  prison. 


Nous,  François  Etienne  Dubourg,  Licencié  es 
Loix  et  Bailly  de  Boursault,  avons  déclaré  ledit 
Jean  Poignon  duement  atteint  et  convaincu  d'avoir 
habité  et  connu  charnellement  une  jument  noire 
mentionnée  au  présent  procès,  et  pris  en  commet- 
tant ledit  délit  et  crime  énorme  ;  pour  raison  dequoy 
et  réparation  desquels  cas,  ordonnons  que  ledit 
Jean  Poignon  sera  pendu  et  étranglé  à  une  potence 
qui  sera  pour  cet  effet  plantée  sur  le  grand  chemin 
de  Boursault  à  Chailly,  quoy  fait  son  corps,  et 
celuy  de  laditte  jument  préalablement  étranglée, 
brûlés  et  leurs  cendres  jettées  au  vent  ;  déclarons  en 
outre  tous  les  biens  dudit  Jean  Poignon  confisqués 
au  profit  de  qui  il  appartiendra,  sur  lesquels  néan- 
moins sera  prélevée  la  somme  de  cent  vingt  livres, 
pour  le  prix  et  valeur  de  laditte  jument,  laquelle 
somme  de  cent  vingt  livres  sera  remise  entre  les 


130  ^  LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


mains  de  Guerin  Bousquin,  laboureur,  propriétaire 
de  laditte  jument.  Donné  par  nous  Bailly  susdit, 
cejourd'huy  samedy  trentième  jour  d'aoust  mil  six 
cent  sept. 


Sentence  confirmée  purement  et  simplement  par 
le  Parlement  de  Paris,  le  30  octobre  1607, 


PROCES  CRIMINEL  DE  ETIENNE  PASIN 

ACCUSÉ   d'avoir   eu   HABITATION    CHARNELLE 

AVEC   UNE  JUMENT 

17  juin  1609. 

L'an  mil  six  cent  neuf,  le  vendredy  deuxième  jour 
du  mois  de  may,  fut  amené  pardevant  nous,  Pierre 
de  Bruere,  Docteur  es  Loix,  Bailly  du  Duché  et 
Seigneurie  de  Montmorency,  un  quidam  vêtu  de 
toille  grise,  conduit  par  Richard  de  Beaulieu, 
exempt  et  chef  de  la  Maréchaussée,  Brigade  de 
Montmorency,  assisté  et  accompagné  de  Thomas 
Henry  Du  Luart,  Zacharie  Perdelot,  Georges  Divi- 
nemont,  et  Jean  Antoine  Duvaur,  lesquels  nous  ont 
déclaré  que  cejourd'huy  sur  l'heure  de  trois  heures 
après  midy,  en  faisant  leur  tournée  du  côté  de 
Pierre  Laye  et  de  Franconville,  ils  avoient  apperçu 
auprès  du  grand  chemin  qui  va  de  Pierre  Laye  à 
Pontoise  ledit  quidam  qu'ils  amenoient,  lequel  etoit 
descendu  de  dessus  une  jument  baye,  et  seroit  entré 
dans  des  bruyères,  où,  monté  sur  un  tronc  d'arbre, 
il  auroit  connu  charnellement  laditte  jument  ;  c'est 
pourquoy  euxdits  Exempt  et  Cavaliers  de  la  sus- 
ditte  Brigade,  Tauroient  pris  et  amené  avec  laditte 
jument.  Apres  quoy  nous  avons  ordonné  que  ledit 


132  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


quidam  seroit  conduit  en  prison,  attendu  qu'il  n'etoit 
pas  tems  ni  heure  de  pouvoir  l'interroger. 


Cejourd'huy  samedy  troisième  jour  de  may,  fut 
amené  en  présence  de  nous  Bailly  de  Montmo- 
rency, un  quidam  vêtu  de  toille  grise,  lequel  nous 
aurions  le  jour  d'hier  envoyé  en  prison,  lequel  qui- 
dam nous  aurions  interrogé  en  la  manière  et  façon 
suivante  : 

Interrogé  quel  nom  il  avoit,  a  repondu  qu'il  s'ap- 
pelloit  Etienne  Pasin. 

Interrogé  quelle  est  sa  profession  et  vacation,  a 
repondu  qu'il  etoit  domestique  du  sieur  Taillardy, 
secrétaire  du  Roy,  qui  a  une  maison  audit  village 
de  Franconville. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
cinquante  et  un  ans. 

Interrogé  à  qui  appartenoit  laditte  Cavalle,  a 
repondu  qu'elle  etoit  au  sieur  Taillardy,  son 
maître. 

Interrogé  s'il  avoit  coutume  de  co.nnoitre  char- 
nellement et  contre  nature  laditte  cavalle,  a  repondu 
que  non. 

Apres  lequel  interrogatoire  et  réponses  faites  par 
ledit  Etienne  Pasin,  l'avons  renvoyé  en  prison. 


ETIENNE   PASIN  133 


Cejourd'huy  samedy,  dixième  jour  de  may  1609, 
sont  comparus  en  notre  présence  les  témoins  cy- 
apres  nommez,  lesquels,  après  avoir  prêté  serment 
de  dire  et  déclarer  la  pure  et  entière  vérité,  ont 
déclaré  ce  qui  suit  : 

Le  premier,  qui  a  dit  être  appelle  André  Faucon- 
neau, a  déclaré  qu'il  y  avoit  près  d'un  an  qu'un  jour 
ayant  surpris  ledit  Etienne  Pasin  accouplé  charnel- 
lement avec  une  cavalle,  dans  l'écurie  de  la  maison 
du  sieur  Taillardy,  il  luy  avoit  donné  un  coup  de 
pied,  et  luy  avoit  dit  qu'il  alloit  le  déclarer  à  la 
justice  ;  surquoy  ledit  Etienne  Pasin  luy  avoit 
repondu  qu'il  le  prioit  d'excuser,  et  qu'il  ne  sçavoit 
pas  ce  qu'il  venoit  de  commettre,  et  qu'eh  fm  il  se 
garderoit  d'y  plus  jamais  retomber;  surquoy  luy 
témoin  n'avoit  pas  voulu  révéler  ledit  crime  et 
délit. 

Le  second  témoin,  appellée  Antoinette  Bordel, 
veuve  de  Pierre  Morisseau,  jardinier  dudit  lieu  de 
Francon ville,  a  déclaré  que  sçachant  la  malheureuse 
et  infâme  inclination  dudit  Etienne  Pasin,  elle  luy 
avoit  une  fois  reproché  qu'il  avoit  fait  mourir  feue 
sa  femme,  qui  etoit  sœur  de  laditte  Bordel,  à  force 
de  la  frapper,  et  que  saditte  sœur  luy  avoit  dit  plu- 
sieurs fois  que  son  mary  ne  vouloit  point  coucher 
avec  elle,  et  habitoit  charnellement  avec  une  petite 


T34  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


jument  noire  qu'il  avoit  achepté  exprès,  que  sur 
quoy  elle,  susditte  Antoinette  Bordel,  avoit  dit  à  sa 
sœur,  femme  dudit  Pasin,  qu'elle  devoit  le  déclarer 
à  la  justice  et  que  sa  conscience  même  l'y  obligeoit, 
mais  que  saditte  sœur  n'avoit  jamais  voulu  exécuter 
cette  action. 

Apres  lesquelles  demandes  et  interrogatoires  les- 
dits  tesmoins  se  sont  retirés. 


Nous,  Pierre  de  Bruere,  Docteur  es  Loix,  Bailly 
du  Duché  et  Seigneurie  de  Montmorency,  avons 
déclaré  et  déclarons  le  nommé  Etienne  Pasin  atteint 
et  convaincu  d'avoir  eu  habitation  et  copulation 
charnelle  et  habituelle  avec  une  jument  baye  men- 
tionnée au  procès  ;  pour  réparation  desquels  crimes 
et  cas  énormes  ordonnons  qu'il  sera  conduit  la 
torche  au  poing,  de  cire  jaune  du  poids  de  deux 
livres,  devant  l'église  de  Franconville,  et  là  dira  et 
déclarera  que  mechament  il  a  commis  ledit  crime 
et  délit,  dont  il  demande  pardon  à  Dieu,  au  Roy  et 
à  la  justice  ;  quoy  fait  ledit  Pasin  sera  pendu  et 
étranglé  à  une  potence  qui  sera  pour  cet  effet  dres- 
sée audit  Franconville,  sur  le  grand  chemin  qui  va 
à  Pontoise,  et  ensuite  son  corps  et  celuy  de  laditte 
jument  baye  préalablement  assommée  par  l'Exécu- 
teur de  la  haute  justice,  brûlés  et  leurs  cendres  me- 


ETIENNE   PASIN  135 


lées  ensemble  jettées  et  semées  au  vent;  déclarons 
en  outre  tous  et  chacun  les  biens  appartenant  audit 
Pasin  acquis  et  confisqués  au  profit  de  M.  le  Duc  de 
Montmorency,  seigneur  de  cette  paroisse,  sur  les- 
quels sera  néanmoins  prélevée  la  somme  de 
102  livres  à  laquelle  s'est  trouvé  monter  le  prix  et 
valeur  de  laditte  jument  baye,  laquelle  somme  de 
102  livres  sera  remise  entre  les  mains  du  sieur  Tail- 
lard}^  secrétaire  du  Roy,  propriétaire  de  laditte 
jument.  Donné  par  nous  susdit  Bailly  du  Duché  de 
Montmorency,  cejourd'huy  lundy  dix  neuf  may 
1609. 


Cette  sentence  a  été  confirmée  le  17  juin  par  le 
Parlement  de  Paris,  «  La  Cour,  cependant,  infir- 
mant laditte  sentence  en  ce  qui  concerne  l'amende 
honnorable.  » 


PROCES  CRIMINEL  DE  PIERRE  DUPIN 

ACCUSÉ  d'avoir  bestialisé  avec  une  vache 

23  aoust  1609. 

Nous,  Annibal  Louis  de  Rompuy,  Licencié  es 
Loix,  Bailly  de  La  Chapelle,  vu  le  procès  criminel 
fait  pardevant  nous  à  la  requête  et  dilligence  du 
Procureur  fiscal  de  ce  siège,  demandeur  et  accusa- 
teur, à  rencontre  de  Pierre  Dupin,  apotiquaire  de 
ce  lieu,  deffendeur  et  accusé  ; 

La  plainte  faite  en  notre  présence  le  mardy  dix 
septième  jour  de  juin  dernier,  par  Françoise  Hen- 
riette Le  Large,  femme  dudit  Pierre  Dupin,  ten- 
dante à  ce  que  ledit  Dupin  son  mary  fut  par  notre 
ordre  pris  et  appréhendé  pour  se  deffendre  du 
crime  de  bestialité  et  sodomie  détestable  dont  elle 
l'accusoit  et  offroit  de  prouver  par  témoins  bons  et 
suffîsans  ; 

Le  décret  par  nous  ordonné  le  dix  huitième  du 
même  mois  contre  ledit  Pierre  Dupin,  amené  et 
conduit  en  vertu  dudit  décret  par  le  nommé  Tous- 
saint Bellamy,  Exempt  du  Lieutenant  Criminel  de 
Robe  courte  de  la  ville  et  Prevosté  de  Paris,  assisté 
et  accompagné  de  Jacques  Huart,  Michel  Branil- 
lon.    Ponce   Regnard   et  Jean   François  Thibaud, 


PIERRE  DUPIN  137 


archers  de  la  Compagnie  dadit  sieur  Lieutenant 
Criminel  de  Robe  courte  ; 

L'interrogatoire  par  nous  fait  le  jeudy  dix  neuf 
dudit  mois  audit  Pierre  Dupin  ; 

Les  dépositions,  charges,  témoignages  et  infor- 
mations faites  par  nous  le  mercredy  vingt  cin- 
quième dudit  mois  de  juin  par  les  nommez  Cathe- 
rine Du  Trop,  femme  de  Vincent  Roger,  vigneron, 
demeurant  à  Belleville  ;  Regnault  Pinchart,  maître 
serrurier,  demeurant  à  La  Chapelle  ;  Martine  Gene- 
viève Dubois,  fille  majeure  de  Romain  Jules 
Dubois,  Maitre  tanneur,  laditte  Martine  Geneviève 
Dubois  demeurante  et  habitante  à  La  Chapelle  ; 

La  confrontation  par  nous  faite  dudit  Pierre 
Dupin,  accusé,  avec  lesdits  Regnault  Pinchard, 
Martine  Geneviève  Dubois  et  Catherine  Dutrop, 
femme  Roger,  en  datte  du  lundy  dernier  jour 
dudit  mois  de  juin  ; 

La  confrontation  dudit  accusé,  faite  le  même  jour 
avec  laditte  Françoise  Henriette  Le  Large,  sa 
femme  et  accusatrice,  ledit  accusé  persistant  en 
ses  dénégations  et  affirmations,  et  les  affirmations 
et  certifications  desdits  témoins  ; 

La  requête  à  nous  présentée  le  samedy  cinquième 
jour  du  mois  de  juillet  suivant  par  François  Joseph 
Dupin,  bourgeois  et  habitant  dudit  village  de  La 
Chapelle,  et  frère  dudit  accusé,  laditte  requête  ten- 
dante à  ce  que  sans  s'arrêter  aux  plaintes  et  accu- 
sations formées  par  laditte  Françoise  Henriette  Le 


138  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


Large,  femme  dudit  accusé,  et  aux  déclarations, 
charges  et  témoignages  desdits  Regnault  Pinchard, 
Geneviève  Dubois  et  Catherine  Dutrop,  il  soit  par 
nous  ordonné  que  ledit  Pierre  Dupin  soit  visité 
par  experts,  lesquels  reconnoitroient,  comme  il 
soutient  qu'il  est  ainsy,  que  ledit  Dupin  accusé  est 
impuissant  et  inhabile  à  pouvoir  avoir  habitation 
charnelle  et  que  par  conséquent  il  n'a  pu  com- 
mettre ledit  délit  dont  il  est  accusé,  et  en  consé- 
quence ledit  François  Joseph  Dupin  nous  supplie- 
roit  qu'au  cas  que  la  chose  se  trouve  ainsy  qu'il  le 
soutient,  et  que  ledit  Pierre  Dupin  fut  déclaré 
impuissant  et  inhabile  à  aucune  copulation  char- 
nelle, que  le  mariage  de  luy  et  de  laditte  Françoise 
Henriette  Le  Large  fut  déclaré  nul,  attendu  l'im- 
puissance dudit  Dupin,  et  en  conséquence  que  la 
nommée  Thérèse  Françoise  Dupin,  fille  prétendue 
dudit  Pierre  Dupin  et  de  laditte  Françoise  Hen- 
riette Le  Large,  fut  déclarée  bâtarde,  ladite  requête 
signée  par  ledit  François  Joseph  Dupin  ; 

La  sentence  rendue  par  nous,  le  mercredy  neu- 
vième dudit  mois  de  juillet,  sur  les  fins  de  laditte 
requête,  par  laquelle  nous  aurions  ordonné  que  les 
nommez  Pierre  Dutiroir,  Maitre  Chirurgien  juré  à 
Paris,  receu  à  saint  Come  ;  Jean  François  Paul  Le 
Noir,  aussi  Chirurgien  juré  à  Paris,  procederoient, 
en  présence  de  Marc-Antoine  Le  Fevre,  Médecin 
de  la  Faculté  de  Paris,  à  la  visite  et  examen  de  la 
personne  de  Pierre  Dupin,  maitre  apotiquaire. 


PIERRE   DUPIN  139 


Le  rapport  et  procès  verbal  fait  le  samedy  dou- 
zième jour  de  juillet  par  les  nommez  Marc  Antoine 
Le  Fevre,  Médecin,  Pierre  Dutiroir  et  Jean  Fran- 
çois Paul  Le  Noir,  Chirurgiens  jurez  reçus  à  saint 
Cosme,  conformément  et  en  exécution  de  notre 
sentence  du  neuvième  dudit  mois  ;  par  lequel  les- 
dits  Médecin  et  Chirurgiens  ont  attesté  et  certifié 
qu'après  avoir  meurement  examiné  et  visité  ledit 
Pierre  Dupin,  ils  avoient  trouvé  et  reconnu  qu'il 
etoit  bien  à  la  vérité  en  état  de  pouvoir  connoitre 
charnellement,  mais  non  d'engendrer,  et  partant 
qu'il  a  bien  pu  connoitre  charnellement  tant  laditte 
François  Henriette  Le  Large,  sa  femme,  que  laditte 
vache  mentionnée  au  procès,  mais  non  pas  d'avoir 
pu  engendrer  laditte  Thérèse  Françoise  Dupin,  sa 
fille  prétendue,  attendu  qu'il  est  impuissant  et  inha- 
bile à  engendrer;  ledit  rapport  et  procès  verbal 
signé  enfin  Marc  Antoine  Le  Fevre,  Dutiroir,  et 
Le  Noir,  les  jour  et  an  que  dessus  ; 

La  requête  présentée  par  la  nommée  Thérèse 
Françoise  Dupin,  soy  disante  fille  dudit  Pierre 
Dupin  et  de  Françoise  Henriette  Le  Large,  son 
épouse,  en  datte  du  mercredy  seizième  jour  dudit 
mois  de  juillet,  laditte  requête  tendante  à  ce  que, 
sans  s'arrêter  à  la  requête  présentée  par  François 
Joseph  Dupin,  le  samedy  cinquième  dudit  mois,  et 
au  rapport  et  procès  verbal  fait  par  les  nommez 
Marc  Antoine  Le  Fevre,  Pierre  Dutiroir  et  Jean 
François  Paul  Le  Noir,  lequel  sera  déclaré  calom- 


140  LES   PROCES   DE   BESTIALITÉ 


nieux  et  injurieux  à  la  naissance  de  la  suppliante, 
il  soit  nommé  d'autres  experts  pour  visiter  et  exa- 
miner ledit  Pierre  Dupin,  et  rendre  compte  de 
Tetat  où  il  peut  être,  et  qu'il  a  pu,  comme  de  fait  il 
a  engendré  laditte  suppliante  ; 

La  sentence  par  nous  rendue  le  jeudy  dix  sep- 
tième dudit  mois,  par  laquelle,  eu  égard  à  laditte 
requête  présentée  par  Thérèse  Françoise  Dupin  le 
jour  d'hier,  nous  aurions  nommé  et  commis  Florent 
Dumontot,  Médecin  de  la  Faculté  de  Paris  ;  Joseph 
Nicolas  Belluze,  Maitre  Chirurgien,  demeurant  à 
Paris,  receu  à  Saint  Cosme  ;  et  François  Etienne 
Lambert,  aussi  Chirurgien  demeurant  à  Paris, 
receu  à  Saint  Cosme,  pour  procéder  à  une  seconde 
visite  et  examen  de  la  personne  de  Pierre  Dupin; 

Le  rapport  et  procès  verbal  fait  le  lundy  vingt 
unième  de  Juillet  par  les  nommez  Florent  Dumon- 
tot, Médecin,  Joseph  Nicolas  Belluze  et  François 
Etienne  Lambert,  Chirurgiens  de  Paris  reçus  à 
saint  Cosme,  par  lequel  lesdits  Médecin  et  Chi- 
rurgiens ont  attesté  et  certifié  qu'après  avoir  long- 
tems  et  par  l'espace  de  deux  heures  examiné,  visité 
meurement  et  à  loisir  Pierre  Dupin,  ils  auroient 
trouvé  et  reconnu  que  non  seulement  ledit  Pierre 
Dupin  pouvoit  et  etoit  capable  de  copulation  char- 
nelle, mais  même  qu'il  etoit  fort  en  état  de  pouvoir 
engendrer  ; 

Nous,  susdit  Bailly,  avons  déclaré  ledit  Pierre 
Dupin  bien  et  duement  atteint  et  convaincu  d'avoir 


PIERRE   DUPIN  141 


habité  charnellement  et  contre  nature  avec  une 
vache  rousse  mentionnée  au  procès  ;  en  consé- 
quence et  pour  réparation  desquels  cas  et  crimes 
l'avons  condamné  et  condamnons  à  être  pendu  et 
étranglé  à  un  gibet  qui  sera  pour  cet  effet  dressé 
dans  la  place  de  La  Chapelle  ;  quoy  fait,  son  corps 
et  celuy  de  laditte  vache,  préalablement  étranglée, 
jettes  dans  un  feu  qui  sera  allumé  auprès  de  laditte 
potence  et  leurs  cendres  jettées  et  semées  au  vent  ; 
déclarons  en  outre  tous  et  chacun  des  biens  dudit 
Pierre  Dupin  acquis  et  confisqués  au  profit  de  qui 
il  appartiendra,  sera  sur  lesquels  néanmoins  préle- 
vée la  somme  de  dix  livres  d'amende  envers  le  Roy; 
et  pour  le  surplus  debouttons  laditte  Thérèse  Fran- 
çoise Dupin,  soydisante  fille  dudit  Pierre  Dupin, 
des  fins  de  sa  requête  présentée  le  seizième  du 
mois  de  juillet  dernier,  et  en  conséquence,  en  rejet- 
tent la  sentence  rendue  le  jeudy  dix  septième  dudit 
mois,  et  le  rapport  et  procès  verbal  fait  le  lundy 
vingt  et  unième  dudit  mois  par  les  nommez  Florent 
Dumontot,  Médecin,  Joseph  Nicolas  Belluze  et 
François  Etienne  Lembert,  Chirurgiens  jurez  reçus 
à  saint  Cosme,  ordonnons  que  conformément  à  la 
requête  présentée  par  François  Joseph  Dupin,  le 
cinquième  dudit  mois  de  juillet  dernier,  et  la  sen- 
tence rendue  sur  icelle  le  neuvième  dudit  mois,  et 
au  rapport  et  procès  verbal  fait  par  Marc  Antoine 
Le  Fevre,  Médecin,  Pierre  Dutiroir  et  Jean  Fran- 
çois Paul  Le  Noir,  en  datte  du  douzième  dudit  mois 


142  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


de  juillet,  laditte  Thérèse  Françoise  Dupin  sera 
déclarée  ne  pouvoir  être  la  fille  dudit  Pierre  Dupin, 
attendu  l'impuissance  et  incapacité  dudit  Dupin  à 
pouvoir  engendrer.  Donné  par  nous  Bailly  susdit 
le  samedy  deuxième  jour  d'aoust  mil  six  cent 
neuf. 


La  Cour,  après  avoir  confirmé  purement  et  sim- 
plement la  sentence  rendue  contre  Pierre  Dupin, 
faisant  droit  sur  le  tout,  ordonne  que  conformément 
au  rapport  fait  le  vingt  unième  juillet  dernier  par 
Florent  Dumontot,  Médecin,  Jean  Nicolas  Beluze 
et  François  Etienne  Lambert,  lequel  sera  déclaré  le 
plus  conforme  à  la  vérité,  laditte  Thérèse  Françoise 
Dupin  sera  réputée  fille  dudit  Pierre  Dupin  et  de 
Françoise  Henriette  Le  Large,  et  deboutte  ledit 
François  Joseph  Dupin  de  ses  requêtes  des  cinq 
juillet  et  treize  aoust  ;  déclare  en  outre  tous  et  cha- 
cun les  biens  dudit  Pierre  Dupin  acquis  et  confis- 
qués au  profit  de  laditte  Thérèse  Françoise  Dupin, 
sa  fille,  exclusivement  à  tous  autres,  et  sans  que 
laditte  Thérèse  Françoise  Dupin  puisse  être  inquet- 
tée  ny  troublée  dans  la  possession  desdits  biens  par 
ledit  Joseph  François  Dupin,  ny  par  laditte  Fran- 
çoise Henriette  Le  Large,  sous  quelque  prétexte  que 
ce  puisse  être,  pas  même  sous  celuy  du  douaire,  et 
conventions  matrimoniales  que   laditte   Le   Large 


PIERRE   DUPIN  14 


pouroit  exiger  et  desquels  elle  est  des  à  présent  et 
par  le  présent  arrest  decheue  ;  sur  lesquels  biens, 
néanmoins,  sera  prélevée  la  somme  de  dix  livres 
d'amende  envers  le  Roy.  Fait  à  Paris  en  Parlement, 
cejourd'huy  vingt  troisième  jour  d'aoust,  Tan  de 
grâce  mil  six  cent  neuf. 


PROCES  CRIMINEL 
DE  FRANÇOIS  BEAUPLED 

ACCUSÉ   DE   SODOMIE 

ET   AUSSI   d'avoir    CONNU    CHARNELLEMENT    UNE    CHÈVRE 

i8°  aoust  1611. 


Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  criminel 
fait  pardevant  le  juge  et  Bailly  de  Laval,  à  la  requête 
poursuite  et  diligence  du  substitut  du  procureur 
gênerai  du  Roy  audit  siège,  demandeur  et  accusa- 
teur principal,  à  rencontre  de  François  Beaupled, 
Tisseran,  demeurant  audit  lieu,  accusé  de  crime  de 
sodomie,  viols,  et  d'avoir  connu  charnellement  et 
contre  nature  une  chèvre  ; 

Le  procès  verbal  fait  pardevant  ledit  Bailly  le 
lundy  dix  huitième  jour  de  juin  par  Marie  Gene- 
viève Anquetil,  veuve  de  Toussaint  Perault,  vivant 
maitre  taillandier,  laditte  Marie  Geneviève  Anque- 
til soy  complaignante  pour  Catherine  Perault,  sa 
fille^  des  violences,  brutalités  et  violemens  faits 
contre  la  personne  de  laditte  Catherine  Perault  par 
le  nommé  François  Beaupled  ; 

Le  décret  de  prise  de  corps  rendu  ledit  jour  dix 
huit  juin  par  ledit  Bailly  de  Laval  contre  ledit  Beau- 


LEDA 
École  de  Léonard  (Galerie  Borghêse,  Rome) 


FRANÇOIS  BEAUPLED  145 


pied,  et  emprisonnement  fait  en  sa  personne  le  len- 
demain ; 

L'interrogatoire  fait  audit  Beaupled  le  mercredy 
vingtième  dudit  mois,  et  les  réponses  et  dénégations 
dudit  accusé  ; 

L'interrogatoire  fait  à  laditte  Marie  Geneviève 
Anquetil,  veuve  Perault,  et  à  laditte  Catherine 
Perault,  âgée  de  neuf  ans-,  en  datte  du  samedy  vingt 
trois  dudit  mois  ; 

Les  dépositions,  charges,  témoignages  et  décla- 
rations faites  le  mercredy  vingt  sept  dudit  mois 
contre  ledit  accusé  par  Marie  Le  Morillon  et  Am- 
broisette  Le  Morillon,  filles  majeures  et  ouvrières 
en  dentelles  ; 

Les  charges,  dépositions,  témoignages  et  décla- 
rations faites  le  lundy  deuxième  jour  du  mois  de 
juillet  par  Simon  Beaupreau,  Tisseran,  Antoine 
Gervais,  gagne  deniers,  et  Pierre  Blanchard,  car- 
deur  de  laines,  lesquels  ont  certifié  et  témoigné 
que  ledit  François  Beaupled  avoit  achetté  depuis  le 
vingt  cinq  du  mois  dernier  une  chèvre  noire,  avec 
laquelle  il  habitoit  journellement. 

La  requête  présentée  audit  Bailly  de  Laval  le 
samedy  septième  jour  dudit  mois  par  Gérard  Bon- 
netier, compagnon  tailleur,  soy  complaignant  pour 
Biaise  Gérard  Bonnetier,  son  fils  âgé  de  treize  ans, 
à  rencontre  dudit  François  Èeaupled,  requérant 
ledit  Gérard  Bonnetier  que  ledit  accusé  soit  puny 
pour  le  crime  de  viol  et  sodomie  par  luy  commis 

10 


146  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


en  la  personne  dudit  Biaise  Gérard  Bonnetier,  son 
fils,  le  vendredy  premier  jour  de  juin  dernier,  et 
que  par  forme  de  dédommagement  il  luy  soit  adjugé 
la  somme  de  mille  livres  ; 

La  requête  présentée  le  mardy  dixième  jour  de 
juillet  par  Marie  Geneviève  Anquetil,  pour  et  au 
nom  de  Catherine  Perault,  sa  fille,  requérant  outre 
la  punition  exemplaire  dudit  François  Beaupled 
qu'il  soit  par  ledit  Bailly  commis  et  nommé  experts 
pour  connoitre  la  vérité  des  violences  et  brutalités 
exercées  envers  laditte  Catherine  Perault,  et  en 
même  temps  qu'il  soit  ordonné  tels  dommages,  inte- 
rests,  et  réparations  qu'il  appartiendroit  ; 

La  sentence  du  Bailly  de  Laval  rendue  le  mer- 
credy  onze  dudit  mois,  par  laquelle  le  nommé  Aufroy 
Le  Riche,  Chirurgien  dudit  Laval,  et  les  nommées 
Françoise  Rousset  et  Gillette  LIortense  Lombard, 
veuve  d'Adrien  Raymond,  procéderont  à  la  visite  et 
examen  de  la  personne  de  laditte  Catherine  Perault; 

Le  procès  verbal  et  rapport  fait  par  les  susdits 
Aufroy  Le  Riche,  chirurgien,  Françoise  Rousset  et 
Gillette  Hortense  Lombard,  veuve  Raymond,  le 
samedy  quatorze  dudit  mois,  par  lequel  lesdittes 
personnes  déclarent  qu'après  avoir  examiné  et  vi- 
sité soigneusement  laditte  Catherine  Perault,  ils 
ont  reconnu  qu'elle  avoit  été  forcée  et  violentée, 
en  sorte  qu'elle  est  même  en  danger  de  rester  estro- 
piée jusqu'à  la  fm  de  ses  jours,  et  que  laditte  force 
et  violence  est  entièrement  manifeste  ; 


FRANÇOIS  BEAUPLED  147 


La  sentence  rendue  le  vingt  sixième  jour  de  juillet 
par  ledit  Bailly  de  Laval,  sur  les  conclusions  dudit 
substitut  du  Procureur  gênerai  du  Roy,  portant 
condamnation  contre  ledit  François  Beaupled  ; 

L'appel  interjette  ledit  jour  vingt  six  juillet  au 
nom  dudit  François  Beaupled  de  laditte  sentence 
rendue  ledit  jour  par  le  Bailly  de  Laval  ; 

L'interrogatoire  fait  le  mercredy  premier  aoust 
audit  accusé  par  le  Conseiller  Commissaire  rappor- 
teur, et  la  confrontation  faite  ledit  jour  dudit  ac- 
cusé et  des  témoins  et  complaignans  susnommez  ; 

Vues  aussi  les  conclusions  du  Procureur  General 
du  Roy  et  tout  considéré  ; 

La  Cour,  faisant  droit  sur  le  tout,  a  mis  et  met  à 
néant  l'appellation  interjettée  au  nom  dudit  Beau- 
pled par  le  substitut  du  Procureur  gênerai  du  Roy 
de  la  sentence  rendue  contre  luy  par  le  Bailly  de 
Laval  le  vingt  six  juillet  dernier  ;  déclare  ledit 
François  Beaupled,  tisseran,  duement  atteint  et  con- 
vaincu d'avoir  violé  la  nommée  Catherine  Perault, 
fille  de  Toussaint  Perault  et  de  Marie  Geneviève 
Anquetil  ;  d'avoir  connu  charnellement  et  contre 
nature  le  nommé  Biaise  Gérard  Bonnetier,  fils  de 
Gérard  Bonnetier  ;  et  enfin  d'avoir  commis  bestia- 
lité détestable  et  brutale  avec  une  chèvre  ;  pour 
réparations  desquels  crimes  et  cas  énormes,  or- 
donne laditte  Cour  que  laditte  sentence  du  vingt 
six  juillet  dernier  sera  exécutée  selon  sa  forme  et 
teneur,  et  en  conséquence  que  ledit  Beaupled  sera 


148  LES   PROCÈS   Dî   BESTIALITÉ 


pendu  et  étranglé  à  une  potence  qui  sera  pour  cet 
effet  dressée  dans  la  place  et  marché  dudit  Laval  ; 
quoy  fait,  son  corps  jette  dans  un  feu  qui  sera 
allumé  auprès  de  laditte  potence,  avec  celuy  de  la 
Chèvre  avec  laquelle  il  a  commis  ledit  délit,  préa- 
lablement étranglée,  ensuite  leurs  cendres  jettées 
dans  la  Rivière  ;  et.  faisant  droit  sur  la  plainte  faite 
par  Marie  Geneviève  Anquetil,  veuve  de  Toussaint 
Perault,  au  nom  de  Catherine  Perault,  sa  fille,  âgée 
de  neuf  ans,  en  datte  du  dix  huit  juin  dernier,  et  de 
sa  requête  présentée  audit  nom  le  dixième  juillet 
suivant;  et  sur  la  requête  présentée  par  Gérard 
Bonnetier,  au  nom  de  Biaise  Gérard  Bonnetier,  son 
fils  âgé  de  treize  ans,  en  datte  du  sept  dudit  mois 
de  juillet,  déclare  laditte  Cour  tous  les  biens  appar- 
tenans  audit  François  Beaupled  acquis  et  confisqués 
par  égales  portions  et  moitiés  au  profit  desdits 
Biaise  Gérard  Bonnetier  et  Catherine  Perault,  les- 
quels biens  seront  remis  entre  les  mains  desdits 
Marie  Geneviève  Anquetil,  veuve  Perault,  et 
Gérard  Bonnetier,  jusqu'à  la  majorité  de  leurs  dits 
enfans  ;  sur  lesquels  biens,  néanmoins,  sera  préle- 
vée la  somme  de  dix  livres  d'amende  envers  le  Roy. 
Fait  à  Paris  en  Parlement,  cejourd'huy  dix  huitième 
jour  d'aoust  mil  six  cent  onze. 


PROCES  CRIMINEL  DE  CLAUDE  TOUSSAINT 

ACCUSÉ  DE  VIOLEMENT, 

ET  d'habitation  CHARNELLE  AVEC  UNE  VACHE 

13^  octobre  1611 

Nous,  Jean  Antoine  des  Trois  Ponts,  ecuyer, 
sieur  de  Banieres,  juge  et  Bailly  de  Saint  Ferqueil, 
vu  le  procès  criminel  intenté  pardevant  nous  à  la 
poursuite  et  diligence  du  procureur  fiscal  de  ce 
siège,  demandeur  et  accusateur,  à  Tencontre  de 
Claude  Toussaint,  laboureur,  demeurant  en  ce  lieu 
de  Saint  Ferqueil,  deffendeur  et  accusé  de  viole- 
ment,  sodomie,  et  d'habitation  charnelle  avec  une 
vache  noire  ; 

Le  procès  verbal  fait  pardevant  nous  le  lundy 
troisième  jour  du  présent  mois  de  septembre,  par 
les  nommez  Thomas  Bouffer,  Exempt  de  la  Mare- 
chaussée,  Girard  Fontaine,  Trissotin  Billoy,  Mau- 
rice Gelon,  et  François  Charles  Le  Cere  d'Am- 
boyne,  cavaliers  et  archers  de  laditte  Maréchaussée, 
par  lequel  procès  verbal  les  susnommez  nous 
auroient  certifié  que  cejourd'huy  huit  heures  du 
matin,  en  passant  par  ledit  lieu  de  Saint  Ferqueil, 
ils  avoient  entendu  un  grand  bruit  dans  une  mai- 
son, où  étant  entré,  ils  y  avoient  trouvé  le  nommé 


150  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


Claude  Toussaint,  que  plusieurs  particuliers 
venoient,  suivant  leur  dire,  de  surprendre  commet- 
tant violence  et  force  avec  Marguerite  Haquinet, 
fille  de  Jean  Haquinet,  tonnelier,  et  de  Louise 
Pelard,  sa  femme,  âgée  seulement  de  douze  ans  ; 
surquoy,  et  pour  obtempérer  aux  plaintes  desdits 
particuliers,  les  susnommez  exempt  et  cavaliers 
auroient  amené  ledit  Claude  Toussaint,  laboureur, 
âgé  de  trente  huit  ans  ; 

L'interrogatoire  par  nous  fait  ledit  jour  troisième 
septembre  audit  Claude  Toussaint,  accusé,  lequel  a 
soutenu  que  laditte  Marguerite  Haquinet  l'étoit 
venu  trouver  de  son  bon  gré  ; 

Les  dépositions,  témoignages,  charges  et  infor- 
mations faites  pardevant  nous  le  vendredy  septième 
jour  de  septembre,  par  Jean  Haquinet,  tonnelier, 
Louise  Pelard,  femme  dudit  Haquinet,  père  et  mère 
de  Marguerite  Haquinet,  complaignante,  aussi  pré- 
sente et  par  nous  interrogée  ; 

Les  dépositions,  témoignages  et  déclarations 
faites  aussy  en  notre  présence  par  Jacques  Antoine 
de  Monville,  vigneron  dudit  Farqueil,  Joseph  Mo- 
gnard.  Laboureur  audit  lieu,  et  Philippes  Gondolle, 
gagne  deniers  ;  lesdits  Magnard  et  de  Gondolle  cer- 
tilians  et  attestans  qu'ils  avoient  surpris  le  vingt 
huit  aoust  dernier  ledit  Claude  Toussaint  accouplé 
charnellement  avec  une  vache  noire,  et  ledit  de 
Monville  aussi  certifiant  et  attestant  qu'il  avoit  vu 
le  trois  septembre  ledit  Claude  Toussaint  qui,  ayant 


CLAUDE   TOUSSAINT  I51 


appelle  laditte  Marguerite  Haquinet,  l'avoit  fait 
entrer  dans  une  salle  basse,  et  luy  ayant  donné  un 
morceau  de  gâteau,  avoit  ensuite  levé  la  jupe  de 
laditte  fille  et  ensuite  violée,  ce  qu'il  avoit  exécuté 
si  promptement,  malgré  les  cris  de  laditte  fille,  que 
luy,  témoin,  n'avoit  pu  y  accourir  assés  tôt  pour  l'en 
empêcher.  Lesdits  interrogatoires  faits  par  nous  le 
mardy  dixième  jour  de  septembre  ; 

La  requête  présentée  par  Jean  Haquinet,  tonne- 
lier, et  Louise  Pelard,  sa  femme,  pour  et  au  nom 
de  Margueritte  Haquinet,  leur  fille,  tendante  à  ce 
qu'attendu  la  violence  commise  par  le  nommé 
Claude  Toussaint  envers  laditte  Marguerite  Haqui- 
net, il  luy  soit  donné  et  adjugé  telle  somme  qui  nous 
plairoit  par  forme  de  dommages  et  intérest,  et  pour 
le  deshonneur  dont  il  a  chargé  laditte  fille  complai- 
gnante  ; 

La  requête  présentée  par  Claude  Toussaint,  le 
mercredy  douzième  jour  de  septembre,  tendante  à 
ce  que  laditte  Margueritte  Haquinet  soit  par  nous 
interrogée  séparément,  ce  qui  feroit  connoitre 
qu'elle  n'a  eu  aucune  violence  et  que  le  témoignage 
rendu  devant  nous  le  sept  de  ce  mois  par  le  nommé 
Jacques  Antoine  de  Monville  etoit  faux,  pourquoy 
requeroit  que  ledit  de  Monville  fut  par  nous  décrété 
de  prise  de  corps,  et  puni  comme  faux  accusateur  et 
calomniateur  public  et  détestable  ; 

La  requête  présentée  par  le  nommé  Jacques 
Antoine  de  Monville,  le  vendredy  quatorzième  du- 


152  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


dit  mois  de  septembre,  par  laquelle  il  demande  que 
sans  avoir  égard  à  la  demande  portée  par  la  requête 
de  Claude  Toussaint,  il  nous  plaise  le  décharger  du 
décret  requis  par  icelle,  s'offrant  de  subir  tels  inter- 
rogatoires que  nous  jugerions  à  propos  ; 

La  requête  présentée  par  ledit  Claude  Toussaint, 
en  datte  du  lundy  dix  septième  jour  de  septembre, 
tendante  à  ce  que  sans  avoir  égard  à  la  requête  de 
Jacques  Antoine  de  Monville,  il  nous  plaise  ordon- 
ner que  ledit  Monville  seroit  pris  et  appréhendé  au 
corps  et  constitué  prisonnier  pour  repondre  aux 
faits  et  objections  qu'il  s'offre  de  luy  faire,  et 
entr'autres  d'avoir  séduit  et  abusé,  il  y  a  plus  de  six 
mois,  de  laditte  Margueritte  Haquinet,  et  en  outre 
requere  ledit  Claude  Toussaint  que  les  nommez 
Joseph  Mognard  et  Philippe  Gondolle  soient  par 
nous  décrétés  de  prise  de  corps,  et  punis  comme 
faux  accusateurs  et  calomniateurs  publics,  ce  qu'il 
offre  de  prouver  ; 

L'interrogatoire  par  nous  fait  le  mercredy  dix 
neuvième  de  septembre  à  Margueritte  Haquinet, 
laquelle  auroit  persisté  à  soutenir  que  ledit  Claude 
Toussaint  l'avoit  prise  et  violée  par  force,  et  la  pro- 
testation par  elle  faite  de  n'avoir  jamais  eu  de  com- 
merce avec  le  nommé  Jacques  Antoine  de  Monville  ; 
L'interrogatoire  fait  pardevant  nous  auxdits 
Jean  Haquinet  et  Louise  Pelard,  sa  femme,  le 
samedy  vingt  deuxième  dudit  mois  ; 

Autre  interrogatoire  par  nous  fait  audit  Jacques 


CLAUDE   TOUSSAINT  153 


Antoine  de  Monville,  le  lundy  vingt  quatrième  jour 
dudit  mois,  lequel  a  persisté  dans  les  déclarations, 
témoignages  et  dépositions  par  luy  faites  le  lund}^ 
dixième  du  présent  mois,  et  dans  les  fins  de  sa 
requête  présentée  le  quatorze,  requérant  ledit  de 
Monville  dommages  et  interest  contre  ledit  Claude 
Toussaint,  calomniateur  ; 

Autre  interrogatoire  fait  en  notre  présence,  le 
mercredy  vingt  sixième  dudit  mois  de  septembre, 
aux  nommez  Joseph  Mognard  et  Philippe  Gondole, 
lesquels  ont  pareillement  persisté  dans  les  témoi- 
gnages, déclarations  et  dépositions  par  eux  faites, 
ajoutans  même  que  ledit  Claude  Toussaint  ne  s'etoit 
point  caché  dudit  crime,  et  même  Tavoit  commis 
devant  eux  publiquement  ;  requérant  lesdits  Mo- 
gnard et  Gondolle  dommages  et  interest  contre 
ledit  Claude  Toussaint  ; 

La  confrontation  desdits  Claude  Toussaint,  sépa- 
rément avec  les  susdits  Jean  Haquinet  et  Louise 
Pelard,  sa  femme,  Margueritte  Haquinet,  Jacques 
x\ntoine  de  Monville,  Philippe  Gondolle  et  Joseph 
Mognard,  lesquels  ont  continué  et  persisté  dans 
leurs  témoignages,  dépositions  et  déclarations  ; 
laditte  confrontation  en  datte  du  vendredy  vingt 
huitième  dudit  mois  de  septembre  ; 

L'interrogatoire  fait  par  nous,  le  lundy  premier 
jour  du  présent  mois  d'octobre,  audit  Claude  Tous- 
saint, les  aveux,  confessions  et  variations  par  luy 
faites  ledit  jour; 


154  LES   PROGÈS   DE   BESTIALITE 

Vues   aussi    les   conclusions    du   Procureur  fis- 
cal; 

Avons  déclaré  et  déclarons  le  nommé  Claude 
Toussaint  duement  atteint  et  convaincu  de  viols  et 
brutalitez  commises  en  la  personne  de  Margueritte 
Haquinet,  et  encore  d'user  ordinairement  coutu- 
mierement  d'une  vache  noire,  pour  lesquels  crimes 
et  cas  énormes  l'avons  condamné  et  condamnons  à 
être  pendu  et  étranglé  à  une  potence  qui  sera  pour 
cet  effet  dressée  dans  la  place  et  marché  de  Saint 
Ferqueil  ;  quoy  fait,  son  corps,  et  celui  de  la  vache 
avec  laquelle  il  a  commis  ledit  délit,  préalablement 
assommée,  jettes  au  feu  qui  sera  allumé  aux  pieds 
de  laditte  potence  ;  déclarons  tous  et  un  chacun  les 
biens  dudit  Claude  Toussaint  acquis  et  confisqués 
au  profit  de  qui  il  appartiendra,  sur  lesquels  néan- 
moins sera  prise  et  prélevée  la  somme  de  cent  livres 
d'amende  envers  le  Roy,  et  mil  livres  de  dom- 
mages et  interests  et  pour  le  deshonneur  fait  à 
laditte  Margueritte  Haquinet,  laquelle  somme  de 
mil  livres  sera  remise  entre  les  mains  de  Jean  Ha- 
quinet et  Louise  Pelard,  ses  père  et  mère;  et  pour 
le  surplus  des  demandes  portées  par  les  requêtes  de 
Jacques  Antoine  de  Monville,  des  quatorze  et 
vingt  quatrième  jour  de  septembre,  et  de  celles 
portées  par  la  requête  de  Joseph  Mognard  et  Phi- 
lippe Gondolle,  avons  mis  et  mettons  les  parties 
hors  de  cours  et  de  procez.  Donné  par  nous,  juge 
Bailly  susdit,  en  notre  siège  de  Saint  Ferqueil,  le 


CLAUDE  TOUSSAINT  155 


jeudy    quatrième    jour    d'octobre    mil    six    cent 
onze. 


Arrêt  confirmé  purement  et  simplement  par  le 
Parlement,  le  13  octobre  1611. 


PROCES  CRIMINEL  DE  GERVAIS  LIENARD 

ACCUSÉ  DE  SODOMIE,  ET  d'aVOIR  CONNU  CHARNELLEMENT 

UNE  JUMENT 

21  juillet   1612 

L'an  mil  six  cent  douze,  le  jeudy  vingt-sixième 
jour  du  mois  d'avril,  est  comparu  pardevant  nous 
Josse  Valeran,  fermier  de  la  ferme  d'Aunoy,  lequel 
nous  auroit  déclaré  que  ce  jourd'huy,  sur  les  trois 
heures  après  midy,  le  nommé  Pierre  Boisselier, 
garçon  étant  à  son  service,  luy  seroit  venu  dire 
qu'il  avoit  entendu  Thibaut  Valeran,  fils  de  luy 
complaignant,  crier  au  secours,  et  qu'étant  entré 
dans  la  maison  où  ledit  Thibaut  Valeran  crioit,  il 
auroit  trouvé  la  porte  d'une  salle  d'où  ce  bruit 
venoit  fermée,  qu'ayant  pris  une  bûche  et  ayant 
enfoncé  la  porte  il  auroit  apperçu  ledit  Thibaut 
Valeran  se  débattant  entre  les  bras  du  nommé  Ger- 
vais  Lienard,  vigneron,  qu'étant  appproché  dudit 
Lienard,  il  l'auroit  à  coup  de  poings  forcé  de  quit- 
ter ledit  Thibaut  Valeran,  et  ensuite  auroit  amené 
Indit  Thibaut  Valeran  à  luy  complaignant,  lequel 
Thibaut  Valeran  se  seroit  plaint  d'avoir  été  connu 
et  abusé  violentement  et  contre  nature  par  ledit 
Gervais  Lienard,    qui  sous   prétexte  de   luy   dire 


GERVAIS  LIENARD  157 


quelque  chose  Tauroit  fait  entrer  dans  laditte  salle, 
dont  il  auroit  ensuite  fermé  la  porte  après  y  avoir 
mis  les  verroux  et  oté  la  clef,  que  s'étant  pris  à  crier 
ledit  Gervais  Lienard  Tavoit  pris  de  force  et  connu 
charnellement  sans  qu'il  eut  pu  se  deffendre;  ajou- 
tant ledit  Josse  Valeran  que  sur  cela  il  avoit  fait 
venir  Georges  Bruquien,  chirurgien  demeurant  en 
ce  lieu  de  Champigny,  pour  penser  et  medicamen- 
ter  ledit  Thibaut  Valeran,  son  fils;  lequel  chirur- 
gien, après  avoir  examiné  ledit  Thibaut  Valeran, 
l'auroit  pensé  et  appliqué  un  emplâtre  sur  la  plaie, 
et  avoit  déclaré  que  ledit  Thibaut  Valeran  en 
demeureroit  estropié  le  reste  de  ses  jours  ;  requé- 
rant pour  ce  ledit  Josse  Valeran  que  ledit  Gervais 
Lienard,  vigneron,  demeurant  et  habitant  de  cette 
paroisse,  soit  par  nous  interrogé  et  puni,  avec 
dépens,  dommages  et  interests,  et  frais  tant  du  pré- 
sent procès  que  du  Chirurgien,  pour  ses  onguens  et 
medicamens  employez  et  qu'il  doit  employer  pour 
la  guerison  dudit  Thibaut  Valeran.  Fait  les  jour  et 
an  susdits,  pardevant  nous  Michel  François  Gros- 
seteste.  Prévôt  de  Champigny. 


Cejourd'huy  jeudy  deuxième  jour  de  may  1612,  a 
été  amené  et  conduit  par  devers  nous  le  nommé 
Gervais  Lienard,  auquel,  après  la  lecture  de  la 
plainte  faite  pardevant  nous  et  des  griefs  insérés 


158  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


contre  luy  dans  icelle,  avons  demandé  s'il  avoit  et 
pouvoit  fournir  de  réponses  ;  lequel  auroit  repondu 
que  le  fait  allégué  etoit  faux,  et  qu'il  n'avoit  jamais 
connu,  ni  eu  envie  de  connoître  ledit  Thibaut 
Valeran,  qu'apparament  ledit  garçon  s'etoit  blessé, 
et  avoit  dit  à  son  père  qu'on  l' avoit  voulu  forcer, 
pour  ses  excuses  ;  et  a  persisté  ledit  Lienard  dans 
sesdittes  réponses.  Fait  les  jour  et  an  que  dessus. 


Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  crimii^el 
fait  pardevant  le  Prevot  de  Champigny  à  l' encontre 
de  Gervais  Lienard,  deffendeur  et  accusé  d'avoir 
violé  et  connu  contre  nature  Thibaut  Valeran,  et 
encore  d'avoir  eu  habitation  charnelle  avec  une 
jument  blanche  mentionnée  au  procès  ; 

La  plainte  faite  le  26  avril  dernier  par  Josse 
Valeran,  soy  complaignant  pour  Thibaut  Valeran, 
son  fils  ; 

L'interrogatoire  et  dénégations  faites  par  ledit 
Lienard  le  jeudy  2  may  suivant; 

L'interrogatoire  fait  au  nommé  Pierre  Boisselier, 
garçon  au  service  de  Josse  Valeran,  le  vendredy 
dix  dudit  mois  ; 

L'interrogatoire  fait  audit  Thibaut  Valeran  le 
treize  dudit  mois  ; 

Le  rapport  fait  le  mercredy  quinze  dudit  mois,  en 
présence  dudit  Prevot,  par  Georges  Bruquien,  Chi- 


GERVAIS  LIENARD  159 


rurgien  demeurant  audit  lieu  de  Champigny,  qui  a 
pensé  et  medicamenté  ledit  Thibaut  Valeran  ; 

Les  témoignages ,  dépositions  et  déclarations 
faites  pardevant  ledit  Prevot,  le  mercredy  vingt 
deux  may,  par  les  nommez  Philippes  Albert  Gen- 
dron,  aubergiste  dudit  lieu,  et  Grégoire  Richard, 
garçon  charrier  ; 

La  confrontation  faite,  le  lundy  trois  juin  ensui- 
vant, dudit  Gervais  Lienard  et  desdits  Josse  Vale- 
ran, Thibaut  Valeran,  Pierre  Boisselier  et  Georges 
Bruquien  ; 

La  confrontation  faite,  le  mercredy  cinq  dudit 
moy,  dudit  Gervais  Lienard  et  des  nommez  Phi- 
lippes Albert  Gendron  et  Grégoire  Richard,  accu- 
sans  ledit  Lienard  d'avoir  eu  connoissance  et  habi- 
tation charnelle  avec  une  jument  ; 

La  sentence  rendue  par  ledit  Prevot  le  samedy 
vingt  deux  du  mois  de  juin  ; 

L'appel  interjette  par  ledit  Gervais  Lienard  de 
laditte  sentence,  le  vingt  deux  dudit  mois  de 
juin; 

L'interrogatoire  fait  le  lundy  premier  jour  du  pré- 
sent mois  de  juillet  audit  Lienard  par  le  Conseiller 
commissaire  rapporteur  ; 

Les  aveus  et  confessions  faites  par  ledit  accusé  à 
la  question  à  luy  donnée  le  samedy  vingt  du  présent 
mois,  et  généralement  toutes  les  pièces  dudit  pro- 
cès ;  ouy  et  entendu  le  procureur  gênerai  en  ses 
conclusions,  et  tout  considéré  : 


l60  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


La  Cour  a  mis  et  met  à  néant  l'appel  interjette 
au  nom  dudit  Gervais  Lienard  de  la  sentence  ren- 
due contre  luy  par  le  Prevot  de  Champigny; 
ordonne  que  laditte  sentence  dont  est  appel  sera 
exécutée  selon  sa  forme  et  teneur;  déclare  ledit 
Gervais  Lienard  bien  et  duement  atteint  et  con- 
vaincu d'avoir  commis  acte  de  sodomie  et  copula- 
tion contre  nature  en  la  personne  de  Thibaut  Vale- 
ran,  et  aussy  d'avoir  habité  charnellement  plusieurs 
et  souventes  fois  avec  une  jument  blanche  men- 
tionnée audit  procès;  pour  réparation  desquels 
crimes  et  cas  et  violences  énormes,  laditte  Cour 
ordonne  que  ledit  Gervais  Lienard  sera  pendu  et 
étranglé  à  une  potence  qui  sera  pour  cet  effet  dres- 
sée dans  la  grande  place  dudit  Champigny;  quoy 
fait,  son  corps,  ainsy  que  celuy  de  la  jument  avec 
laquelle  il  a  perpétré  et  commis  ledit  délit,  préala- 
blement étranglée,  jettes  au  feu  qui  sera  allumé  au 
pied  de  laditte  potence,  et  leurs  cendres  ensuite 
jettées  et  semées  au  vent  ;  Déclare  en  outre  tous  et 
un  chacun  les  biens  dudit  Gervais  Lienard  acquis 
et  confisqués  au  profit  de  qui  il  appartiendra,  sur 
lesquels  néanmoins  sera  prise  et  prélevée  la  somme 
de  dix  livres  d'amende  envers  le  Roy,  cello  de 
trente  cinq  livres  pour  les  frais,  loyaux  coûts,  et 
salaires  de  Georges  Bouquien,  et  celle  de  douze 
cent  livres  adjugée  par  le  présent  arrest  audit  Thi- 
baut Valeran  par  forme  et  manière  de  dommages  et 
interests,  laquelle  somme  de  douze  cent  livres  sera 


GERVAIS  LIENARD  l6l 


remise  entre  les  mains  de  Josse  Valeran,  père  dudit 
Thibaut  Valeran,  pour  en  disposer  au  profit  dudit 
mineur.  Fait  à  Paris  en  Parlement,  cejourd'huy 
vingtième  juillet.  Tan  de  grâce  mil  six  cent  douze. 


PROCES  CRIMINEL 
DE  JACQUES  PERRICHON 

ACCUSÉ  DE  PLUSIEURS  VIOLS   ET  d'aVOIR  HABITÉ 

CHARNELLEMENT  AVEC  UNE  TRUYE 

29  juillet  1613. 

L'an  mil  six  cent  treize,  le  premier  jour  du  mois 
de  juillet,  en  présence  de  nous,  Barnabe  Jérôme 
d'Apremont,  Ecuyer,  Sieur  de  Belleperche,  Licencié 
Es  Loix,  Senechal  de  Montoiron,  fut  amené  un  qui- 
dam vêtu  de  toille  grise,  conduit  par  Toussaint 
Picot,  dit  Martel,  Exempt  et  Chef  de  Brigade  de  la 
Maréchaussée,  assisté  et  accompagné  de  Thierry 
Soudoyer,  Jean-Thomas  dit  Bras-de-Fer,  Etienne 
Bodin  dit  Brindavoine,  et  d'André  Jumeau  des 
Ormeaux,  cavaliers  de  laditte  Brigade,  lesquels, 
après  avoir  fait  serment  de  dire  et  déclarer  pure  et 
entière  vérité,  ont  certifié  que  cejourdhuy,  sur  les 
six  heures  du  matin,  en  passant  par  cedit  bourg  de 
Montoiron,  ils  avoient  entendu  la  voix  d'une 
femme  qui  crioit  au  meurtre,  on  me  viole,  et 
qu'étant  entrez  dans  la  maison  où  ils  avoient 
entendu  ce  bruit,  ils  auroient  trouvé  ledit  quidam 
qu'ils  amenoient  prisonnier  en  copulation  charnelle 


JACQUES   PERRICHON  163 


avec  une  femme  âgée  d'environ  cinquante  à 
soixante  ans,  laditte  femme  se  débattant  fort  entre 
ses  bras,  surquoy  euxdits  témoins  auroient  retiré 
laditte  femme  et  amené  ledit  quidam  pardevant 
nous,  lequel  quidam  nous,  senechal  susdit,  aurions 
interrogé  en  la  manière  et  forme  qui  s'ensuit  : 

Interrogé  quel  etoit  son  nom,  a  repondu  être 
appelle  Jacques  Perrichon. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  être  âgé  de 
quarante  quatre  ans. 

Interrogé  quelle  étoit  sa  profession  et  vacation, 
a  repondu  qu'il  etoit  tisseran. 

Interrogé  de  quel  lieu  il  etoit,  a  repondu  qu'il 
etoit  né  à  Saint  Flour,  et  etably  depuis  près  de  seize 
ans  au  présent  lieu  de  Montoiran. 

Interrogé  s'il  connoissoit  la  femme  avec  laquelle 
il  a  été  surpris  en  copulation  charnelle,  a  repondu 
qu'ouy,  et  que  laditte  femme  etoit  servante  du 
nommé  André  Le  Laboureur,  fermier  de  la  ferme 
de  Capenzac,  laquelle  femme  etoit  venue  plusieurs 
fois  chercher  chez  luy  de  la  toille,  qu'il  l'avoit  plu- 
sieurs fois  cajollée,  et  qu'enfin  cejourd'huy,  comme 
elle  luy  avoit  paru  faire  peu  de  résistance,  il  avoit 
voulu  profiter  de  cette  occasion,  mais  que  laditte 
femme  s'etoit  mise  à  crier  lorsqu'il  n'etoit  plus 
tems  ; 

Apres  lequel  interrogatoire  nous  avons  renvoyé 
ledit  Jacques  Perrichon  prisonnier  es  prisons  de  ce 
bourg. 


l64  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


Cejourd'huy  samedy,  deuxième  jour  de  juillet, 
est  comparue  pardevant  nous  la  nommée  Gene- 
viève Beauclairat,  servante  d'André  Le  Laboureur, 
laquelle  nous  auroit  demandé  raison  de  la  violence 
commise  envers  elle  le  jour  d'hier  par  le  nommé 
Jacques  Perrichon,  lequel,  non  content  de  luy  avoir 
dit  les  sottises  les  plus  grossières,  seroit  enfin  ledit 
jour  venu  à  un  tel  excès  qu'il  l'auroit  saisie,  jettée 
par  terre  et  connu  charnellement,  quelque  chose 
qu'elle  ait  pu  faire,  ne  sachant  encore  si  ledit  Per- 
richon en  seroit  demeuré  là,  sans  la  brigade  de 
Maréchaussée  qui  est  survenue  à  ses  cris  et  a  pris 
ledit  Perrichon. 

Interrogée  laditte  Beauclairat  quel  âge  elle  avoit, 
a  repondu  qu'elle  avoit  soixante  et  deux  ans 
accomplis  le  vingt  cinquième  jour  de  May  dernier^ 

Laquelle  Geneviève  Beauclairat,  après  avoir 
requis  dépens,  dommages  et  interests  contre  ledit 
Jacques  Perrichon,  se  seroit  retirée. 


Cejourd'huy  lundy,  quatrième  jour  de  juillet,  sont 
comparus  pardevant  nous  Jeanne  Grandpié,  veuve 
d'Augustin  Poirée,  en  son  vivant  berger  chevrier; 
Marie  Jeanne  Poirée,  sa  fille   et  dudit  Augustin 


JACQUES   PERRICHON  165 


Poirée,  laquelle  nous  auroit  déclaré  que  le  vingt 
quatrième  jour  de  juin  dernier,  le  nommé  Jacques 
Perrichon  auroit  amené  laditte  Jeanne  Marie  Poi- 
rée, âgée  de  sept  ans  et  demy,  dans  sa  maison,  et 
là,  l'auroit  violée  en  telle  sorte  que  laditte  Poirée 
ne  pouvoit  marcher,  laditte  Jeanne  Granpié,  sa 
mère,  ayant  été  obligée  delà  porter;  parquoy  reque- 
roit  laditte  Granpié  que  laditte  Marie  Jeanne 
Poirée,  sa  fille,  fut  soignée,  pensée  et  medicamen- 
tée  aux  dépens  dudit  Jacques  Perrichon,  et  qu'il  fut 
condamné  à  tous  les  dépens,  dommages  et  interests, 
tant  pour  la  maladie  de  laditte  Poirée  que  pour  le 
scandale  et  deshonneur  à  elle  faite;  surquoy  nous, 
senechal  susdit,  aurions  promis  à  laditte  Granpié 
d'envoyer  un  chirurgien  visiter  saditte  fille,  et  de 
luy  faire  droit  sur  le  surplus  de  ses  demandes; 
après  quoy  lesdittes  complaignantes  se  sont  reti- 
rées. 


Cejourd'huy  jeudy,  septième  jour  de  juillet,  je 
soussigné,  Chirurgien  de  cette  Bourgade  de  Mon- 
toiron,  aurois  par  ordre  et  exprès  commandement 
de  Monsieur  le  Seneschal,  visité  la  nommée  Jeanne 
Poirée,  laquelle  Marie  Jeanne  Poirée  nous  aurions 
trouvée  violée  et  blessée  dangereusement  par  la 
violence  qu'elle  dit  avoir  été  commise  en  son 
endroit  par  Jacques  Perrichon,  et  en  outre,  après 


l66  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


avoir  appliqué  le  premier  appareil,  ay  trouvé  que 
laditte  Marie  Jeanne  Poirée  etoit  attaquée  et 
atteinte  de  maladie  vénérienne  et  grosse  vérole  ;  en 
foy  de  quoy  ay  signé  le  présent  rapport,  fait  les  jour 
et  an  que  dessus.  Ainsy  signé  :  Tompelier  Corbin, 
Chirurgien  de  Montoiron. 


Cejourd'huy  samedy  neuvième  jour  de  juillet  est 
comparu  Jeanne  Grandpié,  veuve  d'Augustin  Poi- 
rée, disant  que  par  le  procès  verbal  et  rapport  fait 
par  le  nommé  Tompelier  Corbin,  qui  a  visité  Marie 
Jeanne  Poirée,  sa  fille,  il  appert  et  est  certifié  que 
laditte  Marie  Jeanne  Poirée  est  atteinte  et  attaquée 
de  la  grosse  vérole  et  mal  de  Naples,  laquelle  elle 
a  gagné  par  la  violence  et  force  qui  luy  a  été  faite 
par  le  nommé  Jacques  Perrichon  ;  parquoy  requere, 
outre  les  dommages  et  intérêts,  que  laditte  Marie 
Jeanne  Poirée  soit  guérie  et  soignée  aux  dépens 
dudit  accusé. 


Le  lundy  onzième  jour  de  juillet,  neuf  heures  du 
matin,  sont  comparus  pardevant  nous  les  nommez 
Thomas  Girard,  gagnedeniers,  et  Claude  Porcher, 
vigneron,  lesquels,  après  avoir  fait  le  serment 
accoutumé  de  dire  pure  et  entière  vérité,  ont  de- 


JACQUES  PERRICHON  167 


claré  qu'ils  sçavoient,  et  même  que  le  nommé  Jac- 
ques Perrichon  leur  avoit  confessé  qu'étant  sujet  au 
plaisir  des  sens  et  à  la  passion  des  femmes,  et  ne 
voulant  point  se  marier,  il  avoit  achetté  une  belle 
truye,  laquelle  il  connoissoit  charnellement,  et  que 
de  peur  que  cela  ne  fut  découvert,  il  l'avoit  fait 
avorter  une  fois,  et  que  l'autre  fois  n'ayant  pu  pro- 
curer cet  avortement,  il  avoit  jette  dans  un  puits  le 
fruit  de  laditte  truye. 


Cejourd'huy  mardy,  douzième  jour  de  juillet,  fut 
amené  devant  nous  Jacques  Perrichon,  auquel  a  été 
fait  lecture  tant  du  procès  verbal  fait  le  vendredy 
premier  de  ce  mois  que  de  ceux  faits  les  samedy 
deuxième,  lundy  quatrième,  jeudy  septième,  samedy 
neufieme  et  lundy  onzième  du  même  mois  ;  lequel 
Jacques  Perrichon  s'etant  mis  à  pleurer  nous  auroit 
requis  pardon  et  confessé  les  susdits  crimes,  avouant 
qu'il  avoit  une  passion  extraordinaire  qui  lui  faisoit 
appetter  et  désirer  toutes  les  femmes  ;  que  cette 
passion  l'avoit  obligé  à  violer  laditte  Marie  Jeanne 
Poirée,  quoiqu'elle  n'eut  que  sept  ans,  et  laditte 
Geneviève  Beauclairat,  qui  en  a  plus  de  soixante  ; 
mais  encore  plusieurs  autres  ;  que  la  veille  de  Noël 
précédente,  vingt  quatrième,  jour  de  décembre  mil 
six  cent  douze,  ayant  trouvé  la  nommée  Françoise 
Dufresne,  servante  d'Aubert  Le  Mire,  hôtelier,  dor- 


l68  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


mante  sur  le  pas  de  la  porte  de  sa  chambre  dont 
elle  n'avoit  apparament  pas  la  clef,  laditte  Du- 
fresne  se  trouvant  prise  de  vin,  il  l'avoit  connue 
charnellement  sans  qu'elle  s'en  soit  apperçu;  que 
depuis  ce  tems  laditte  servante  avoit  été  chassée 
de  sa  maison  par  ledit  Aubert  Le  Mire,  ce  qui  luy 
ayant  donné  la  hardiesse  de  parler  librement  à 
laditte  fille,  il  luy  avoit  proposé  de  coucher  avec 
elle  et  de  la  prendre  chez  luy,  luy  avouant  que 
c'etoit  luy  qui  avoit  fait  l'enfant  dont  elle  etoit 
grosse,  ce  qui  avoit  causé  tant  de  honte  à  laditte 
Françoise  Dufresne  qu'elle  auroit  quitté  Montoiron 
sans  vouloir  y  reparoître;  que,  de  plus,  luy,  Jac- 
ques Perrichon,  auroit  le  vingt  deux  février  der- 
nier, jour  du  jeudy  gras,  trouvé  entre  cinq  et  six 
heures  du  soir  la  fille  du  nommé  Antoine  Beauma- 
noir,  laquelle  il  auroit  emmenée  chez  luy  et  l'auroit 
violée,  quoique  ladite  fille  ne  fut  âgée  que  de  six 
ans,  pas  entièrement  accomplis,  ce  qui  avoit  causé 
un  tel  effroy  à  laditte  fille  qu'étant  reconduite  chez 
elle  elle  etoit  tombée  malade  et  etoit  morte  au  bout 
de  cinq  jours;  qu'indépendament  de  ces  crimes, 
luy,  susdit  Perrichon,  avoit  achetté  une  grande 
truye,  laquelle  il  connoissoit  charnellement  et  très 
souvent,  que  laditte  truye  avoit  été  pleine  deux  fois 
de  son  fait,  que  la  première  fois  il  l'avoit  fait  avor- 
ter, mais  que  n'ayant  pu  l'exécuter  la  seconde  fois, 
laditte  truye  avoit  mis  bas  deux  enfans  monstrueux, 
ayant  la  tête  et  les  pieds  de  cochon,  lesquels  mons- 


JACQUES   PERRICHON  169 


très  il  avoit  jette  dans  le  puits  de  son  jardin;  après 
lesquelles  confessions  et  aveus,  ledit  Perrichon  a 
requis  pardon,  et  a  confessé  être  digne  de  la  mort, 
après  quoy  a  été  reconduit  en  prison. 


Nous,  Barnabe  Jérôme  d'Apremont,  ecuyer,  sieur 
de  Belleperche,  licencié  es  lois,  juge  senechal  de  la 
Ville  et  sénéchaussée  de  Montoiron,  avons  déclaré 
et  déclarons  ledit  Perrichon  duement  atteint  et 
convaincu  d'avoir  violé  les  nommées  Françoise 
Dufresne,  Jeanneton  Beaumanoir,  âgée  de  près  de 
six  ans,  Geneviève  Beauclairat,  âgée  de  soixante- 
deux  ans,  et  Marie  Jeanne  Poirée,  âgée  de  sept  ans 
et  demy,  et  encore  d'avoir  abusé  charnellement 
et  detestablement  et  ordinairement  d'une  truye 
mentionnée  au  procès;  pour  réparation  desquels 
cas  et  crimes  énormes,  ordonnons  que  ledit  Jacques 
Perrichon  sera  pendu  et  étranglé  à  une  potence  qui 
sera  pour  cet  effet  dressée  dans  la  place  et  marché 
de  Montoiron,  et  laditte  truye  aussi  pendue  et 
étranglée  à  la  même  potence  ;  quoy  fait,  leurs  corps 
jettez  au  feu  qui  sera  allumé  au  pied  de  laditte 
potence;  quoy  fait,  leurs  cendres  jettées  au  vent; 
déclarons  en  outre  tous  et  chacun  les  biens  dudit 
Jacques  Perrichon  acquis  et  confisqués  au  profit  de 
Sa  Majesté,  sur  lesquels  sera  néanmoins  prise  la 
somme  de  douze  livres  d'amende  envers  le  Roy  ; 


170  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


celle  de  cinquante  livres,  laquelle  sera  délivrée  au 
nommé  Tompelier  Corbin,  chirurgien,  pour  ses 
peines,  loyaux  coûts  et  salaires  employez  pour  la 
guerison  qu'il  a  entrepris  de  laditte  Marie  Jeanne 
Poirée  ;  celle  de  mille  livres,  laquelle  sera  délivrée 
à  Jeanne  Grandpié,  mère  de  laditte  Poirée,  par 
forme  de  dommages  et  interests  ;  celle  de  cent  cin- 
quante livres,  laquelle  sera  délivrée  à  la  nommée 
Geneviève  Beauclairat,  par  forme  de  dommages  et 
interests,  et  le  surplus  audit  seigneur  Roy.  Donné 
par  nous,  susdit  Senechal,  le  lundy  dix  huitième 
jour  de  juillet  mil  six  cent  treize. 


En  confirmant,  le  29  juillet  16 13,  l'arrêt  ci-dessus, 
le  Parlement  de  Paris  le  modifie  cependant  ainsi  : 
«  Emandant  laditte  sentence,  ordonne  que  la  truye 
mentionnée  au  procès  sera  assommée  au  pied  de  la 
potence,  et  ensuite  son  corps  brûlé  avec  celuy  dudit 
Perrichon.  » 


PROCES   CRIMINEL   DE    CLAUDE    PARISOT 

ACCUSÉ   DE  VIOLS 
ET  d'avoir  habité  CHARNELLEMENT  AVEC  UNE  ANESSE 

4°  juin  1614. 


Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  criminel 
fait  pardevant  le  Prévost  du  Mans,  à  rencontre  de 
Claude  Parisot,  marchand  épicier  de  laditte  ville, 
accusé  d'avoir  commis  plusieurs  viols,  sodomies, 
et  en  outre  d'avoir  connu  charnellement  et  detesta- 
blement  une  asnesse  mentionnée  au  présent  procès  ; 

Le  procès  verbal  fait  pardevant  ledit  Prévost  le 
mardy  vingt  huitième  jour  d'avril  mil  six  cent  qua- 
torze, contenant  les  dépositions,  témoignages  et 
déclarations  des  nommez  Pierre  Robinot,  exempt 
du  guet  de  laditte  ville,  assisté  et  accompagné  de 
Jacques  Toussard  le  jeune,  Mathieu  Crochefer  dit 
le  boiteux,  Paul  de  la  Pomardiere  et  Julien  Etienne 
Tambureau,  archers  dudit  guet  ; 

L'interrogatoire  fait  par  ledit  Prevot  audit  Claude 
Parisot  le  mercredy  vingt  neuvième  dudit  mois,  les 
dénégations  et  deffenses  alléguées  par  ledit  accusé; 

Les  dépositions,  témoignages,  charges  et  déclara- 
tions faites  en  présence  dudit  Prevot,  le  samedy 


172  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


deuxième  jour  du  mois  de  mai  dernier,  par  les 
nommez  Charles  Criquetot,  maître  serrurier  ; 
Abraham  Toulaville,  chirurgien  ;  Philippe  Bernard 
du  pont  sainte  Catherine,  tailleur  d'habits  ;  David 
Le  Creux,  maitre  et  marchand  orfèvre,  tous  habi- 
tans  de  laditte  ville,  lesquels,  après  le  serment 
accoutumé  de  dire  pure  et  entière  vérité,  ont  cer- 
tifié leurs  déclarations  sincères  et  véritables  ; 

Les  dépositions,  témoignages  et  déclarations 
faites  pardevant  ledit  Prevot,  le  lundy  quatrième 
jour  du  mois  de  may,  par  la  nommée  Marie  Thérèse 
Angélique  Du  Chapnoir,  femme  dudit  Claude  Pari- 
sot  ; 

La  requête  présentée  dudit  Prevot,  le  jeudy  sep- 
tième jour  dudit  mois,  par  le  nommé  Ambroise 
Parisot,  frère  dudit  Claude  Parisot,  marchand  char- 
cuitier  de  laditte  ville  du  Mans,  tendante  à  ce  que, 
sans  avoir  égard  à  la  demande  formée  par  laditte 
Marie  Thérèse  Angélique  Du  Chapnoir,  par  sa 
requête  verbale,  elle  en  soit  déboutée,  et  condamnée 
aux  dépens,  dommages  et  interests  ; 

La  requête  présentée  audit  Prevot  le  samedy 
neuvième  dudit  mois  par  laditte  Marie  Thérèse 
Angélique  Du  Chapnoir,  tendante  à  ce  que,  sans 
avoir  égard  à  celle  présentée  par  Ambroise  Parisot, 
il  en  soit  deboutté,  et  en  conséquence  qu'en  lui 
adjugeant  les  conclusions  de  sa  requête  verbale  du 
quatrième  dudit  mois,  elle  soit  séparée  de  corps  et 
de  biens  dudit  Claude  Parisot,  son  mary,  et  son 


CLAUDE   PARISOT 


173 


bien  rendu,  avec  ses  reprises  et  conventions  matri- 
moniales ; 

L'interrogatoire  fait  par  ledit  Prevot,  le  mardy 
douzième  dudit  mois,  auxdits  Ambroise  Parisot 
et  Marie  Thérèse  Angélique  Du  Chapnoir  ; 

La  confrontation  faite,  le  vendredy  quinzième 
dudit  mois,  desdits  Claude  Parisot  et  desdits 
Ambroise  Parisot,  Marie  Thérèse  Angélique  Du 
Chapnoir,  Pierre  Robinot,  Jacques  Toussard  le 
jeune,  Mathieu  Crochefer,  Paul  de  La  Pomadiere 
et  Julien  Etienne  Tambureau,  et  encore  des  nom- 
mez Charles  Criquetot,  Abraham  Toulaville,  Phi- 
lippe Bernard  du  pont  sainte  Catherine,  et  Melchior 
David  Le  Creux,  tous  manans  et  habitans  de  laditte 
ville  du  Mans  ; 

La  sentence  rendue  le  samedy  seizième  dudit 
mois,  par  ledit  Prevot,  par  laquelle  ledit  Claude 
Parisot  est  déclaré  duement  atteint  et  convaincu 
d'avoir  commis  violences  et  brutalitez  envers  les 
nommées  Jeanne  Pratellaville,  fille  de  Jean  de  Pra- 
tella ville,  maître  fruitier  oranger  de  la  ville  du 
Mans,  et  de  Bénédictine  Ambroisette  Le  Merle,  sa 
femme  ;  et  Elisabeth  Vauvillain,  fille  de  Joseph 
Henry  Vauvillain,  valet  de  chambre  de  Monsei- 
gneur l'Eveque  du  Mans,  et  de  Geneviève  Ray- 
monde,  sa  femme;  et  encore  d'avoir  abusé  et  eu 
copulation  charnelle  avec  une  asnesse  :  pour  répa- 
ration desquels  crimes  et  cas  énormes,  ledit  Claude 
Parisot  est  condamné  à  être  brûlé  vif  et  ses  cendres 


174  LES   PROCES  DE  BESTIALITE 


jettées  au  vent  ;  déclare  ladite  sentence  tous  et  un 
chacun  les  biens  dudit  Parisot  acquis  et  confisqués 
au  profit  du  Roy,  sur  lesquels  néanmoins  sera  prise 
la  somme  de  cent  livres  d'amende  envers  ledit  sei- 
gneur Roy,  et  celle  de  trois  mille  livres,  laquelle 
somme  de  trois  mille  livres  sera  remise  et  distri- 
buée par  égale  portion,  l'une  à  Jean  de  Pratteville 
et  à  Bénédictine  Ambroisette  Le  Merle,  père  et 
mère  de  laditte  Jeanne  de  Pratteville,  et  l'autre  à 
la  nommée  Geneviève  Raymonde,  veuve  de  Joseph 
Henry  Vauvillain,  père  et  mère  de  laditte  Elisabeth 
Vauvillain,  par  forme  de  dommages  et  interests  ; 

L'appel  interjette  de  laditte  sentence  au  nom  du- 
dit Claude  Parisot,  ledit  appel  en  datte  dudit  jour 
seizième  may  ;  ou}^  sur  ce  et  vues  aussi  les  conclu- 
sions du  Procureur  gênerai  du  Roy,  et  tout  consi- 
déré : 

La  Cour  a  mis  et  met  à  néant  ledit  appel  à  la  sen- 
tence du  Prevot  du  Mans  ;  ordonne  qu'elle  sera 
exécutée  selon  sa  forme  et  teneur,  et  néanmoins 
emendant  laditte  sentence,  ordonne  que  l'asnesse 
avec  laquelle  ledit  Claude  Parisot  a  commis  ledit 
crime  et  délit  sera  assommée  en  sa  présence,  et  le 
corps  d'icelle  jette  à  la  voirie  ;  confirme  laditte  Cour 
le  surplus  de  laditte  sentence,  pour  l'exécution  de 
laquelle  et  du  présent  arrest  renvoyé  ledit  Claude 
Parisot  prisonnier  pardevers  le  Prévost  du  Mans. 
Fait  à  Paris  en  Parlement,  cejourd'huy  quatrième  jour 
du  mois  de  juin,  l'an  de  grâce  mil  six  cent  quatorze. 


CLAUDE   PARISOT  175 


Et  au  bas  de  Tarrest  est  un  retentum  portant  que 
ledit  Claude  Parisot  seroit  étranglé  au  poteau 
auquel  il  seroit  attaché,  avant  de  sentir  le  feu. 


PROCÈS  CRIMINEL  DE  ABRAHAM  BERTHIN 

ACCUSÉ    d'inceste 

ET   d'habitation    CHARNELLE    AVEC    UNE    CAVALLE 

8^  février  162 1. 


Nous,  Jérôme  Louis  Barbantel,  ecuyer  du  sieur 
d'Auffeterre,  Lieutenant  Criminel  de  la  ville  et 
Sénéchaussée  de  La  Rochelle,  vu  le  procès  criminel 
faitpardevant  nous  à  l'encontre  d'Abraham  Berthin, 
négociant  de  cette  ditte  ville,  accusé  d'inceste,  et 
en  outre  d'avoir  habité  et  connu  charnellement  une 
cavalle  mentionnée  au  procès  ; 

La  requête  à  nous  présentée  par  Marie  Anne  Du 
Chemin,  veuve  d'Antoine  Du  Pilon,  négociant  à 
La  Rochelle,  tendante  à  ce  qu'il  soit  par  nous  informé 
de  la  conduite  scandaleuse  tenue  par  le  nommé 
Abraham  Berthin,  son  beau-frere,  laditte  Marie 
Anne  Du  Chemin,  sœur  de  deffunte  Rose  Du  Che- 
min, en  son  vivant  femme  dudit  Abraham  Berthin  ; 
laditte  requête  en  datte  du  vendredy  vingt  quatre 
décembre  1620; 

L'interrogatoire  par  nous  fait  le  jeudy  trente 
dudit  mois,  contenant  les  témoignages,  dépositions, 
charges  et  déclarations  faites  par  Nicolas  Chevalet, 


ABRAHAM   BERTHIN  177 


ancien  officier  du  régiment  de  Bretagne  ;  Gilles  de 
Haultcœur,  commis  et  intéressé  dans  les  affaires 
du  Roy;  Maurice  Hillaire  Le  Brun,  receveur  des 
gabelles  et  traites  de  Sa  Majesté  au  païs  d'Aunis  et 
généralité  de  La  Rochelle;  et  Eustache  de  Saint- 
Paul,  garde  magasin  des  poudres  de  l'arcenal  de 
laditte  ville  de  La  Rochelle  ; 

La  requête  à  nous  présentée  par  ledit  Abraham 
Berthin,  tendante  à  ce  qu'il  nous  plaise  interdire 
laditte  Marie  Anne  Du  Chemin,  laditte  requête  du 
quatre  janvier  1621  ; 

La  requête  présentée  le  cinq  dudit  mois  par 
Marie  Anne  Du  Chemin  tendante  à  ce  qu'il  nous 
plaise  interroger  sur  faits  et  articles  ledit  Berthin, 
et  la  nommée  Elisabeth  Guillelmine  Berthin,  veuve 
de  Jeremie  Blondel,  et  en  conséquence  ordonner 
qu'ils  seront  constitués  prisonniers  à  la  requête  de 
la  suppliante,  poursuite  et  diligence  du  Procureur 
du  Roy  ; 

L'interrogatoire  par  nous  fait  le  huit  dudit  mois 
auxdits  Berthin  et  Veuve  Blondel,  sa  sœur,  ledit 
jour  huit  janvier  ; 

La  requête  présentée  par  laditte  veuve  Blondel, 
le  dix  dudit  mois,  tendante  à  ce  que,  sans  s'arrêter 
aux  demandes  portées  par  la  requête  de  laditte  Du 
Chemin,  elle  soit  élargie  des  prisons,  sous  une 
bonne  caution,  et  présente  à  cet  effet  le  nommé 
Josias  Barton,  marchand  orfèvre,  demeurant  en  cette 
ville,  lequel  s'est  offert  et  s'offre   de   représenter 

<2 


178  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


laditte  veuve  Blondel  toutes  et  quantes  fois  nous  le 
requererons,  à  ses  risques,  périls,  et  fortunes  ; 

La  sentence  par  nous  rendue  le  onze  dudit  mois, 
par  laquelle,  ayant  égard  à  la  requête  présentée  par 
laditte  veuve  Blondel,  nous  aurions  accepté  et  receu 
ledit  Josias  Barton  pour  la  caution  de  laditte  veuve 
Blondel,  à  la  charge  par  luy,  à  ses  propres  risques, 
périls  et  fortunes,  de  la  représenter  toutes  les  fois  et 
quantes  nous  la  requererons  ;  en  conséquence,  per- 
mettons à  ladite  veuve  Blondel  de  sortir  et  vuider 
les  prisons,  sous  la  ditte  caution  et  auxdittes  char- 
ges et  conditions. 

Les  témoignages,  dépositions,  charges  et  décla- 
rations faites  pardevant  nous  le  douze  dudit  mois, 
par  les  nommez  Augustin  Timoye,  gagnedeniers  ; 
Bertrand  Bertrangel,  hollandois  de  nation  et  mate- 
lot engagé  dans  la  marine  de  cette  ville  ;  Salomon 
Rocheries,  sieur  de  Plaussay,  officier  de  la  marine  ; 
et  Richard  Simonet,  valet  de  chambre  dudit  sieur  de 
Plaussay  ; 

La  confrontation  dudit  Abraham  Berthin  et  des 
susdits  veuve  Blondel,  Nicolas  Chevalet,  Gilles  de 
Hautcœur,  Maurice  Hilaire  Le  Brun,  Eustache  de 
saint  Paul,  Marie  Anne  Du  Chemin,  Bertrand  Ber- 
trangel, Salomon  Rocherie  sieur  de  Plassay,  Richard 
Simonnet,  et  Augustin  Timoye,  ledit  procès  verbal 
fait  le  samedy  quinze  dudit  mois  ; 

Avons  déclaré  ledit  Abraham  Berthin  duement 
atteint  et  convaincu  d'inceste  par  lu}^  commis  avec 


ABRAHAM   BERTHIN  179 


laditte  veuve  Blondel,  sa  sœur,  et  encore  d'avoir  eu 
copulation  charnelle,  détestable  et  contre  nature 
avec  une  cavalle;  déclarons  aussy  pareillement 
laditte  veuve  Blondel  duement  atteinte  et  convain- 
cue de  crime  d'inceste  commis  avec  ledit  Berthin, 
son  frère  ;  en  conséquence  ordonnons  que  ledit 
Abraham  Berthin  sera  conduit  dans  un  tombereau 
à  une  potence  qui  sera  pour  cet  effet  dressée  sur  le 
port  de  mer  de  cette  ville,  laditte  veuve  Blondel 
attachée  audit  tombereau,  ensuite  fouettée  par  l'Exé- 
cuteur de  la  haute  justice  au  pied  de  laditte  potence  ; 
quoy  fait,  laditte  veuve  Blondel  présente  à  l'exé- 
cution, sera  ledit  Abraham  Berthin  pendu  et  étranglé 
à  laditte  potence,  et  ensuite  son  corps  et  celuy 
de  laditte  cavalle  avec  laquelle  il  a  commis  ledit 
délit,  préalablement  assommée,  jettez  dans  un  feu 
qui  sera  allumé  au  pied  de  laditte  potence,  leurs 
cendres  jettées  dans  la  mer;  et  laditte  Elisabeth 
Guillelmine  Berthin,  veuve  de  Jeremie  Blondel, 
enfermée  pour  le  reste  de  ses  jours  dans  la  maison 
de  force  de  cette  ville,  au  pain  et  à  l'eau  et  à  la  cor- 
rection pendant  la  première  année  qu'elle  y  sera  ; 
déclarons  en  outre  tous  et  chacun  des  biens  dudit 
Abraham  Berthin  acquis  et  confisqués  au  profit  de 
qui  il  appartiendra,,  sur  lesquels  néanmoins  sera  prise 
et  prélevée  la  somme  de  cinq  cent  livres  d'amende 
envers  le  Roy  ;  et  ceux  de  laditte  Elisabeth  Guillel- 
mine Berthin,  veuve  Blondel,  acquis  et  confisqués 
au  profit  des  héritiers  de  laditte  Berthin,  et  de  Jere- 


l8o  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


mie  Blondel,  sur  lesquels  pareillement  sera  prélevée 
par  chacun  an  la  somme  de  quatre  cent  livres  de 
pension  viagère,  et  ce  pendant  la  vie  de  laditte 
veuve  Blondel,  de  laquelle  pension  viagère  seront 
chargés  seulement  les  héritiers  de  laditte  veuve. 
Donné  à  La  Rochelle  par  nous  susdit  Lieutenant 
criminel  le  lundy  dix-septieme  jour  de  janvier  mil 
six  cent  vingt  et  un. 


Cette  sentence  a  été  confirmée  purement  et  sim- 
plement par  le  Parlement,  le  8  février  1621. 


PROCES  CRIMINEL  D'ANTOINE  DE  LA  RUE 

ACCUSÉ   DE   SODOMIE 
ET  D'HABITATION    CHARNELLE  AVEC   UNE  JUMENT 

3°  aoust  1622. 


L'an  mil  six  cent  vingt  et  deux,  le  mercredy  troi- 
sième jour  du  mois  de  may,  en  présence  de  nous, 
Georges  Fermelhore,  Bailly  de  Montpensier,  fut 
amené  et  conduit  par  les  nommez  Jean  Barrât  Du 
Hivoy,  exempt  et  chef  de  la  brigade  de  la  Mare- 
chaussée  de  cette  ville,  assisté  de  Thomas  Le  Huge, 
Richard  Poirat,  Louis  Durandet  et  Alexandre  Tor- 
laniere,  archers  et  cavaliers  de  laditte  brigade,  un 
quidam  vêtu  d'un  habit  brun,  avec  des  boutons 
d'orfevrie  et  les  culottes  de  panne  rouges,  lequel 
quidam  lesdits  exempt  et  archez  susnommez  au- 
roient  arrêté  suivant  notre  ordre  portant  décret  de 
prise  de  corps  contre  ledit  quidam,  que  nous  aurions 
questionné  et  interrogé  en  la  manière  et  forme  qui 
s'ensuit  : 

Interrogé  quel  nom  il  avoit,  a  repondu  être 
nommé  et  appelle  Antoine  de  La  Rue. 


l82  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


Interrogé  quelle  etoit  sa  profession,  a  repondu 
être  maitre  charron. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  avoir 
trente  cinq  ans  accomplis  le  vingt  huitième  jour 
d'avril  dernier. 

Interrogé  de  quel  païs  il  etoit,  a  repondu  être  de 
saint  Lo,  diocèse  d'Avranches,  en  Normandie,  et 
qu'il  seroit  venu  habiter  au  présent  lieu  de  Mont- 
pensier. 

Interrogé  s'il  etoit  vray  ce  dont  on  l'accusoit, 
d'avoir  eu  copulation  charnelle  avec  une  jument,  a 
repondu  que  non,  et  qu'il  ne  pouvoit  se  trouver 
personne  qui  put  avancer  ce  fait  calomnieux  ;  après 
lesquels  interrogatoires  avons  renvoyé  ledit  Antoine 
de  La  Rue  en  prison. 


Cejourd'huy  vendredy  sixième  jour  du  mois  de 
may,  sont  comparus  pardevant  nous  les  témoins  cy 
après  nommez,  lesquels,  après  avoir  fait  le  serment 
accoutumé  de  ne  dire  que  la  pure  et 'simple  vérité, 
ont  déclaré  ce  qui  suit  : 

Pierre  Frenoy  dit  Bellaumere,  teinturier  de  cette 
ville,  a  déclaré  que  le  vingt  six  février  dernier,  sur 
les  huit  heures  du  soir,  étant  rentré  chez  ledit 
Antoine  de  La  Rue,  son  compère,  il  l'avoit  apperçu 


ANTOINE   DE   LA   RUE  183 

dans  l'écurie  accouplé  et  en  copulation  charnelle 
avec  une  jument  blanche  ;  que  ne  sçachant  ce  que 
cela  pouvoit  signifier  il  s'etoit  approché  et  avoit 
reconnu  la  vérité  de  ce  que  dessus,  et  que  répri- 
mandant fort  ledit  de  La  Rue  et  luy  disant  qu'ayant 
une  si  jolie  femme  il  avoit  encore  plus  de  tort  de 
s'amuser  avec  une  bete,  surquoy  ledit  de  La  Rue 
luy  avoit  repondu  que  ce  n'etoit  que  pour  rire,  et 
qu'il  n'y  retourneroit  plus;  mais  que  malgré  cela 
il  avoit  sçu  depuis  que  ledit  de  La  Rue  etoit 
retombé  dans  ledit  crime. 

Raymond  Pardiat,  apotiquaire  de  cette  ditte  ville, 
a  dit  et  déclaré  que  le  lundy  dix  huitième  avril  dernier 
ledit  Antoine  de  La  Rue  seroit  venu  chez  luy  pour 
lui  demander  un  onguent  pour  adoucir  une  douleur 
qu'il  se  sentoit,  et  qu'ayant  questionné  ledit  Antoine 
de  La  Rue  sur  l'endroit  du  mal  et  la  cause  d'iceluy, 
quoy  que  ledit  de  La  Rue  ne  luy  ait  rien  voulu 
avouer  il  s'etoit  bien  aisément  apperçu  que  ledit  de 
La  Rue  s'etoit  ecorché  dans  quelque  copulation 
charnelle  ;  que  néanmoins  il  avoit  donné  audit  de  La 
Rue  l'onguent  qu'il  souhaitoit. 

Thomas  Le  Fèvre,  dit  Belle  Humeur,  garçon  cha- 
ron  au  service  dudit  Antoine  de  La  Rue,  a  déclaré 
qu'il  sçavoit  que  ledit  Antoine  de  La  Rue  avoit 
continuelle  habitation  charnelle  avec  la  jument 
blanche  qui  etoit  dans  son  écurie,  ne  l'ayant  même 
achettée  qu'à  cette  intention. 

Surquoy  lesdits  témoins,  ayans  de  nouveau  certi- 


184  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


fié  leurs  présentes  déclarations  sincères  et  véritables, 
se  sont  retirez. 


Cejourd'huy  samedy  quatorzième  jour  de  may, 
en  présence  de  nous  est  comparue  Angélique  Renée 
Millot,  femme  d'Antoine  de  La  Rue,  laquelle,  après 
avoir  fait  le  serment  accoutumé  de  dire  pure  et 
simple  vérité,  a  déclaré  que  ledit  Antoine  de  La 
Rue,  son  mary,  non  content  de  la  maltraiter  et  de 
la  battre,  et  outre  cela  de  s'accoupler  journellement 
avec  une  cavalle,  ce  qu'il  faut  qu'elle  complaignante 
souffre  sans  oser  se  plaindre,  ce  néanmoins  ledit 
de  La  Rue  l'auroit  sollicitée  et  vivement  pressée, 
et  même  violentée,  de  se  laisser  connoître  char- 
nellement contre  nature,  et  d'une  autre  manière  que 
la  bien  séance  conjugale  le  permet  ;  ce  que  n'ayant 
jamais  voulu  souffrir,  et  même  ayant  voulu  se 
séparer  et  coucher  dans  une  chambre  séparée, 
néanmoins  ledit  de  La  Rue  l'auroit  surprise  une 
nuit  endormie  et  auroit  exécuté  ses  détestables 
desseins,  ce  que  laditte  complaignante  n'avoit  pu 
empêcher  malgré  ses  cris,  aucuns  de  ses  voisins 
n'ayans  garde  de  soupçonner  ce  qui  en  etoit  ;  pour- 
quoy  requeroit  laditte  Angélique  Renée  Millot, 
pour  le  repos  et  sûreté  de  sa  conscience,  de  la 
séparer  de  corps  et  de  biens  dudit  Antoine  de  La 
Rue,  son  mary. 


ANTOINE   DE   LA   RUE  185 


Cejourd'huy  vendredy  vingtième  jour  du  mois  de 
may,  fut  amené  pardevant  nous  Antoine  de  La  Rue, 
auquel  avons  fait  faire  lecture  tant  du  procès  ver- 
bal, de  l'interrogatoire  et  réponses  faites  par  luy 
accusé,  et  aussi  des  témoignages,  dépositions  et 
déclarations  faites  pardevant  nous  ;  ensuite  dequoy 
avons  demandé  audit  Antoine  de  La  Rue  s'il  avoit 
et  pouvoit  fournir  des  deffenses  aux  accusations 
sus  alléguées,  lequel  nous  auroit  repondu  que  quand 
auxdits  témoignages  et  déclarations  des  nommez 
Bellaumere,  Pardiat  et  Belle  Humeur,  qu'ils  etoient 
entièrement  faux  et  calomnieux,  et  que  pour  ce  qui 
concernoit  laditte  Angélique  Renée  Millot  qu'elle 
a  tort  de  dire  qu'il  ait  jamais  voulu  en  user  avec 
elle  d'une  autre  façon  que  les  lois  du  mariage  le 
peuvent  permettre  ;  qu'il  est  bien  vray  que  la  soup- 
çonnant fort  d'être  amie  de  Pardiat,  son  compère, 
il  luy  ayoit  deffendu  de  le  voir,  ce  que  ne  voulant 
point  faire,  il  avoit  été  obligé  de  luy  donner  quel- 
quefois des  coups  de  bâtons,  mais  qu'au  reste  son 
témoignage  ne  peut  luy  nuire,  attendu  qu'elle  est 
une  putain,  et  que  cette  affaire  est  concertée  avec 
ledit  Pardiat,  apotiquaire,  son  amant;  après  lesquels 
confrontations  et  interrogatoires,  ledit  Antoine  de 
La  Rue  a  été  reconduit  en  prison. 


l86  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


Nous,  Georges  Fermelhore,  licencié  es  lois,  juge 
et  bailly  de  Montpensier,...  vu...  les  dépositions, 
témoignages  et  déclarations  faites  aussy  en  notre 
présence  le  mercredy  premier  jour  du  présent  mois 
de  juin  par  Martine  Geneviève  Hilaire,  veuve  de 
Jacques  Picart,  dit  Lolive  ; 

La  confrontation  faite  le  samedy  quatrième  jour 
de  juin  de  laditte  Angélique  Renée  Millot,  femme 
dudit  accusé,  et  de  la  susnommée  Martine  Gene- 
viève Hilaire; 

Les  aveus  et  confessions  dudit  Antoine  de  La 
Rue,  en  datte  du  lundy  six  juin  ; 

Avons  déclaré  et  déclarons  ledit  Antoine  de  La 
Rue  bien  et  duement  atteint  et  convaincu  d'avoir 
eu  habitation  charnelle,  journalière  et  détestable 
avec  une  jument  blanche  mentionnée  au  procès,  et 
en  outre  d'avoir  forcé,  violenté  et  eu  connoissance 
charnelle,  contre  nature  et  les  devoirs  et  bienséance 
du  mariage,  avec  la  nommée  Angélique  Renée 
Millot,  sa  femme,  pour  réparations  desquels  crimes 
et  cas  énormes  et  scandaleux  avons  condamné  ledit 
de  La  Rue  à  être  pendu  et  étranglé  à  une  potence 
qui  sera  pour  cet  effet  dressée  dans  la  place  et  mar- 
ché de  Montpensier;  quoy  fait,  son  corps  et  celuy 
de  laditte  jument  blanche,  préalablement  assommée 
par  l'Exécuteur  de  la  haute  justice,  jettez,  ars  et 


ANTOINE   DE   LA   RUE  187 


brûlez  dans  un  feu  allumé  pour  ce  au  pied  de  laditte 
potence,  et  leurs  cendres  semées  au  vent;  décla- 
rons en  outre  tous  et  chacun  les  biens  appartenans 
audit  Antoine  de  la  Rue  séquestrez  entre  les  mains 
du  Roy  et  justice,  pour  par  nous  en  être  ordonné 
ainsi  qu'il  appartiendra  et  que  de  raison,  sans  pré- 
judice néanmoins  des  droits,  actions,  reprises  et 
prétentions  de  laditte  Angélique  Renée  Millot  et 
de  la  demande  portée  par  sa  requête;  sur  lesquels 
biens  sera  prise  et  prélevée  des  àpresent  la  somme 
de  cent  livres  d'amende  envers  le  Roy.  Donné  par 
nous,  susdit  bailly  de  Montpensier,  ce  mercredy 
vingt  deuxième  jour  de  juin  mil  six  cent  vingt 
deux. 


Cette  sentence  a  été  confirmée  purement  et  sim- 
plement par  la  Cour,  le  3  août  1622. 


PROCES  CRIMINEL 
DE    TOUSSAINT    BOUDIER 

ACCUSÉ   DE   SODOMfE 
ET  d'habitation  CHARNELLE  AVEC   UNE  ASNESSE. 

19''  aoust  1623. 

Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  criminel 
fait  pardevant  le  juge  de  Béthiay  à  l'encontre  de 
Toussaint  Boudier,  garçon  chirurgien,  demeurant 
audit  lieu  de  Béthiay,  accusé  d'avoir  connu  char- 
nellement et  contre  nature  plusieurs  personnes,  et 
encore  de  copulation  et  habitation  détestable  avec 
une  asnesse  ; 

Le  procès  verbal  fait  le  mercredy  trente  unième 
jour  de  may  mil  six  cent  vingt  trois,  pardevant  le- 
dit juge,  par  les  nommez  Jules  Bougeran,  Suisse  de 
nation,  et  Conrard  Trettembach,  aussi  suisse  de 
nation,  soy  complaignans  à  l'encontre  dudit  Tous- 
saint Boudier,  ledit  Jules  Bougeran  père  de  Leopold 
Jean  Bougeran,  violé  et  connu  charnellement  par 
force  et  violence  par  ledit  Toussaint  Boudier  ;  et 
ledit  Trettembach,  oncle  dudit  Léopold  Jean  Bou- 
geran ; 

L'ordonnance  donnée  par  ledit  juge,  portant  décret 


TOUSSAINT  BOUDIER  189 


de  prise  de  corps  contre  ledit  Toussaint  Boudier,  et 
l'emprisonnement  dudit  Toussaint  Boudier  fait  le 
jeudy  premier  jour  de  juin  ; 

Les  dépositions,  témoignages,  charges  et  décla- 
rations faites  le  samedy  troisième  jour  dudit  mois, 
pardevant  ledit  juge,  par  les  nommez  Jean  Guerin, 
charpentier;  Henry  Garraux,  dit  Sallebrayes,  cor- 
donnier ;  Adrien  Aponilh,  compagnon  masson  ;  et 
Jean  Le  Fevre  de  Boughiem,  gagnedeniers,  conte- 
nant les  accusations  contre  ledit  Toussaint  Boudier 
de  copulation  et  habitation  charnelle  avec  une 
asnesse  ; 

La  requête  présentée  par  les  nommez  Julles  Bou- 
geran  et  Conrad  Trettembach,  pour  et  au  nom  de 
Leopold  Jean  Bougeran,  leur  fils  et  neveu,  laditte 
requête  présentée  le  vendredy  neuvième  dudit  mois 
et  tendante  à  ce  qu'en  adhérant  aux  dépositions 
desdits  Jean  Guerin,  Henry  Garraux  de  Sallebrayes, 
Adrien  Aponilh  et  Jean  Le  Fevre  de  Boughiem,  qui 
prouvent  invinciblement  les  débauches  et  crimes 
horribles  dudit  Boudier,  il  soit  fait  droit  sur  le  tout; 

La  requête  présentée  par  ledit  Toussaint  Boudier, 
le  mardy  treizième  iour  dudit  mois,  tendante  à  ce 
que,  sans  avoir  égard  aux  demandes  et  plaintes  des- 
dits Bougeran  et  Trettembach,  ledit  Leopold  Jean 
Bougeran  soit  interrogé,  pour  connoitre  la  vérité 
du  fait  ; 

La  requête  présentée,  le  jeudy  quinzième  dudit 
mois,  par  lesdits  Bougeran  et  Trettembach,  tendante 


190  LES  PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


à  ce  que  ledit  Leopold  Jean  Bougeran  soit  examiné 
par  experts,  pour  connoitre  la  violence  et  force 
envers  luy  commise  par  ledit  accusé  ; 

L'interrogatoire  fait  par  ledit  juge,  le  samedy  dix 
neuvième  dudit  mois,  audit  Leopold  Jean  Bou- 
geran ; 

La  sentence  rendue  par  ledit  juge,  le  lundy  vingt 
et  un,  par  laquelle  le  nommé  Othon  Hanelmeheim, 
chirurgien  juré,  est  commis  et  nommé  pour  visiter 
ledit  Leopold  Jean  Bougeran  ; 

Le  procès  verbal  et  rapport  fait  par  ledit  Othon 
Hanelmeheim,  expert  nommé  d'office,  lequel,  après 
avoir  visité  et  soigneusement  examiné  ledit  Leopold 
Jean  Bougeran,  a  déclaré  que  ledit  complaignant 
avait  été  connu  par  force  et  violence,  et  d'une  façon 
détestable,  contre  nature  ;  ledit  rapport  et  procès 
verbal  en  datte  dumercredy  vingt  troisième  juin  ; 

La  requête  présentée  par  Isaac  Jeremie  Blanchard, 
chirurgien,  le  jeudy  premier  jour  de  juillet,  ten- 
dante à  ce  qu'au  cas  que  le  nommé  Toussaint  Bou- 
dier  soit  atteint  et  convaincu-  des  crimes  à  luy 
imputés,  et  que  consequemment  il  soit  brûlé  avec 
l'asnesse  complice  dudit  délit,  il  soit  pris  et  prélevé 
sur  les  biens  dudit  Boudier  la  somme  de  trente  six 
livres,  pour  le  prix  et  somme  à  laquelle  est  montée 
l'achat  de  laditte  asnesse  appartenant  au  suppliant  ; 

Les  aveux  et  confessions  faites  le  samedy  dixième 
juillet  par  ledit  Boudier; 

La  sentence  rendue  par  le  juge  de  Bethiay,  par 


TOUSSAINT  BOUDIER  191 


laquelle  ledit  Toussaint  Boudier  est  déclaré  due- 
ment  atteint  et  convaincu  d'avoir  commis  acte  de 
sodomie  en  la  personne  de  Leopold  Jean  Bouge- 
ran,  et  encore  d'avoir  eu  copulation  charnelle  et 
détestable  avec  une  asnesse  ;  et  en  conséquence 
condamné  à  être  pendu  et  étranglé  à  une  potence 
plantée  au  milieu  du  marché  dudit  Bethiay,etladitte 
asnesse  aussy  pareillement  pendue  et  étranglée  à 
laditte  potence  ;  quoy  fait,  leurs  corps  jettes  au  feu 
et  les  cendres  semées  au  vent  ;  déclare  en  outre 
laditte  sentence  tous  et  un  chacun  les  biens  dudit 
Boudier  acquis  et  confisquez  au  profit  de  qui  il 
appartiendra  ;  sur  lesquels  néanmoins  pris  et  pré- 
levée la  somme  de  dix  livres  d'amende  envers  le 
Roy,  celle  de  trois  cents  livres  de  dommages  et 
intérests  envers  ledit  Leopold  Jean  Bougeran,  et 
celle  de  trente  six  livres  pour  le  prix  et  somme  de 
la  valeur  de  laditte  asnesse  mentionnée  audit  procès, 
laquelle  somme  de  trente  six  livres  sera  remise  au 
nommé  Isaac  Jeremie  Blanchard,  chirurgien  au  ser- 
vice duquel  etoit  ledit  Toussaint  Boudier,  et  pro- 
priétaire de  laditte  asnesse.  Laditte  sentence  en  datte 
du  jeudy  dix  septième  juillet; 

L'appel  interjette  par  ledit  Toussaint  Boudier,  et 
généralement  toutes  les  pièces  dudit  procès  ;  ouy 
sur  ce  le  Procureur  gênerai  du  Roy  en  ses  conclu- 
sions, et  tout  considéré  ; 

La  Cour  a  mis  et  met  à  néant  l'appel  interjette  par 
ledit  Toussaint  Boudier  à  la  sentence  rendue  contre 


192  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


luy,  laquelle  sera  exécutée  ;  amendant  laditte  sen- 
tence, ordonne  laditte  Cour  quel'asnesse  mentionnée 
au  procès  sera  assommée  au  pied  de  la  potence.  Fait 
à  Paris  en  Parlement  le  dix  neuvième  jour  du  mois 
d'aoust,  Tan  de  grâce  mil  six  cent  vingt  trois. 


GORILLE 


Frémiet  (Muséum,  Paris) 


PROCÈS  CRIMINEL  DE  JEAN  PERIER 

ACCUSÉ   DE   SODOMIE 

ET    DE    BESTIALITÉ    AVEC    UNE    MULLE. 

4^^  juin  1624. 

Veu  par  la  Cour  le  procès  criminel  fait  à  la  requête, 
poursuite  et  diligence  du  substitut  du  Procureur 
gênerai  du  Roy  au  siège  de  Chef-Boutonne,  à  ren- 
contre de  Jean  Perier,  garçon  au  service  d'André 
Pradeau,  hotellier,  ledit  Perier  accusé  de  sodomie 
et  de  bestialité  avec  une  mulle  et  beste  asine  ; 

Le  procès  verbal  fait  pardevant  le  juge  de  Chef- 
Boutonne,  le  mardy  sixième  jour  de  May  dernier, 
par  les  nommés  Raoul  de  Beausejour,  Exempt  et 
chef  de  la  Brigade  de  Poitiers,  assisté  et  accompagné 
de  Jean  Beausire  de  Mimont,  Louis  Alexis  des  Ro- 
siers, Gilles  Antoine  Pironnay,  et  Mathieu  de  La 
Breaudiere,  archers  et  cavaliers  de  laditte  Bri- 
gade ' 

Les  témoignages,  charges  et  dépositions  faites 
lesdits  jour  et  an,parlesdits  de  Beausejour,  Bausire, 
de  Mimont,  des  Rosiers,  Pirronay,  et  de  La  Breau- 
diere, après  le  serment  accoutumé  par  eux  préala- 
blement fait  de  dire  pure  et  entière  vérité  ; 

L'interrogatoire    fait    ledit   jour    sixième    dudit 

u 


194  LES   PROCÈS  DE  BESTIALITÉ 


mois  par  le  juge  audit  Jean  Perier,  contenant  les 
deffenses  et  dénégations  dudit  accusé  ; 

Les  témoignages,  charges,  dépositions  et  décla- 
rations faites  en  présence  dudit  juge  le  samedy 
dixième  jour  dudit  mois  de  may,  par  les  nommez 
Ambroise  de  La  Porte,  fermier  de  la  ferme  de 
Grosnay ,  appartenante  à  Monsieur  de  Tracy-Billaire, 
Conseiller,  Secrétaire  du  Roy  Maison  et  Couronne 
de  France,  et  de  ses  finances  en  la  généralité  de 
Poitiers  ;  ledit  Ambroise  de  La  Porte  parrain  dudit 
Jean  Perier,  accusé  ;  Michel  Gadasse,  serrurier  au- 
dit Bourg  de  Chef-Boutonne  ;  et  Geneviève  Antoi- 
nette Lefort,  veuve  de  Joseph  Tyronet,  labou- 
reur; 

La  requête  présentée  pardevant  ledit  juge,  le  lundy 
douzième  jour  dudit  mois,  par  ledit  Jean  Perier, 
tendante  à  ce  qu'ayant  égard  aux  dépositions, 
témoignages  et  déclarations  faites  le  samedy  précè- 
dent par  ledit  Ambroise  de  La  Porte,  ledit  suppliant 
soit  déchargé  de  toutes  accusations  ; 

La  requête  présentée  le  mardy  treizième  jour 
dudit  mois,  par  Aufroy  Le  Riche,  vigneron,  et 
Jeanne  Le  Court,  sa  femme,  pour  et  au  nom  de 
Girard  Le  Riche,  leur  fils,  tendante  à  ce  que, 
attendu  que  ledit  Jean  Perier  a  abusé  et  séduit  ledit 
Girard  Le  Riche,  âgé  seulement  d'onze  ans,  et 
commis  avec  lui  copulation  charnelle  et  sodomie 
détestable,  ledit  accusé  soit  condamné,  outre  la 
peine    corporelle,    à    payer    aux    supplians    telle 


JEAN   PERIER  195 


somme  qu'il  plairoit  d'ordonner,  pour  dommages 
et  interests  ; 

La  confrontation  faite  en  présence  dudit  juge,  de 
la  personne  dudit  Jean  Perier,  accusé,  et  desdits 
Raoul  de  Beauséjour,  Jean  Beaussire  de  Mimont, 
Louis  Alexis  des  Rosiers,  Gilles  Antoine  Pirronay, 
Mathieu  de  La  Breaudiere,  Ambroise  de  La  Porte, 
Michel  Gadasse,  Geneviève  Antoinette  Le  Fort 
veuve  de  Joseph  Tyronet,  Auffroy  Le  Riche,  Jeanne 
Le  Court  sa  femme,  et  Girard  Le  Riche  leur  fils, 
témoins  et  accusateurs  ;  lesquels  témoins  ont  per- 
sisté dans  leurs  témoignages  et  dépositions,  et  ledit 
Perier  en  ses  dénégations  et  deffenses  ;  laditte  con- 
frontation faite  le  mercredy  quatrième  jour  dudit 
mois; 

La  sentence  rendue,  le  samedy  dix  septième  jour 
dudit  mois,  portant  condamnation  contre  ledit  Jean 
Perier  ; 

L'acte  d'appel  interjette  au  nom  dudit  Perier,  et 
généralement  toutes  les  pièces  dudit  procès  ;  ouy 
sur  ce  le  Procureur  gênerai  du  Roy  en  ses  conclu- 
sions, et  tout  considéré  ; 

La  Cour  a  mis  et  met  à  néant  l'appel  interjette  au 
nom  de  Jean  Perier  de  la  sentence  rendue  par  le 
juge  de  Chef-Boutonne  ;  ordonne  qu'elle  sera  exé- 
cutée selon  sa  forme  et  teneur,  et  en  conséquence 
déclare  ledit  Jean  Perier  duement  atteint  et  con- 
vaincu d'avoir  commis  acte  de  sodomie  avec  le 
nommé  Girard  Le  Riche,  âgé  d'onze  ans  etdemy,  et 


196  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


aussi  d'avoir  eu  habitation  charnelle  et  détestable 
avec  une  musle  et  beste  asine  ;  pour  réparation  des- 
quels crimes  et  cas  énormes,  ordonne  laditte  Cour 
que  ledit  Jean  Perier  sera  pendu  et  étranglé  à  une 
potence  qui  sera  pour  cet  effet  dressée  dans  la  place 
et  halles  de  Chef-Boutonne  ;  quoy  fait,  son  corps  et 
celuy  de  la  mulle  avec  laquelle  il  a  commis  ledit 
crime  et  délit,  préalablement  étranglée,  jettez  dans 
un  feu  qui  sera  allumé  auprès  de  laditte  potence,  et 
les  cendres  mêlées  ensemble  et  semées  au  vent  ; 
déclare  en  outre  la  Cour  tous  et  un  chacun  des  biens 
dudit  Jean  Perier  acquis  et  confisqués  au  profit  de 
Sa  Majesté,  sur  lesquels  sera  néanmoins  prise  et 
prélevée  la  somme  de  cent  livres  d'amende  envers 
ledit  seigneur  Roy,  et  pour  le  surplus  des  demandes 
portées  par  la  requeste  desdits  Auffroy  Le  Riche  et 
Jeanne  Le  Court,  pour  et  au  nom  de  Girard  Le 
Riche,  leur  fils,  et  leurs  demandes  en  dommages  et 
interests,  laditte  Cour  les  a  deboutté  des  fins  de 
laditte  requête  ;  ordonne  aux  dits  Le  Riche  et  sa 
femme  de  veiller  mieux  sur  la  conduite  dudit 
Girard  Le  Riche,  leur  fils.  Fait  à  Paris  en  Parle- 
ment, ce  quatrième  jour  du  mois  de  juin,  l'an  de 
grâce  mil  six  cent  vingt  quatre. 


PROCES  CRIMINEL  DE  AMBROISE  VERNART 

ACCUSÉ   DE   VIOL   AVEC   SACRILEGE, 

ET   DE    BESTIALITÉ   AVEC   UNE    CAVALLE 

10*^  juin  1624. 

L'an  mil  six  cent  vingt  quatre,  le  samedy  dou- 
zième jour  du  mois  d'avril,  en  présence  et  pardevant 
nous,  Bailly  de  Bonnestable,  fut  amené  et  conduit 
par  Robert  Estienne  Du  Moulin,  Exempt  et  chef  de 
la  brigade  de  la  Maréchaussée  de  Vendosme, 
accompagné  de  Romain  Du  Tuplet,  Mire  Le  Bel, 
André  Riffart,  et  Ardillon  Granger,  dit  La  Fleur, 
archers  et  cavaliers  de  laditte  brigade,  un  quidam 
vêtu  de  drap  rouge,  que  lesdits  Exempt  et  archers 
susnommez  auroient  certifié  et  témoigné  avoir  sur- 
pris en  copulation  charnelle  avec  une  femme  dans 
l'Eglise  du  présent  lieu  de  Bonnestable,  lequel  qui- 
dam ils  avoient  amenez,  à  la  requête  de  plusieurs 
particuliers  qui  se  sont  trouvez  dans  laditte  Eglise, 
et  de  la  femme  avec  laquelle  il  etoit  en  copulation 
charnelle,  qui  assura  et  protesta  que  ledit  quidam 
l'avoit  prise  et  violée  par  force;  auquel  quidam 
aurions  fait  les  demandes  suivantes  : 

Interrogé  quel  nom  il  avoit,  a  repondu  être 
appelle  Ambroise  Vernart. 


198  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


Interrogé  quel  etoit  son  employ  et  profession,  a 
repondu  qu'il  etoit  charpentier. 

Interrogé  quel  âge  il  avoit,  a  repondu  qu'il  avoit 
quarante  ans. 

Interrogé  dequel  païs  il  etoit,  a  repondu  qu'il  etoit 
du  Mans. 

Interrogé  s'il  connoissoit  la  femme  avec  laquelle 
on  Tavoit  trouvé  en  copulation  charnelle,  a  repondu 
que  non  et  a  nié  l'avoir  connu  charnellement,  après 
lesquels  interrogatoires  ledit  Ambroise  Vernart  a 
été  reconduit  en  prison. 


Cejourd'huy  lundy  quatorzième  jour  du  mois 
d'avril  est  comparu  pardevant  nous  une  quidamme 
vêtue  d'un  just  rouge  et  un  jupon  bleu,  laquelle 
nous  a  déclaré  être  appelée  Marie  Tranchet,  et  être 
veuve  d'Hugues  Babu,  cordonnier,  laquelle  com- 
plaignante  auroit  dit  que  samedy  dernier  à  huit 
heures  du  matin  étant  à  l'Eglise  où  elle  se  seroit 
endormie,  un  quidam  vêtu  de  drap  rouge  et  âgé 
d'environ  quarante  à  quarante  cinq  ans,  seroit  venu 
auprès  d'elle  et  se  seroit  mis  en  devoir  de  coucher 
avec  elle  ;  que  s'etant  reveillée  elle  s'etoit  mise  à 
crier  et  à  représenter  audit  quidam  la  sainteté  du 
lieu  où  ils  etoient,  mais  que  malgré  ses  remon- 
trances et  toute  la  résistance  qu'elle  avoit  pu  faire, 
ledit  quidam  avoit  accompli  sa  volonté,  tant  qu'en- 


AMBROISE   VERNART  I99 


fin  par  ses  cris  quelques  personnes  etoient  venues 
dans  laditte  Eglise  et  auroient  fait  prendre  ledit 
quidam  par  la  Maréchaussée,  surquoy  sçachant  que 
ledit  quidam  avoit  été  par  nous  constitué  prison- 
nier, elle  requeroit  de  nous  justice,  avec  dépens, 
dommages  et  interests,  après  quoy  laditte  Marie 
Trancliet  s'est  retirée. 


Cejourd'huy  mercrpdy  seizième  jour  du  mois 
d'avril,  sont  comparus  pardevant  nous  les  témoins 
cy  après  nommez,  lesquels,  après  avoir  fait  le  ser- 
ment accoutumé  de  dire  pure  et  entière  vérité,  ont 
déclaré  ce  qui  suit  : 

RaynoLOnd  de  Villefort,  maitre  apotiquaire  dudit 
lieu  de  Bonnestable,  a  déclaré  qu'il  sçavoit,  et  que 
ledit  Ambroise  Vernart  avoit  achetté  une  cavalle, 
laquelle  lui  servoit  de  concubine,  et  avec  qui  il 
avoit  copulation  charnelle,  journalière  et  habi- 
tuelle. 

Mathias  Bureau,  mercier  roulant,  demeurant 
ordinairement  à  Bonnestable,  a  déclaré  la  même 
chose  que  Raymond  de  Villefort. 

Emery  Bondolle,  épicier,  a  déclaré  les  mêmes 
choses  que  les  deux  susnommez. 

Apres  lesquelles  demandes  et  interrogatoires,  les- 
dits  témoins  se  sont  retirez. 


200  LES   PROCES  DE  BESTIALITE 


Le  samedy  douzième  jour  du  mois  de  may,  en 
présence  de  nous  fut  amené  le  nommé  Ambroise 
Vernart,  détenu  prisonnier,  auquel  avons  fait  faire 
lecture  tant  du  procès  verbal  et  des  dépositions  des 
nommez  Robert  Etienne  Du  Moulin,  Romain  du 
Tuplet,  Mire  Le  Bel,  André  Riffart  et  Ardillon 
Granger  dit  Lafleur,  que  de  la  plainte  formée  par 
Marie  Tranchet  et  des  dépositions  de  Raymond  de 
Villefort,  Mathias  Bureau  et  Emery  De  Bondolle, 
lesquels  témoins,  présent  ledit  Ambroise  Vernart, 
accusé,  ont  persisté  dans  leurs  dittes  déclarations 
et  témoignages,  comme  aussi  ledit  Vernart  en  ses 
deffenses  et  dénégations  ;  surquoy  lesdits  témoins 
retirez,  ledit  Vernart  a  été  par  notre  ordre  reconduit 
en  prison. 


Nous,  André  Simon  de  Magny,  Licencié  es  Lois, 
Bailly  de  cette  ville  de  Bonnestable,  vues...  les 
aveux  et  confessions  faites  par  ledit  Ambroise  Ver- 
nart, avons  déclaré  et  déclarons  ledit  Ambroise 
Vernart  bien  et  duement  atteint  et  convaincu  d'avoir 
violé  et  forcé  avec  sacrilège  et  dans  l'Eglise  la 
nommée  Marie  Tranchet,  et  encore  d'avoir  eu 
copulation  et  habitation  charnelle  avec  une  cavalle  ; 


AMBROISE   VERNART  201 


pour  réparation  desquels  cas  et  crimes  énormes 
ordonnons  que  ledit  Ambroise  Vernart  sera  con- 
duit nue  tête,  pieds  nus  la  torche  de  cire  jaune  au 
poing  du  poids  de  deux  livres,  devant  laditte  Eglise 
et  paroisse  principale  de  Bonnestable,  et  là  dira  et 
déclarera  à  haute  et  intelligible  voix  que  mécham- 
ment il  avoit  proféré  les  blasphèmes  et  impietez 
mentionnez  au  procès,  et  commis  ledit  crime  et 
sacrilège  dont  il  se  repent  et  demande  très  humble- 
ment pardon  à  Dieu,  au  Roy  et  à  la  justice  ;  ensuite 
dequoy  le  poing  dudit  accusé  sera  coupé  par  l'Exé- 
cuteur de  la  haute  justice,  devant  laditte  Eglise  ; 
quoy  fait  sera  ledit  Vernart  pendu  et  étranglé  à  une 
potence  qui  sera  pour  cet  effet  dressée  dans  la  place 
devant  laditte  Eglise,  et  ensuitte  son  corps  jette  au 
feu  avec  celuy  de  la  cavalle  préalablement  assom- 
mée par  ledit  Exécuteur,  et  leurs  cendres  jettées  au 
vent;  déclare  en  outre  tous  et  chacun  les  biens 
dudit  Ambroise  Vernart  acquis  et  confisqués  au 
Roy,  sur  lesquels  sera  prélevée  la  somme  de  cent 
livres  d'amende  envers  ledit  seigneur  Roy,  et  celle 
de  cent  cinquante  livres,  laquelle  sera  délivrée  à 
laditte  Marie  Tranchet  par  forme  et  manière  de 
dommages  et  interests.  Donné  par  nous,  Bailly  sus- 
dit, le  vendredy  dix-huitieme  jour  de  may. 


Cet  arrêt  a  été  confirmé  purement  et  simplement 
par  le  Parlement,  le  lojuin  1624. 


PROCES  CRIMINEL  DE  CHARLES  BASSE 

ACCUSÉ   DE    COPULATION    CHARNELLE 

AVEC   UNE   ASNESSE 

29  novembre  1624. 

Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  criminel 
fait  pardevant  le  Bailly  de  Corbie,  à  la  requête, 
diligence  et  poursuite  du  substitut  du  Procureur 
gênerai  du  Roy  audit  siège,  demandeur  et  accusa- 
teur, à  rencontre  de  Charles  Basse,  marchand  bou- 
cher, habitant  audit  lieu  de  Corbie,  deffendeur  et 
accusé  de  bestialité  et  copulation  charnelle  avec  une 
asnesse  mentionnée  audit  procès  ; 

La  requête  présentée  audit  bailliage  de  Corbie  par 
Adrien  Tourmente,  garçon  boucher,  et  Michel  de 
Mallefaix,  aussi  garçon  boucher,  tendante  à  ce  qu'il 
soit  par  ledit  substitut  informé  que  ledit  Charles 
Basse  avoit  achetté  depuis  la  mort  de  sa  femme  une 
asnesse  avec  laquelle  il  habitoit  charnellement  et 
journellement  ; 

L'interrogatoire  fait  audit  Charles  Basse  après  la 
lecture  à  luy  faite  de  la  requête  susditte  ; 

Les  dépositions,  déclarations  et  témoignages  des- 
dits Adrien  Tourmente  et  Michel  de  Mallefaix  ; 

Les  dépositions,  déclarations  et  témoignages  ren- 


CHARLES  BASSE  203 


dus  pardevant  ledit  juge  par  Jeanne  Mondetour, 
femme  dudit  Adrien  Tourmente,  et  Elisabeth 
Coyanne,  veuve  de  Claude  Bergois,  laditte  Coyanne 
servante  dudit  Charles  Basse  ; 

La  sentence  rendue  le  huitième  jour  du  mois  d'oc- 
tobre par  ledit  Bailly  de  Corbie,  portant  condam- 
nation contre  ledit  Charles  Basse  ; 

L'appel  interjette  par  ledit  Charles  Basse  et  géné- 
ralement toutes  les  pièces  dudit  procès  ;  ouy  sur  ce 
le  Procureur  gênerai  du  Roy  en  ses  conclusions,  et 
tout  considéré  ; 

La  Cour  a  mis  et  met  à  néant  l'appel  interjette 
par  ledit  Charles  Basse,  en  conséquence,  déclare 
ledit  Charles  Basse  bien  et  duement  convaincu 
d'habitation  charnelle,  détestable  et  contre  nature 
avec  une  asnesse  mentionnée  audit  procès  ;  pour 
raison  dequoy  et  réparation  desquels  cas  et  crimes 
énormes,  ordonne  que  laditte  sentence  sera  exécutée 
selon  sa  forme  et  teneur  et  que  ledit  Charles  Basse 
sera  pendu  et  étranglé  à  une  potence  qui  sera  pour 
cet  effet  dressée  dans  la  grande  place  et  halles  de 
laditte  ville  de  Corbie  ;  quoy  fait,  son  corps  et  celuy 
de  laditte  asnesse  avec  lequel  il  a  commis  ledit  crime 
et  délit,  préalablement  assommée  par  l'Exécuteur  de 
la  haute  justice,  jettez  dans  un  feu  qui  sera  allumé 
au  pied  de  laditte  potence,  et  leurs  cendres  mêlées 
ensemble,  jettées  et  semées  au  vent;  déclare  en 
outre  tous  et  un  chacun  les  biens  appartenant  audit 
Charles  Basse  acquis  et  confisqués  au  profit  du  sei- 


204  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


gneur  Roy,  sur  lesquels,  en  cas  que  confiscation 
n'ait  pas  lieu,  sera  néanmoins  prise  et  prélevée  la 
somme  de  cinq  cent  livres  d'amende  envers  ledit 
seigneur  Roy.  Fait  à  Paris,  en  Parlement,  cejourd'huy 
vingt  neuvième  jour  du  mois  de  novembre,  l'an  de 
grâce  mil  six  cent  vingt  quatre. 


PROCES  CRIMINEL  DE  JEAN  COCHON 

ACCUSÉ  DU   CRIME   DE   BESTIALITÉ 
iS'^  décembre   1647. 


Veu  par  la  Cour  le  procès  criminel  fait  pardevant 
le  juge  et  Bailly  de  la  Rocheguyon  à  rencontre  de 
Jean  Cochon,  garçon  jardinier  audit  lieu,  accusé 
d'avoir  eu  habitation  et  copulation  charnelle  avec 
une  jument  ; 

Le  procès  verbal  fait  pardevant  ledit  juge  par  Mi- 
chel André  Baron,  Exempt  et  chef  de  la  Brigade 
et  Maréchaussée  de  Mante,  RanelFluchetête,Minos 
Hamonnet,  Barthélémy  Vernon,  et  Jean  Joseph  de 
Corbie,  archers  et  cavaliers  de  laditte  maréchaussée, 
en  datte  du  lundy  quinzième  jour  du  mois  d'octobre, 
mil  six  cent  quarante  sept  ; 

L'interrogatoire  fait  par  ledit  juge,  le  mardy  sei- 
zième duditmois  d'octobre,  audit  Jean  Cochon;  ledit 
interrogatoire  contenant  les  deffenses  et  dénégations 
dudit  Jean  Cochon; 

Les  dépositions,  témoignages  et  informations 
faites  le  samedy  vingtième  jour  dudit  mois,  en  pré- 
sence dudit  Bailly,  par  Toussaint  Perrinelle,  hôte- 
lier dudit  lieu,  Marc  Antoine  Durand,  tonnellier,  et 
Denis  Alexandre  Quette,  garçon  tonnellier  ; 


206  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


La  sentence  dudit  juge  portant  qu'il  sera  plus 
amplement  informé  touchant  le  crime  dudit  Cochon, 
et  cependant  sera  elargy,  laditte  sentence  en  datte 
du  vingt  cinquième  jour  dudit  mois  ; 

Autre  sentance  dudit  juge,  en  datte  du  troisième 
novembre,  portant  que  la  cavalle  mentionnée  au 
procès  seroit  amenée  et  représentée  devant  lesdits 
Toussaint  Perrinelle,  Marc  Antoine  Durand  et  Denis 
Alexandre  Quette,  pour  par  eux  être  reconnu  si 
c'était  celle  que  ledit  Jean  Cochon  conduisoit  et 
avec  laquelle  ils  témoignent  l'avoir  trouvé  en  copu- 
lation charnelle  et  détestable  dans  le  bois  de  Ruare  ; 

La  confrontation  faite  le  quinzième  jour  du  mois 
de  décembre  desdits  Jean  Cochon,  et  des  susnommez 
Michel  André  Baron,  Fluchette,  Ilamonnet,  Vernon, 
de  Corbie,  Perrinelle,  Durand  et  Quette  ; 

L'appel  a  minima  interjette  par  le  procureur  fiscal 
audit  lieu  des  sentences  du  Bailly  en  datte  des  vingt 
cinquième  octobre  et  troisième  novembre  au  nom 
dudit  Jean  Cochon,  et  généralement  toutes  les  piè- 
ces, circonstances  et  dépendances  dudit  procès;  ouy 
sur  ce  le  Procureur  gênerai  du  Roy  en  ses  conclu- 
sions, et  tout  considéré  ; 

La  Cour  a  mis  et  met  à  néant  l'appel  interjette  au 
nom  dudit  Jean  Cochon  des  sentences  rendues  par 
ledit  Bailly  de  la  Rocheguyon  les  vingt  cinquième 
octobre  et  troisième  novembre  ;  déclare  ledit  Jean 
Cochon  duement  atteint  et  convaincu  d'avoir  habité 
charnellement   et   detestablement  avec  la  cavalle 


JEAN   COCHON  207 


mentionnée  audit  procès  ;  pour  raison  dequoy  et 
réparation  desquels  cas  et  crimes  contre  nature, 
ordonne  que  ledit  Jean  Cochon  sera  pendu  et 
étranglé  à  une  potence  qui  sera  pour  cet  effet  plantée 
dans  la  halle  et  marché  dudit  Bourg  de  la  Roche- 
guyon  ;  quoy  fait,  son  corps  et  celay  de  laditte 
Cavalle,  préalablement  assommée  par  l'Exécuteur 
de  la  haute  justice,  jettes  dans  un  feu  qui  sera  allumé 
au  pied  de  laditte  potence,  et  leurs  cendres  jettées 
et  semées  au  vent  ;  déclare  en  outre  tous  et  chacun 
des  biens  appartenant  audit  Jean  Cochon  acquis  et 
confisqués  au  profit  de  qui  il  appartiendra,  sur  les- 
quels néanmoins  sera  prise  et  prélevée  la  somme  de 
trois  livres  d'amende  envers  le  Roy,  et  celle  de 
soixante  et  seize  livres  pour  le  prix  et  valeur  de 
laditte  cavalle,  laquelle  somme  de  soixante  et  seize 
livres  sera  délivrée  et  remise  à  R G pro- 
priétaire de  laditte  Cavalle  ;  pour  l'exécution  des- 
quelles sentences  la  Cour  renvoyé  ledit  Jean  Cochon 
prisonnier  pardevers  ledit  Bailly.  Fait  à  Paris  en 
Parlement,  cejourd'huy  dix  huitième  jour  du  mois 
de  décembre,  l'an  de  grâce  mil  six  cent  quarente 
sept. 


PROCES   CRIMINEL   DE   PIERRE  FONTAINE 

ACCUSÉ   DE   SACRILÈGE   ET   DE   BESTIALITÉ 
30  janvier  1652. 

Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  criminel 
fait  et  intenté  pardevant  le  juge  de  La  Rocheguyon 
à  rencontre  de  Pierre  Fontaine,  vigneron  audit  lieu, 
accusé  de  sacrilège  commis  et  de  bestialité  et  copu- 
lation charnelle  avec  une  mulle  et  beste  asine; 

Le  procès  verbal  fait  pardevant  ledit  Juge  le  jeudy 
premier  jour  de  décembre  mil  six  cent  cinquante  un 
par  Maurice  Albert  Trottemenu,  laboureur,  et 
Alexandre  Trabonnay,  gagne  deniers,  soy  complai- 
gnans  dudit  Pierre  Fontaine,  lequel  ils  accusent 
d'avoir  ensorcelé  une  vache  appartenante  audit 
Trottemenu,  de  laquelle  ils  requerent  visite  et  infor- 
mation ; 

L'ordonnance  donnée  par  ledit  juge,  enjoignant  k 
Pierre  Huillier  et  Thomas  Poncire  d'examiner  et 
informer  du  mal  inconnu  survenu  depuis  quelques 
jours  à  laditte  vache  ; 

Le  rapport,  examen  et  information  faites  par  les- 
dits  Huillier  et  Poncire,  le  lundy  cinquième  jour 
dudit  mois,  par  laquelle  ils  déclarent  que  laditte 
vache  étant  enflée  extraordinairement,    et  rendant 


PIERRE    FONTAINE  209 


des  vers  au  lieu  de  lait,  ne  peut  être  atteinte  d'une 
maladie  ordinaire,  mais  au  contraire  a  été  mechament 
et  malicieusement  ensorcelée  ; 

Les  dépositions,  témoignages  et  déclarations  fai- 
tes le  mercredi  septième  jour  de  décembre  par 
Thierr}^  Dubois,  cardeur  de  laine,  Georges  Lazauret, 
valet  chartier  d'Antoine  Trobelle,  fermier  de  Mon- 
seigneur le  Prince  de  La  Rocheguyon,  lesquels 
témoins  accusent  Pierre  Fontaine  d'avoir,  la  nuit  du 
trentième  novembre  dernier,  entré  dans  Tecurie  du- 
dit  Maurice  Albert  Trottemenu,  et  s'etant  approché 
de  la  vache  dudit  Trottemenu,  il  luy  avoit  donné 
un  coup  de  poing  sur  le  front,  et  qu'aussitôt  laditte 
vache  avoit  mugi  effroyablement  et  s'etoit  débattue 
toute  la  nuit,  et  que  le  lendemain  premier  décembre 
laditte  vache  avoit  parue  extraordinairement  enflée, 
et  qu'au  lieu  de  lait  elle  rendoit  des  vers  lors  qu'on 
la  trayoit; 

L'interrogatoire  fait  le  vendredy  neuvième  jour 
dudit  mois  de  décembre  audit  Pierre  Fontaine, 
accusé  ; 

Les  dépositions  de  Marie  Granville,  veuve  de 
Robert  Pillot,  marchand  mercier  roullant,  premier 
témoin,  laquelle  a  déclaré  que  ledit  Pierre  Fontaine 
avoit  avoué  et  confessé  que  le  diable  luy  avoit 
donné  le  pouvoir  de  faire  ce  qu'il  voudroit,  à  con- 
dition que  tous  les  lundis  il  iroit  dans  l'Eglise  de 
La  Rocheguyon,  et  là  il  renieroit  et  blasphemeroit 
le  saint  nom  de  Dieu  et  la  très  sainte  vierge  Marie, 


2IO  LES   PROCES   DE   BESTIALITE 


et  encore  qu'il  feroit  vœu  de  ne  se  jamais  marier, 
ni  connoitre  aucune  femme,  mais  seulement  une 
mule  et  bête  asine,  que  ledit  esprit  malin  luy  avoit 
donné  {sic)  ;  comme  aussi  ledit  Pierre  Fontaine 
avoit  promis  de  ne  point  jamais  prendre  d'eau 
bénite,  ni  faire  le  signe  de  la  croix  qu'à  l'envers  et 
en  dérision  ;  Lucrèce  Millepoix,  fille  majeure, 
second  témoin,  a  déclaré  que  ledit  Pierre  Fontaine 
luy  avoit  avoué  la  plus  grande  partie  de  tout  ce  que 
laditte  Marie  Granville  venoit  de  déclarer,  et  encore 
qu'il  s'etoit  préparé  et  avoit  promis  et  juré  au 
diable  de  luy  faire  offrir  un  sacrifice  dans  laditte 
Eglise,  en  haine  et  detestation  de  notre  Sauveur; 
Germain  Nourissot,  jardinier,  troisième  témoin,  a 
déclaré  que  ledit  Pierre  Fontaine  avoit  chez  luy  une 
mule,,  laquelle  il  connoissoit  charnellement,  et  avec 
laquelle  il  habitoit  comme  avec  une  femme. 

La  confrontation  faite  par  ledit  juge  dudit  Pierre 
Fontaine  et  desdits  témoins  et  accusateurs,  le  jeudy 
douzième  jour  dudit  mois  ; 

La  sentence  rendue  par  le  Bailly  le  jeudy  vingt 
deuxième  jour  de  décembre,  par  laquelle  ledit 
Pierre  Fontaine  est  déclaré  atteint  et  convaincu 
d'avoir  usé  de  sortilèges,  blasphèmes  et  autres 
crimes  horribles  ;  et  en  outre  d'avoir  eu  copulation 
et  habitation  charnelle  avec  une  mule  et  beste 
asine  ;  en  conséquence  ordonne  laditte  sentence,  et 
pour  réparation  desdits  crimes  et  cas  étranges,  que 
ledit  Pierre  Fontaine  seroit  conduit  et  mené  devant 


PIERRE   FONTAINE  211 


la  grande  Eglise  de  La  Rocheguyon,  et  là  la  torche 
au  poing  du  poids  de  deux  livres,  il  diroit  et  decla- 
reroit  à  haute  et  intelligible  voix  que  mechament, 
malicieusement  et  malheureusement,  il  a  commis 
et  perpétré  les  faits  mentionnez  au  présent  procès  ; 
quoy  fait  ledit  Pierre  Fontaine  seroit  pendu  et 
étranglé  à  une  potence,  son  corps  et  celuy  de  la 
mule  avec  laquelle  il  a  commis  ledit  délit,  préala- 
blement assommée,  brûlés  à  un  feu  allumé  auprès 
de  laditte  potence,  et  leurs  cendres  jettées  au  vent  ; 
déclare  laditte  sentence  tous  et  chacun  des  biens 
appartenans  audit  Pierre  Fontaine  acquis  et  confis- 
qués au  profit  de  qui  il  appartiendroit,  sur  lesquels 
néanmoins  seroit  prise  et  prélevée  la  somme  de 
soixante  livres  pour  le  prix  et  valeur  de  la  vache 
maleficiée  par  ledit  Pierre  Fontaine,  laquelle  somme 
de  soixante  livres  seroit  remise  au  nommé  Maurice 
Albert  Trottemenu  ; 

L'appel  interjette  à  laditte  sentence  au  nom  dudit 
Pierre  Fontaine,  et  généralement  toutes  les  pièces, 
circonstances  et  dépendances  dudit  procès  ; 

Vu  aussi  l'interrogatoire  fait  par  maitre  René  Le 
Boult,  conseiller  en  cette  Cour,  commissaire  rap- 
porteur dudit  procès  ; 

La  Cour  a  mis  et  met  à  néant  l'appel  interjette  au 
nom  de  Pierre  Fontaine  de  la  sentence  rendue  par 
le  juge  de  La  Rocheguyon;  ordonne  que  laditte 
sentence  sera  exécutée  selon  sa  forme  et  sa  teneur, 
pour  laquelle  exécution  et  du  présent  arrest,  ren- 


212  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


voye  laditte  Cour  ledit  Pierre  Fontaine,  prisonnier 
es  prisons  de  la  Conciergerie,  pardevers  ledit 
bailly  de  La  Rocheguyon.  Fait  à  Paris  en  Parlement 
cejourd'huy  trentième  jour  du  mois  de  janvier, 
l'an  de  grâce  mil  six  cent  cinquante  deux. 


PROCES  CRIMINEL 
DE  CHARLES  CHAMBERY 

ACCUSÉ   DE   SODOMIE   ET   DE  BESTIALITÉ 

27  juillet  1666. 

Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  criminel 
fait  pardevant  le  juge  et  Bailly  de  Montgacon  à 
rencontre  de  Charles  Chambery,  savoyard  de 
nation,  accusé  de  sodomie  et  de  bestialité  avec  une 
asnesse,  et  encore  de  crime  contre  nature  avec  une 
fille  de  neuf  ans  ; 

Le  procès  verbal  fait  pardevant  ledit  juge  le  lundy 
douzième  jour  de  juin  mil  six  cent  soixante  et  six, 
par  Jeremie  Bourot,  premier  témoin  ;  Mathieu  de 
Pierre  Latte,  gagne  deniers,  second  témoin;  Jean 
Baptiste  Ozouard,  dit  La  Grande  Fleur,  soldat  inva- 
lide, troisième  témoin  ;  Elisabeth  Martine  Du  Plan- 
tet,  veuve  de  Maurice  Edmond  Baron,  charpentier, 
quatrième  témoin  ;  Raymond  de  Beaujoyeux,  dit 
Lorange,  gagne  deniers,  cinquième  témoin  ;  Balta- 
zard  Tempette,  vigneron,  sixième  témoin  ;  accusans 
et  chargeans  ledit  Charles  Chambery,  dit  Le  Grand 
Savoyard,  d'avoir  violé  et  connu  charnellement  et 
contre  l'ordre  de  nature  la  nommée  Esther  Bourot, 
fille   âgée   de   neuf  ans    et    demie   du   susnommé 


214  LES    PROCÈS  DE   BESTIALITÉ 


Jeremie  Bourot  et  de  deffunte  Claudine  Duplessis, 
sa  femme  ;  lesquels  témoins  ont  attestés  et  certifiés 
avoir,  ledit  jour  lundy  douzième  jour  du  mois  de 
juin,  pris  ledit  Charles  Chambery  commettant  ledit 
crime  et  délit  ; 

Le  décret  ordonné  par  ledit  juge  contre  ledit 
Charles  Chambery,  accusé,  ledit  jour  douzième 
juin; 

L'interrogatoire  fait  audit  Charles  Chambery, 
accusé,  le  mercredy  quatorzième  dudit  mois,  con- 
tenant les  dénégations  et  les  deffenses  dudit 
accusé  ; 

Les  dépositions,  témoignages  et  déclarations 
faites  pardevant  ledit  juge,  le  lundy  vingt  sixième 
jour  de  juin,  par  les  nommez  Etienne  La  Rivière  et 
Gillette  Trouvillain,  accusans  ledit  Charles  Cham- 
bery d'avoir  eu  copulation  et  habitation  charnelle 
avec  une  asnesse  ; 

La  confrontation  dudit  Charles  Chambery,  accusé, 
et  desdits  Jeremie  Bourot,  Mathieu  de  Pierre  Latte, 
Jean  Baptiste  Ozouard,  Elisabeth  Martine  Plantel, 
veuve  Baron,  Raymond  de  Beaujoyeux,  Balthazard 
Tempette,  Esther  Bourrot,  Etienne  de  La  Rivière  et 
Gillette  de  Trouvillain,  témoins  et  accusateurs  ; 
laditte  confrontation  faite  le  mercredy  vingt  hui- 
tième jour  dudit  mois  ; 

La  sentence  rendue  par  ledit  juge  de  Montgacon, 
le  vendredy  trentième  jour  dudit  mois,  par  laquelle 
ledit  Charles  Chambery  est  déclaré  atteint  et  con- 


CHARLES   CHAMBERY  215 


vaincu  des  crimes  susdits,  et  en  conséquence  est 
condamné  d'être  pendu  et  étranglé  à  une  potence, 
son  corps  jette  ensuite  au  feu,  avec  celuy  de  l'as- 
nesse  préalablement  étranglée,  et  leurs  cendres 
semées  au  vent  ; 

Vu  aussi  le  réquisitoire  du  Procureur  gênerai  du 
Roy,  qui  ayant  pris  connoissance  dudit  procès  cri- 
minel et  l'ayant  vu  de  nouveau,  se  seroit  porté 
appellant  a  minima  de  la  susditte  sentence  ; 

Vues  aussi  les  nouvelles  procédures  faites  par 
ledit  Procureur  gênerai  du  Roy,  les  interrogatoires 
faits  en  la  Cour  auxdits  Charles  Chambery,  accusé, 
et  tesmoins  susnommés;  ouy  sur  ce  le  Procureur 
gênerai  du  Roy  en  ses  conclusions,  et  tout  consi- 
déré : 

La  Cour  a  mis  et  met  ledit  appel  et  laditte  sen- 
tence à  néant  ;  déclare  ledit  Charles  Chambery  bien 
et  duement  atteint  et  convaincu  de  sodomie  et 
crime  contre  nature  par  luy  commis  envers  Esther 
Bourrot  ;  et  encore  d'avoir  eu  habitation  et  copula- 
tion charnelle  avec  une  asnesse  mentionnée  audit 
procès;  pour  réparation  desquels  cas  et  crimes 
énormes,  ordonne  laditte  Cour  que  ledit  Charles 
Chambery  sera  conduit  la  torche  au  poing  du  poids 
de  deux  livres  devant  la  grande  Eglise  de  Montga- 
con,  et  là  dira  et  déclarera  à  haute  et  intelligible 
voix  que  mechament,  malicieusement  et  malheu- 
reusement il  a  commis  lesdits  crimes  et  délits  ; 
quoy  fait,  ledit  Charles  Chambery  sera  attaché  à  un 


2l6  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


poteau  planté  pour  cet  effet  dans  laditte  place,  et  là 
brûlé  et  consommé  dans  le  feu  qui  y  sera  allumé, 
et  ses  cendres  jettées  au  vent  ;  ordonne  en  outre  que 
Tasnesse  avec  laquelle  ledit  Charles  Chambery  a 
eu  habitation  charnelle  sera  assommée  par  l'Exécu- 
teur de  la  haute  justice  et  son  corps  jette  à  la 
voirie  ;  déclare  en  outre  tous  et  chacun  des  biens 
appartenant  audit  Charles  Chambery  acquis  et  con- 
fisqués au  profit  de  Sa  Majesté,  sur  lesquels  néan- 
moins sera  prise  et  prélevée  la  somme  de  trois 
livres  d'amende  envers  ledit  seigneur  Roy,  et  celle 
de  mille  livres,  par  forme  de  dommages  et  interests 
envers  la  susditte  Esther  Bourrot,  laquelle  somme 
de  mille  livres  sera  remise  entre  les  mains  de 
Jeremie  Bourrot,  pour  en  disposer  au  profit  et 
avantage  de  laditte  Esther  Bourrot,  sa  fille  ;  et  pour 
l'exécution  du  présent  arrest,  la  Cour  renvoyé  ledit 
Charles  Chambery  prisonnier  pardevers  ledit  juge 
et  bailly  de  Montgacon.  Fait  en  Parlement,  cejour- 
d'huy  vingt  septième  jour  du  mois  de  juillet,  Tan 
de  grâce  mil  six  cent  soixante  et  six. 


Au  bas  dudit  arrest  est  un  retentum  portant  que 
ledit  Charles  Chambery  sera  secrettement  étranglé 
avant  de  sentir  le  feu. 


PROCES  CRIMINEL  DE  CLAUDE  FABRE 

ACCUSÉ   DE   SODOMIE   ET  DE   BESTIALITÉ 
30  Mars  1667. 

Veu  par  la  Cour  de  Parlement  le  procès  criminel 
fait  pardevant  le  Bailly  de  Vaudes  à  rencontre  de 
Claude  Fabre,  tisseran,  accusé  de  sodomie  et  de 
bestialité  avec  une  asnesse  ; 

Le  procès  verbal  fait  pardevant  ledit  Bailly  par 
les  nommez  Abraham  Chassenoix,  Exempt  de  la 
Maréchaussée,  assisté  et  accompagné  de  Robert 
Montrieux,  Guy  Lafolie,  Julyen  Paylord  et  Henry 
Simon  Le  Grand,  archers  et  cavaliers  de  laditte 
brigade,  ledit  procès  verbal  en  datte  du  vendredy 
vingtième  jour  du  mois  de  janvier  mil  six  cent 
soixante  sept  ;  ledit  procès  verbal  contenant  l'inter- 
rogatoire fait  audit  Claude  Fabre  ; 

Les  dépositions,  témoignages  et  déclarations 
faites  pardevant  ledit  Bailly,  le  lundy  treizième  jour 
dudit  mois,  par  les  nommez  Simon  Bonapres,  jar- 
nier,  premier  témoin  ;  Amauli*y  Trigaud,  marchand 
mercier  rouland,  second  témoin,  accusans  et  certi- 
fians  contre  ledit  Claude  Fabre  ; 


2l8  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


L'interrogatoire  fait  audit  Claude  Fabre,  le  lundy 
sixième  jour  de  février  dernier  ; 

La  requête  présentée  audit  Bailly,  le  jeudy  neu- 
vième jour  dudit  mois,  par  Alaric  du  Tremble, 
soy  complaignant  pour  Isaac  du  Tremble,  son 
fils,  laditte  requête  tendante  à  ce  que  ledit  Claude 
Fabre  soit  condamné  comme  ayant  abusé  dudit  Isaac 
du  Tremble,  lequel  Isaac  du  Tremble  ledit  Alaric  du 
Tremble  supplioit  de  faire  enfermer  dans  une  maison 
de  force  ; 

L'interro^toire  fait  par  ledit  Bailly  audit  Claude 
Fabre  le  samedy  Oiuzieme  dudît  mois  de  février; 

La  confrontation  faite  par  devant  ledit  Bailly  1-e 
jeudy  seize  de  février  dudit  Claude  Fabre  et  desdils 
SimonBonapres,  Amaulry  Trigand,  Isabelle  Colom- 
bay  veuve  Vigogne,  Alaric  du  Tremble  et  Isaac  dm 
Tremble  ; 

La  sentence  rendue  le  mardy  vingt  et  unième  jour 
du^dit  mois  par  ledit  Bailly,  porta-nt  condammati'Oin 
con.tre  ledit  Claude  Fabre,  et  ordonnant  qu'il  feroit 
amende  hoiaorable  la  torche  au  poing  du  poids 
de  deux  livres  devant  la  grande  Eglise  de  Vaudes, 
et  ensuite  brûlé  vif  ; 

L'appel  interjette  ;de  laditte  sentence  le  même  jour 
au  nom  dudit  Claude  Fabre  et  .généralement  toutes 
les  pièces,  circonstances  et  dépendances  dudit  pro- 
cès^ ouy  aussy  sur  ce  .et  vues  les  oonclusions  du 
Procureair  geïi<eral  du  Roy  et  tout  considéré  ; 

La  Cour  a  mis  et  met  a  néant  l'appel  interjette  au 


CLAUDE   FABRE  2iq 


nom  dudit  Claude  Fabre  de  la  sentence  rendue  par 
ledit  Bailly  ;  ordonne  que  laditte  sentence  sera  exé- 
cutée, emendant  laditte  sentence,  déclare  ledit 
Claude  Fabre  bien  et  duement  atteint  et  convaincu 
d'avoir  commis  sodomie  et  crime  contre  nature  avec 
le  nommé  Isaac  du  Tremble,  et  encore  d'avoir  eu 
copulation  et  habitation  charnelle  avec  une  asnesse 
mentionnée  au  présent  procès  ;  pour  réparation 
desquels  cas  et  crimes  énormes  ordonne  que  ledit 
Claude  Fabre  sera  attaché  à  un  poteau  au  milieu  des 
halles  dudit  Vaudes,et  là  brûlé  vif  avec  le  corps  de 
l'asnesse  avec  laquelle  il  a  commis  ledit  crime  et 
délit,  préalablement  étranglée  ;  quoy  fait,  leurs  cen- 
dres jettées  et  semées  au  vent.  Déclare  en  outre  tous 
et  un  chacun  des  biens  appartenant  audit  Claude 
Fabre  acquis  et  confisqués  au  profit  de  qui  il  appar- 
tiendra, sur  lesquels  néanmoins  sera  prise  et  préle- 
vée la  somme  de  deux  cent  livres  d'amende  envers 
le  Roy,  en  cas  que  confiscation  n'ait  pas  lieu  ;  et  à 
l'égard  dudit  Isaac  du  Tremble,  accusé  et  convaincu 
de  s'être  laissé  connoitre  charnellement  et  sodomi- 
tiquement  par  ledit  Claude  Fabre,  la  Cour,  eu  égard 
à  sa  jeunesse,  et  à  la  requête  et  supplication  qu'il  a 
fait  à  la  Cour  de  quitter  la  Religion  prétendue 
reformée  qu'il  a  professé,  ordonne  qu'il  sera  inces- 
sament  mis  dans  une  maison  de  force,  sous  la  cor- 
rection au  pain  et  à  l'eau  pendant  deux  mois,  au  bout 
duquel  tems  sera  élargi  ;  et  pour  l'exécution  du  pré- 
sent arrest,  renvoyé  laditte  Cour  ledit  Claude  Fabre 


220  LES   PROCES   DE  BESTIALITE 


prisonnier  pardevers  ledit  Bailly  de  Vaudes.  Fait  à 
Paris  en  Parlement  cejourd'huy  trentième  jour  du 
mois  de  mars,  Tan  de  grâce  mil  six  cent  soixante  sept. 


Et  au  bas  de  Tarrest  est  un  retentum  portant  que 
ledit  Claude  Fabre  seroit  étranglé  audit  poteau  avant 
de  sentir  le  feu. 


PROCES  CRIMINEL  DE  ANTOINE  BATAILLES 

ACCUSÉ   DE  SODOMIE  ET  DE   BESTIALITÉ 

2  septembre  1678. 

Veu  par  la  Cour  le  procès  criminel  fait  pardevant 
le  Lieutenant  Criminel  de  la  Ville  et  Baillage  de 
Baugé,  à  rencontre  d'Antoine  Batailles,  marchand 
mercier  demeurant  audit  lieu  de  Baugé,  accusé  de 
crime  de  sodomie  et  de  bestialité  et  d'habitation 
charnelle  avec  une  cavalle  ; 

Le  procès  verbal  fait  pardevant  ledit  Lieutenant 
Criminel  le  mardy  huitième  jour  du  mois  d'aoust, 
contenant  l'interrogatoire  fait  audit  Antoine  Batail- 
les, et  les  deffences  et  dénégations  alléguées  par 
ledit  accusé  ; 

Les  dépositions,  témoignages,  charges  et  décla- 
rations faites  le  mercredy  neuvième  jourdudit  mois, 
par  Emery  Boutault,  maître  apotiquaire,  Germain 
Auffroy  Le  Maire,  maître  et  marchand  épicier, 
Hardy  de  Montoison,  Bourgeois  dudit  lieu,  Elisa- 
beth Aurelienne  Enneliere,  veuve  de  Grégoire 
Bartolmey,  maître  chandelier,  Milon  Dutemple, 
tonnelier  ; 

L'interrogatoire  fait  audit  Antoine  Batailles  le 
samedy  douzième  jour  dudit  mois  ; 


222  LES   PROCES   DE   BESTIALITÉ 


La  confrontation  faite,  en  présence  dudit  Lieute- 
nant Criminel,  dudit  Antoine  Batailles  et  desdits 
Emery  Boutault,  Germain  Auffroy  Le  Maire,  Hardy 
de  Montoison,  Elisabeth  Aurelienne  Enneliere  veuve 
Bartolmay,  Millon  Dutemple  et  Abraham  Hamillon, 
témoins  ;  lesdits  témoins  persistant  en  leurs  décla- 
rations; laditte  confrontation  en  datte  du  jeudy  dix 
septième  jour  d'aoust  ; 

La  sentence  rendue  par  ledit  Lieutenant  Criminel, 
le  luady  vingt  et  unième  jour  dudit  mois,  pariaquelle 
ledit  Antoine  Batailles  est  déclaré  duement  atteint 
et  convaincu  du  crime  de  sodomie  et  péché  contre 
nature,  et  en  ontre  de  bestialité  et  habitation  et 
copulation  charnelle  et  détestable  avec  une  cavalle 
mentionnée  anidit  procès  criminel,  et  en  conséquence 
condamné  à  être  attaché  à  un  poteau  qui  sera  pour 
cet  effet  planté  dans  la  place  et  haEes:  dudit  Baugé 
et  là  brûlé  vif  avec  le  corps  de  la  cavalle  préalable- 
ment étranglée  ;  quoy  fait  leurs  cendres  jiettées  et 
semées  au  vent  ;  déclare  encore  laditte  sentence  tous 
et  un  chacun  des  biens  appartenans  audit  Antoines 
Bataille  acquis  et  confisqués  au  profit  de  Sa  Majesté, 
sur  lesquels  néanmoins  seroit  prise  et  prélevée  la 
somme  de  cinq  cent  livres  d'amende  envers  ledit 
Seigneur  Roy,  et  celle  de  cent  quatre  vingt  livres 
pour  le  prix  et  valeur  de  laditte  Cavalle,  laquelle 
somme  de  cent  quatre  vingt  livres  seroit  donnée  et 
remise  entre  les  mains  de  Elisabeth  Aurelienne 
Enneliere,  propriétaire  de  laditte  cavalle. 


ANTOINE   BATAILLES  223 

L'appel  interjette  au  nom  dudit  Antoine  Fabre,et 
généralement  toutes  les  pièces  dudit  procès  criminel  ; 
ouy  sur  ce  le  Procureur  gênerai  du  Roy  en  ses 
conclusions,  et  tout  considéré  : 

Dit  a  été  qu'il  a  été  par  laditte  sentence  bien  jugé, 
mal  et  sans  griefs  appelle  ;  laquelle  sentence  laditte 
Cour  a  confirmée,  pour  l'exécution  de  laquelle  et  du 
présent  arrest,  ledit  Antoine  Batailles,  prisonnier 
es  prisons  de  la  Conciergerie  du  Palais,  sera  inces- 
sament  renvoyé  pardevers  ledit  Lieutenant  Criminel 
de  Baugé.  Fait  à  Paris  en  Parlement,  cejourd'huy 
deuxième  jour  du  mois  de  septembre,  l'an  de  grâce 
mil  six  cent  soixante  et  dix  huit. 


PROCES  CRIMINEL  DE  SEBASTIEN  BARILLET 

ACCUSÉ   DE  BESTIALITÉ 

ET  AUTRES   CRIMES   CONTRE   NATURE 

15^  juillet  1692. 

Cejourd'huy  jeudy,  dix  neuvième  jour  du  mois  de 
May  mil  six  cent  quatre  vingt  douze,  est  comparu 
pardevant  nous,  Thomas  de  Pierrepré,  Lieutenant 
Criminel  de  la  Ville  et  Baillage  de  Moulins,  Blanche 
Adrienne  des  Meneaux,  épouse  de  Sebastien  Baril- 
let, marchand  de  vin  de  cette  ville,  soy  complai- 
gnante  dudit  Sebastien  Barillet,  son  mary,  lequel 
la  maltraitte  et  frapetres  souvent,  pourquoy  requere 
laditte  suppliante  être  séparée  de  corps  et  de  biens 
de  sondit  mary,  et  offre  de  prouver  les  causes  et 
maltraitemens  qui  l'ont  obligée  à  la  présente 
requête. 


Cejourd'huy  lundy,  vingt  troisième  jour  du  mois 
de  May,  en  vertu  de  notre  ordonnance  du  jour 
d'hier,  est  comparu  pardevant  nous  Sebastien 
Barillet,  lequel,  après  avoir  ouï  la  lecture  de  la 
demande  portée  par  la  requête  verbale  de  Blanche 
Adrienne  des  Meneaux,  a  dit  que  laditte  Blanche 


SÉBASTIEN   BARILLET  225 


Adrienne  des  Meneaux,  indigne  d'être  appellée  sa 
femme,  etoit  mie  putain  et  une  coquine,  qui  etoit 
amoureuse  d'un  jeune  garçon  qui  avoit  été  autrefois 
à  son  service,  appelé  Girard  Panetier,  et  qu'il  n'y 
avait  pas  un  mois  qu'il  avait  trouvé  laditte  des 
Meneaux  couchée  avec  ledit  Panetier,  lequel  Pane- 
tier s'etoit  sauvé,  et  qu'à  la  vérité  il  n'avoit  pu  se 
contenir  dans  sa  première  colère,  et  avoit  donné 
plusieurs  soufflets,  coups  de  pieds  et  de  bâtons  à 
laditte  Des  Meneaux,  qui  luy  avoit  demandé  par- 
don et  avoit  promis  de  luy  être  obéissante  et  fidèle 
en  tout  le  reste  de  sa  vie,  mais  qu'au  préjudice  de 
cette  promesse  elle  avoit  l'audace  et  la  témérité  de 
se  plaindre  d'un  si  bon  mari  qu'il  etoit  ;  luy  complai- 
'  gnant  par  cette  dernière  démarche  reconnaissoit 
visiblement  le  mauvais  caractère  de  laditte  Des 
Meneaux,  qui  ne  demandoit  sa  séparation  qu'afîn  de 
jouir  plus  librement  des  fruits  de  son  libertinage, 
c'est  pourquoy  il  nous  requeroit  de  faire  enfermer 
laditte  Des  Meneaux  dans  une  maison  de  force  ; 
offrant  au  reste  ledit  Sebastien  Barillet  de  payer  telle 
pension  qu'il  nous  plairait  ordonner  ; 


Cejourd'huy  mercredy,  vingt  cinquième  jour  de 
may,  en  vertu  de  notre  ordonnance  du  jour  d'hier, 
est  comparu  pardevant  nous  Blanche  Adrienne  Des 
Meneaux,  laquelle,  après  avoir  ouïe  la  lecture  tant 

15 


226  LES   PROCÈS  DE  BESTIALITÉ 


du  procès  verbal  contenant  sa  requette  en  séparation 
que  le  réquisitoire  et  demande  faite  par  son  mary  ; 
laquelle  Blanche  Adrienne  Des  Meneaux  auroit 
repondu  que  les  accusations  imputées  par  sondit 
mary  estoient  fausses  et  calomnieuses  et  qu'il  ne 
pouroit  les  prouver  en  aucune  façon;  que  ledit 
Sebastien  Barillet  n'a  et  ne  peut  avoir  aucun  sujet 
de  plainte  contre  la  suppliante  que  la  résistance 
qu'elle  a  toujours  eue  pour  contenter  les  désirs 
infâmes,  honteux  et  contre  nature  de  sondit  mary, 
qu'elle  auroit  toujours  voulu  cacher,  mais  que  le 
péril  de  sa  conscience  et  les  accusations  calomnieu- 
ses et  injustes  de  sondit  mary  la  forcent  de  déclarer; 
que  ledit  Sebastien  Barillet,  son  mary,  abusant  du 
droit  que  ce  titre  luy  donnoit,  avoit  refusé  depuis 
très  long  tems  le  devoir  conjugal,  et  l'avoit  fort 
pressée  et  sollicitée  de  se  laisser  connoitre  charnel- 
lement par  derrière  et  contre  l'ordre  de  nature, 
ajoutant  laditte  Blanche  Adrienne  Des  Meneaux, 
que  forcée  et  excédée  par  ses  maltraitemens  et  me- 
naces, elle  avoit  permis  et  laissé  faire  audit  Sebas- 
tien Barillet  ses  infâmes  volontés,  mais  que  depuis 
peu  ayant  parlé  de  toutes  ces  choses  au  Révérend 
Père  Raphaël  de  Sainte  Euphemie,  capucin  du  Cou- 
vent de  cette  ville,  son  confesseur,  ledit  Père 
Raphaël  luy  avoit  dit  qu'en  souiîrant  ces  accointan- 
ces elle  offençoit  Dieu  mortellement,  et  qu'elle  ne 
les  devoit  plus  souffrir  ;  c'est  sur  ces  raisons,  et  vu 
les  mauvaises   manières  dudit  Sebastien  Barillet, 


SEBASTIEN   BARILLET 


227 


que  laditte  suppliante  avoit  demandé  la  séparation 
en  question,  qu'elle  reïtere  encore  aujourd'huy, 
certifiant  et  assurant  véritable  la  déclaration  par 
elle  faite  présentement. 


Cejourd'huy  mercredy,  premier  jour  du  mois  de 
juin,  sont  comparus  pardevant  nous  les  témoins  cy 
après  dénommez,  lesquels,  après  avoir  fait  le  serment 
ordinaire  et  accoutumé  de  dire  et  déclarer  pure  et 
entière  vérité,  ont  déclaré  ce  qui  suit  : 

La  première,  nommée  Henriette  Le  Masle,  veuve 
de  Joseph  La  Coignée,  serrurier,  a  déclaré  qull  y  a 
fort  long  tems  que  laditte  Blanche  Adrienne  Des 
Meneaux  se  plaignoit  que  son  mary  vouloit  la 
contraindre  à  des  embrassemens  et  copulations 
extraordinaires  et  contre  nature,  et  qu'un  jour  en 
parlant  avec  ledit  Barillet  en  présence  de  saditte 
épouse,  avec  lesquels  elle  etoit  fort  familière,  et  luy 
reprochant  son  goût  étrange  et  scandaleux,  ledit 
Sebastien  Barillet  avoit  repondu  que  la  femme 
devoit  obéir  en  tout  à  son  mary,  et  qu'elle  n'en 
etoit  pas  morte  toutes  les  fois  qu'il  l'avoit  connue 
charnellement  en  cette  sorte. 

Le  second,  nommé  Pierre  Trissotin,  maître  chan- 
delier, a  déclaré  que  demeurant  dans  la  même  mai- 
son que  ledit  Sebastien  Barillet,  et  allant  un  soir 
dans  la  cour,  il  avoit  trouvé  ledit  Barillet  en  copu- 


228  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


lation  charnelle  avec  une  jument  blanche  qu'il  avoit 
achettée  quelque  tems  auparavant,  surquoy  ledit 
Trissottin  ayant  repris  aigrement  ledit  Barillet, 
ledit  Barillet  auroit  repondu  que  laditte  cavalle 
etaht  boiteuse  n'etoit  bonne  qu'à  l'usage  dont  il  s'en 
servoit. 

Le  troisième,  nommé  Claude  Panier,  garçon 
chandelier  au  service  duditTrissotin,a  dit  et  déclaré 
les  mêmes  choses  que  ledit  Pierre  Trissotin. 

Apres  lesquelles  demandes  et  interrogatoires 
lesdits  témoins  se  sont  retirez. 


Nous,  Thomas  de  Pierrepie,  Lieutenant  Criminel 
de  laditte  Ville  et  Cité  de  Moulins, 

Vu...  l'interrogatoire  fait  par  nous  audit  Sebastien 
Barillet,  accusé,  le  vendredy  dixième  jour  dudit 
mois; 

La  confrontation  faite  en  notre  présence  dudit 
Sebastien  Barillet  et  de  laditte  Blanche  Adrienne 
Des  Meneaux,  le  lundy  treizième  dudit  mois, 
contenant  aussi  la  demande  et  réquisition  faite  par 
laditte  Des  Meneaux  à  ce  qu'elle  soit  visitée  par 
experts  ; 

La  sentence  par  nous  rendue,  le  mercredy  quin- 
zième dudit  mois,  par  laquelle,  ayant  égard  à  la 
susditte  requête  verbale,  nous  aurions  nommé 
Ambroise  Baisemont,  Chirurgien  accoucheur  juré, 


SÉBASTIEN   BARILLET  220 


et  Vespasien  Treillis,  aussy  Chirurgien  juré  de  cette 
ville,  pour  visiter  et  examiner  laditte  Blanche 
Adrienne  Des  Meneaux,  et  voir  et  reconnoitre  s'il 
est  vray  qu'elle  ait  été  connue  et  abusée  charnelle- 
ment contre  nature  et  par  derrière  par  ledit  Sebas- 
tien Barillet,  son  mary  ; 

Le  rapport  et  procès  verbal  fait  par  lesdits 
Ambroise  Baisemont  et  Vespasien  Treillis,  jurez 
experts,  en  datte  du  samedy  dix  huit  juin,  par  lequel 
lesdits  experts  ont  déclaré  et  certifié  que  veu  et 
examiné  laditte  Des  Meneaux,  ils  avoient  reconnu 
qu'elle  avoit  véritablement  été  violemment  connue 
et  visitée  charnellement  par  le  derrière  ; 

La  confrontation  dudit  Sebastien  Barillet  et  des- 
dits Henriette  Le  Masle,  Pierre  Trissotin  et  Claude 
Panier,  témoins,  et  desdits  Sebastien  Baisemont  et 
Vespasien  Treillis,  experts  jurez,  le  mercredy  vingt 
deuxième  jour  dudit  mois  de  juin  ; 

Les  aveux  et  confessions  faites  par  ledit  Barillet, 
accusé,  et  l'interrogatoire  par  luy  suby  le  jeudy 
trentième  jour  dudit  mois  ; 

Avons  déclaré  et  déclarons  ledit  Sebastien  Baril- 
let bien  et  duement  atteint  et  convaincu  d'avoir 
connu  charnellement  et  violemment  Blanche 
Adrienne  Des  Meneaux,  sa  femme,  parle  derrière; 
et  encore  d'habitation  charnelle  et  détestable  avec 
une  jument  blanche  et  boiteuse  ;  pour  réparation 
desquels  cas  et  crimes  énormes,  l'avons  condamné 
à  être  attaché  à  un  poteau  planté  pour  cet  effet  dans 


230  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


la  place  et  Marché  de  cette  ville  de  Moulins,  et  là 
brûlé  vif  avec  le  corps  de  laditte  jument  avec  laquelle 
il  a  commis  ledit  délit,  icelle  préalablement  assom- 
mée par  l'Exécuteur;  quoy  fait,  leurs  corps  consumés 
et  réduits  en  cendres,  lesdittes  cendres  jettées  dans 
la  Rivière  de  l'Oise  ;  Déclarons  en  outre  tous  et 
chacun  des  biens  dudit  Barillet  acquis  et  confisquez 
à  qui  il  appartiendra,  sur  lesquels  sera  néanmoins 
prise  et  prélevée  la  somme  de  trois  cent  livres 
d'amende  envers  le  Roy,  et  sauf  aussy  les  reprises, 
droits  et  conventions  matrimoniales  de  laditte 
Blanche  Adrienne  Des  Meneaux,  femme  et  épouse 
dudit  accusé.  Donné  par  nous.  Lieutenant  Criminel 
susdit,  cejourd'huy  lundy  quatrième  jour  de  juillet 
mil  six  cent  quatre  vingt  douze. 


Arrêt  confirmé  purement  et  simplement  par  le 
Parlement,  le  15  Juillet  1692. 


APPENDICE 


LE  PROCES  DE  VIGEON 

ACCUSÉ   DE  BESTIALITÉ  AVEC   DES  POULES 
En  1649. 

Dans  un  manuscrit  qui  se  trouve  aux  Archives 
Nationales,  sous  la  cote  A.  D.  11 1-5,  f°  136,  on  lit 
ce  qui  suit  : 

J'ay  trouvé  chez  Madame  la  marquise  de  Jarzé,  rue  des 
Trois-Pavillons,  au  Marais,  après  sa  mort,  trois  tableaux  fort 
singuliers. 

L'un  représentant  un  cocq  au-dessus  duquel  etoit  écrit  : 

Le  Beau-Pere  de  Vijon. 

Un  autre  representoit  une  poulie  avec  plusieurs  petits  poulets 
qui  mangeoient  autour  d'elle,  et  en  dessous  desquels  on  lisoit  : 

La  veuve  de  Vijon  et  ses  en/ans. 

Cette  énigme  auroit  été  des  plus  difficiles  à  deviner  si,  placés 
directement  au-dessus  des  deux  tableaux  dont  je  viens  de  faire 
la  description,  je  n'avois  lu  ces  quatre  vers  : 

Je  suis  ce  Vijon  que  la  foule 
De  pages,  laquais  et  badauds 
Vont  voir  mourir  sur  l'echafaud 
Pour  avoir  caressé  sa  poulie. 

Je  me  rappelay  alors  que  ce  Vijon  avoit  esté  bruslé  il  y  a 
très  longtems  pour  le  sujet  designé  dans, ces  quatre  vers,  et  que 


232  LES   PROCÈS   DE  BESTIALITÉ 


mesmes  l'on  avoit  fait  alors  une  chanson  lamentable  sur  sa 
mort,  dont  j'avois  ouy  chanter  quelques  couplets  il  y  a  plus  de 
vingt  ans. 

Le  portrait  de  ce  malheureux  étoit  dans  le  goût  de  Rembran, 
c'est  à  dire  très  noir,  et,  soit  prévention  du  nom,  il  avoit  l'air 
patibulaire,  aussy  m'assura-t-on  qu'on  l'avoit  peint  la  veille  de 
son  exécution.  Son  visage  etoithave,  noir,  secq,  les  yeux  ternes, 
enfoncez,  et  des  cheveux  noirs  hérissez,  enfin  sa  phisionomie 
des  plus  funestes. 
Ce  i8  avril  1739. 

GUEULETTE. 

Ce  procès  de  Vijon,  qui  remontait  certainement, 
d'après  le  texte  ci-dessus,  au  xvif  siècle,  ne  figure 
cependant  pas  dans  le  Recueil  assez  complet  d'où 
nous  avons  extrait  nos  procès  de  bestialité. 

Mais  nous  avons  tout  de  suite  songé  à  un  certain 
Vigeon  sur  lequel  Saint-Pavin,  mort  en  1670 
comme  on  sait,  avait  fait  un  sonnet  qui  le  repré- 
sente comme  brûlé  vif  pour  sodomie  : 

Cher  Vigeon,  que  ta  mort  va  nous  coûter  de  peines  ; 

Qu'un  vit  est  mal-heureux  d'arcer  dans  un  pays 

Où  l'on  punit  du  feu  ces.  nobles  appétits 

Qui  ne  sont  condamnez  que  chez  les  souveraines. 

Ordonnez  pour  le  moins  aux  femmes  d'être  saines. 

Juges,  si  vous  prenez  quelque  pitié  des  vits, 

Ou  faites  que  les  cons  deviennent  plus  petits, 

Et  qu'ils  soyent  désormais  sans  fleurs  ni  mal-semaines. 

Bougres,  qui  l'avez  veu,  sans  l'oser  secourir. 

En  chemise,  tout  nud,  dans  la  Grève  périr. 

Qui  pouvoit  arrester  votre  fureur  lubrique  ? 

Au  lieu  de  luy  chanter  tristement  un  salve, 

Vous  deviez  sur  son  feu  venir  branler  la  pique. 

Le  foutre  l'eut  éteint  et  vous  l'eussiez  sauvé  ! 


VIGEON 


^3-^ 


N'ayant  rien  trouvé  dans  les  recueils  de  pièces 
judiciaires,  nous  avons  effectué  des  recherches  dans 
les  «  Chansonniers  historiques  »  et  avons  été  assez 
heureux  pour  découvrir  dans  le  ms.  fr.  12666  de  la 
B.  N.,  intitulé  Recueil  de  Chansons,  Anecdotes 
satyriques  et  historiques,  depuis  Vannée  1^14  jus- 
ques  en  16^^.  Avec  des  Notes  curieuses  et  instruc- 
tives, une  chanson  que  voici,  sous  la  date  1649  * 


Lorsque  Vigeon  vit  l'assemblée 
Qui  l'assistoit  dans  son  malheur, 
D'une  voix  haute  et  non  troublée, 
Il  luy  dit  :  vous  me  faite  honneur... 
Vraiment  !  voilà  bien  de  la  foule 
Pour  un  simple  fouteur  de  Poule! 


Quoi!  Messieurs,  quand  cette  Potence 
Devroit  soutenir  aujourd'hui 
Beautru,  ce  grand  bougre  de  France, 
Vous  n'en  feriez  pas  tant  pour  lui... 
Vraiment  !  voilà  bien  de  la  foule 
Pour  un  simple  Routeur  de  Poule  ! 

3 
Si  c'étoit  le  Duc  de  Vendosme, 
.Fils  naturel  d'un  très  grand  Roy, 
Premier  Marguillier  de  Sodome, 
Vous  n'en  feriez  pas  plus  qu'à  moi... 
Vraiment  !  voilà  bien  de  la  foule 
Pour  un  simple  fouteur  de  Poule  ! 

4 
Adieu  :  au  Roy,  à  la  Justice, 
Je  veux  bien  demander  pardon, 


234  LES   PROCÈS   DE   BESTIALITÉ 


Mais  je  souffrirai  le  supplice 
Sans  m'excuser  auprès  du  Con... 
Je  veux  mourir  en  galant  homme, 
A  Paris,  comme  on  fait  à  Rome. 

Enfin,  et  cela  démontre  l'identité  absolue  du 
Vigeon  de  la  chanson,  du  Vigeon  du  sonnet  de 
Saint-Pavin,  et  du  Vijon  dont  parle  Gueulette,  ces 
couplets  sont  suivis  de  la  note  que  voici  : 

Vigeon  étoit  un  Maître  d'Ecole  qui  fut  brûlé  à  Paris  pour 
avoir  été  convaincu  de  foutre  des  Poules.  Il  avoit  été  Vallet  de 
Chambre  de  M.  le  Duc  de  Grammont. 

A  ces  quatre  couplets  du  chevalier  de  Rivière, 
Blot  en  ajouta  un  cinquième,  ou  plutôt  un  troi- 
sième, suivant  la  place  qui  lui  est  donnée  dans  le 
Recueil  de  Maurepas.  Ce  couplet  vise  le  comte  de 
Romainville  : 

Romain,  que  j'aime  et  que  j'estime, 
Est  un  bon  bougre  abandonné, 
Il  n'a  point  en  horreur  le  crime. 
Et  je  crois  qu'il  sera  damné  ; 
J'en  ay  une  joye  infinie, 
Car  il  me  tiendra  compagnie, 

Dans  le  Recueil  Maurepas,  on  trouve  aussi  cette 
note  : 

Sur  un  Maître  d'Ecole  de  Paris,  nommé  Vigeon,  brûlé  pour 
avoir  connu  des  Poulies.  Auparavant  valet  de  chambre  du 
Comte  de  Grammont,  condamné  à  être  pendu. 

On  voit  que,  comme  les  autres  accusés  des  procès 
de  bestialité,  Vigeon  fut  pendu,  puis  brûlé. 


VIGEON 


235 


Le  même  Recueil  Maurepas  donne  aussi,  sous  la 
date  1649,  une  chanson  sur  l'air  des  Triolets,  dont 
le  premier  couplet  nous  intéresse  : 

Vous  êtes  un  morceau  friant, 
Duquel  jamais  on  ne  se  soulle  ; 
Pour  cette  vieille  Guébriant, 
Vous  êtes  un  morceau  friant 
■  Qu'elle  goberoit  en  riant, 
Comme  Vigeon  goboit  sa  poulie  ; 
Vous  êtes  un  morceau  friant 
Duquel  jamais  on  ne  se  soulle. 

Enfin,  voici  un  autre  couplet  de  Blot  au  chevalier 
de  Rivière  : 

Mon  cher  Chevalier  de  Rivière, 

Enfin  je  me  suis  consolé  ! 

S'il  ne  l'eut  fait  que  par  derrière 

Jamais  il  n'eust  esté  brûlé, 

Mais  puisqu'il  prend  de  la  volaille, 

Parbleu  !  j'eusse  allumé  la  paille  ! 


TABLE  DES  MATIERES 


Pages 

Avant-Propos i 

Procès  de  Guillaume  Garnier  et  de  sa  chienne  noire.   .    .  17 

Procès  de  Pierre  Grondeau  et  de  son  anesse 21 

Procès  de  Jean  Devialle,   de  sa  chèvre   noire   et  de  sa 

génisse 22 

Procès  de  Jacques  Gion  et  de  sa  vache 25 

Procès  de  Jacques  Prenault  et  de  sa  chèvre  noire.    ...  28 

Procès  de  Michel  Morin  et  de  sa  brebis 33 

Procès  de  Jean  de  La  Soille  et  de  son  asnesse 37 

Procès  de  Macé  Avril  et  de  son  asnesse 42 

Procès  de  Jean  Gerbourt  et  de  son  asnesse 54 

Procès  de  Pierre  Poulain  et  de  sa  vache  rouge 60 

Procès  de  Collas  Hillaire  et  de  sa  vache  noire 64 

Procès  de  Gilles  Dobremer  et  de  sa  vache  rousse.  ...  68 
Procès  de  Bernard  Bouttesoll'î  et  de  sa  cavalle  de  poil 

bay 73 

Procès  de  Claudine    de    Culam   et  de   son   chien   blanc 

tachette  de  roux 83 

Procès  d'Eutrope  Bedeau  et  de  sa  jument 95 

Procès  de  Didier  Lengarat  et  de  sa  jument.    ......  104 

Procès  de  Pierre  Gautier,  dit  Barat,  et  de  sa  brebis  noire  108 

Procès  de  Jean  Sardon  et  de  sa  vache  blanche  et  rousse.  114 

Procès  de  Didier  Notel  et  de  sa  jument  isabelle 122 

Procès  de  Jean  Poignon  et  de  sa  jument  noire 127 

Procès  d'Etienne  Pasin  et  de  sa  jument  baye 131 

Procès  de  Pierre  Dupin  et  de  sa  vache  rousse 136 

Procès  de  François  Beaupled  et  de  sa  chèvre  noire   .    .    .  144 

Procès  de  Claude  Toussaint  et  de  sa  vache  noire  ....  149 

Procès  de  Gervais  Lienard  et  de  sa  jument  blanche  .    .    ,  156 

Procès  de  Jacques  Perrichon  et  de  sa  grande  truye  .    .    .  162 


238  TABLE   DES   MATIÈRES 


Pages 

Procès  de  Claude  Parisot  et  de  son  anesse 171 

Procès  d'Abraham  Berthin  et  de  sa  cavalle 176 

Procès  d'Antoine  de  la  Rue  et  de  sa  jument  blanche    .    .  181 

Procès  de  Toussaint  Boudier  et  de  son  asnesse 188 

Procès  de  Jean  Perier  et  de  sa  muUe  et  beste  asine  .    .    .  193 

Procès  d'Ambroise  Vernart  et  de  sa  cavalle 197 

Procès  de  Charles  Basse  et  de  son  asnesse 202 

Procès  de  Jean  Cochon  et  de  sa  jument 205 

Procès  de  Pierre  Fontaine  et  de  sa  mulle  et  beste  asine  .  208 

Procès  de  Charles  Chambery  et  de  son  asnesse 213 

Procès  de  Claude  Fabre  st  de  son  asnesse 217 

Procès  d'Antoine  Batailles  et  de  sa  cavalle 221 

Procès  de  Sebastien  Barillet  et  de  sa  jument  blanche  et 

boiteuse 224 

Appendice.  —  Le  supplice  de  Vigeon,  brûlé  vif  pour  bes- 
tialité avec  des  poules 231 

Table  des  matières 237 


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Le  Théâtre  d'amour  au  XVJIP  siècle 10  » 

Le  Livre  d'amour  de  l'Orient  (I).  Anang-a-Ranga  .  10  » 
Le  Livre  d'amour  de  l'Orient  (II).  —  Le  Jardin 

parfumé 10  » 

Le  Livre  d'amour  de  l'Orient  (III).  —  Les  Kama- 

Sutra , 10  » 

Le  Livre  d'Amour  de  l'Orient  (IV).  —  Le  Bréviaire 

de  la  Courtisane.  —  Les  Leçons  de  TEntre- 

metteuse 10  » 

L'Œuvre  des  Conteurs  libertins  de  l'Italie  (xviii® 

siècle) 10  » 

L'Œuvre  de  John  Cleland  (Mémoires  de  Fanny 

mil) 10  » 

L'Œuvre  de  Restif  de  la  Bretonne 10  » 

L'Œuvre    des     Conteurs    libertins     de     Ultalie 

(xv®  siècle) 10  » 

L'Œuvre  libertine  de  l'Abbé  de  Voisenon 10  » 

L'Œuvre  libertine  de  Crébillon  le  Jils 10  » 

Le  Livre  d'amour  des  Anciens 10  « 

L'Œuvre  libertine  des  Conteurs  russes 10  » 

UŒuvre  libertine   de  Corneille  Blessebois   (Le 

Rut) 10  » 

L'Œuvre  de  Choudart-Des forges  (Le  Poète  liber- 
tin)   10  » 


L'Œuvre  de  Fr.  Dellcado  (La  Lozana  Andalusa)  .  lo  fr. 

L'Œuvre  du  Seigneur  de  Brantôme lo  » 

L'Œuvre  de  Pigault-Lebrun lo  » 

L'Œuvre  de  Pétrone lo  » 

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Correspondance  de  M^^  Gourdan,  dite  «  la  Com- 
tesse » 8  » 

Portefeuille  d'un  Talon  Rouge.  —  La  Journée 

amoureuse 8  » 

Les  Cannevas  de  la  Paris  (Histoire  de  Thôtel  du 

Roule) 8  » 

Souvenirs  d'une  cocodette  (1870) 8  » 

Le  Zoppino.  Texte  italien  et  traduction  française.  8  » 

La  Belle  Alsacienne  (1801) 8  » 

Lettres  amoureuses  d'un  Frère  à  son  élève  (1878).  8  » 
Poèmes  luxurieux  du  divin  Arétin  (Tariffa  délie 

Puttane  di  Venegia) 8  » 

Correspondance  d'Eulalie  ou  Tableau  du  Liberti- 
nage de  Paris  {l'j^b),  2  \o\ ♦  .    .   .  16  » 

Le  Parnasse  satyrique  du  XVIII^  siècle 8  » 


La  Galerie  des  femmes,  par  J.-E.  de  Jouy.  ...  8 
Zoloé  et  ses  deux  Acolytes,  par  le  Marquis  de 

Sade 8 

De  Sodomia,  par  le  P.  Sinistrari  d^Ameno.  Texte 

latin  et  traduction  française 8 

Le   Canapé  couleur   de  feu,    par  Foug-eret  de 

Montbron 8 

Le  Souper  des  Petits  Maîtres 8 

Cadenas  et  Ceintures  de  chasteté 8 

Les  Dévotions  de  M^^  de  Bethzamooth .  .....  8 

La  Raffaella 8 

Contes  de  Jos,  Vasselier 8 

Histoire  de  M^^^  Brion 8 

La  Philosophie  des  Courtisanes 8 

Les  Sonnettes 8 

Nouvelles  de  Firenzuola 8 

Lucina  sine  concubitu 8 

Point  de  lendemain 8 

Mémoires  d'une  Femme  de  chambre 8 

Ma  Vie  de  garçon 8 

Anthologie  erotique  d'Amarou 8 

La  Beauté  du  Sein  des  Femmes 8 

Tendres  Epigrammes  de  Cydno  la  Lesbienne   .    .  8 

Divan  d'amour  du  Chéri f  Soliman 8 


Chroniques  Libertines 


Recueil  de»  «  indiscrétions  »  les  plus  sug'g'estives  des 
chroniqueurs,  des  pamphlétaires,  des  libellistes,  des 
chansonniers,  à  travers  les  siècles. 


Les  Demoiselles  d'amour  du  Palais-Royal,  par 

H.  Fleischmann 7  5o 

La  vie  libertine  de  M^^^  Clairon,  dite  «  F r éta- 
lon » 7  5o 

Les  Amours  de  la  Reine  Margot,  par  J.  Hervez    .       7  5o 
Mémoires  libertins  de  la  Comtesse  Valois  de  la 

Mothe  (Affaire  du  Collier) 7  5o 

Marie-Antoinette  libertine,  par  H.  Fleischmann  .       7  5o 
Chronique  scandaleuse  et  Chronique  arétine  au 

XVIII^  siècle 7  5o 


L'Histoire  romanesque 


La  Rome  des  Borgia,  par  Guillaume  Apollinaire.  7  5o 
La  Fin  de  Babylone,  par  Guillaume  Apollinaire.  7  5o 
Les  Trois  Don  Juan,  par  Guillaume  Apollinaire.       7  5o 


Les  Secrets  du  Second  Empire 


Napoléon  III  et  les  Femmes,  par  H.  Fleischmann.      7  5o 
Bâtard  d'Empereur,  par  H.  Fleischmann  ....       7  5o 


La  France  Galante 


Mignons  et  Courtisanes  au  XV I^  siècle,  par  Jean 

Hervez i5  fr. 

La  Polygamie  sacrée  au  XVI^  siècle i5    » 

Ruffians  et  Ribaudes,  par  Jean  Hervez 8  5o 


Chroniques  du  XVIII''  Siècle 

PAR  Jean  Hervez 


D'après  les  Mémoires  du  temps,  les  Rapports  de  po- 
lice, les  Libelles,  les  Pamphlets,  les  Satires,  les  Chan- 
sons. 


I.  La  Régence  galante  (épuisé). 
IL  Les  Maîtresses  de  Louis  XV i5  fr. 

III.  La  Galanterie  parisienne  sous  Louis  XV  .    .     i5    » 

IV.  Le  Parc  aux  Cerfs  et  les  Petites  Maisons 

galantes  de  Paris  (épuisé) 

V.  Les  Galanteries  à  la  Cour  de  Louis  XVI.  .    .     i5    » 
VI.  Maisons  d'amour  et  Filles  de  Joie i5    » 


Le  Catalogue  illustré  est  envoyé  ffaneo  sui»  demafide 


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F6166 

P75 

1920 

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